Quelques jours après la publication de l’avant-projet de texte de la nouvelle Constitution, la classe politique réagit et fait des récriminations sur le contenu du texte.
Le week-end dernier, à la Pyramide du souvenir de Bamako, plusieurs politiques du mouvement démocratique du 26 mars 1991 se sont retrouvés à l’invitation de l’Adema Association, présidée par Mme Sy Kadidiatou Sow, pour engager la réflexion sur la nouvelle Constitution en gestation. Ce cadre a ouvert la voie à de nombreux acteurs politiques de faire des griefs sur cet avant-projet de texte. L’ancien ministre, Dr Daba Diawara met en cause la légitimité des Institutions (le Président de la République et le Conseil national de transition) qui sont habilités à voter et à promulguer la nouvelle Constitution si le ‘’oui’’ l’emporte lors des élections référendaires de 2023. Pour lui, la Charte ne donne pas compétence à aucune autorité de la Transition pour établir et mettre en œuvre une procédure de révision de la Constitution du 25 février 1992.
En plus de l’absence de légitimité des Institutions de transition, cet acteur politique évoque la situation sécuritaire très précaire au Nord et au Centre du pays. «Ces parties du pays échappent, sans conteste, au contrôle du pouvoir de Bamako. L’atteinte portée au territoire national demeure, et à notre sens, elle impose de tirer les conséquences de droit de l’article 118 de la Constitution », a souligné Daba Diawara. L’article 118 de l’actuelle Constitution interdit toute révision de la loi fondamentale tant que l’intégrité territoriale est mise en cause.
Coup d’Etat non amnistiable
En dehors des récriminations sur la procédure de la Convocation de la Rédaction d’une nouvelle Constitution par le Colonel Assimi Goïta, le président du Yelen-Kura, Amadou Goita, est apparu critique au contenu de l’avant-projet de texte. « Ils veulent nous amener à un régime présidentiel hybride», a-t-il dit. Il reproche à l’avant-projet de texte d’ouvrir la voie à une « instabilité chronique » à cause de l’absence d’une disposition qui n’accorde plus d’amnistie aux auteurs éventuels d’un putsch. Outre, Amadou Goita a déploré la mise en cause des idéaux des évènements de mars 1991 et la faiblesse du rôle du député. «Les élus nationaux ont la possibilité de contrôler l’action gouvernementale sans pourtant être en mesure de sanctionner », a dénoncé cet acteur politique.
Sur le plateau d’une chaîne Africable, l’ancien bâtonnier Kassim Tapo estime que le texte devait aller au-delà de imprescriptibilité du coup d’Etat. « Le texte doit prévoir que tout coup d’Etat est un crime imprescriptible et non amnistiable”, propose Me Kassim Tapo, justifiant que malgré l’imprescriptibilité du putsch dans la Constitution n’a pas empêché deux coups d’Etat et amnistiés leurs auteurs. Très critique, il a qualifié ces amnisties de « bidons» qui violent la Constitution. « Quelque chose qui est prévue par la Constitution ne peut pas être amnistiée par une loi », a protesté Me Kassim Tapo, insistant que cette révision constitutionnelle doit être saisie pour écrire « tout putsch ou coup d’Etat est un crime imprescriptible et non amnistiable ». Même son de cloche chez plusieurs organisations de la société civile. L’observatoire pour les élections estime qu’il faut mettre « tout coup d’Etat est un crime imprescriptible et non amnistiable contre le peuple Malien ».
Outre, cet éminent avocat salue le maintien du pouvoir du Président de la République dans cet avant-projet de Constitution. Il déplore par ailleurs que les pouvoirs du Chef de l’Etat soient fragilisés par deux choses: le président doit se présenter devant le Parlement pour faire un discours sur l’état de la nation et la procédure de destitution autorisée par le Parlement. Pour lui, ce processus peut conduire le pays à un véritable coup d’Etat civil. « La majorité des députés peut décider d’engager la procédure de destitution du Président de la République à la majorité simple. Lorsque les deux chambres sont d’accord pour engager la procédure de destitution du président, immédiatement, il perd toute immunité. Cela veut dire qu’avant même qu’il soit destitué, le président va être à la merci de la Justice. N’importe quel magistrat, Procureur, juge d’instruction peut l’interpeller et le mettre sous mandat. C’est la voie ouverte, à mon avis, à l’instabilité totale », analyse cet avocat.
Siaka DIAMOUTENE/Maliweb.net