Quand un changement s’effectue à partir de discours, de dénonciations et de slogans, lorsqu’il offre si opportunément une occasion inédite, il faut s’attendre à une mainmise. Nous avons de tous les temps dénoncé la gestion clanique de la junte au pouvoir. Il ne peut être approuvé et soutenu, dans sa volonté de faire la promotion de ceux qui ont pillé notre pays pendant trente (30) ans. Mais dans un domaine aussi délicat, ni les bonnes intentions ni les fermes résolutions ne suffisent à garantir le résultat. Les Maliens parlaient de cinq (05) colonels au pouvoir. À force de se renseigner sur leurs comportements et leurs actes posés, ils ont fini par se défaire des quatre (04) colonels.
Aujourd’hui, les Maliens portent encore dans leur cœur, le colonel Assimi Goïta, président de la transition rectifiée. Ils aspirent à une justice rectifiée qui exige le respect du droit et de l’équité. Une justice sociale qui exige des conditions de vie équitable pour chacun. À la belle époque, le Mali était la firme de vingt et une (21) familles de milliardaires, issues du pouvoir ADEMA (l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice). On y rentrait dans la fonction publique pas pour s’enrichir mais parce qu’on était affilé à une de ses vingt-une (21) familles. Il était nécessaire pour Assimi Goïta que lui-même, engage toute son autorité, qu’il tienne aux Maliens un nouveau discours et qu’il dirige personnellement l’action.
L’aventure serait bien risquée mais il allait réussir. Au lieu de cela, il a composé avec ceux qui ont pillé nos ressources. Si le colonel ,président de la transition ne se ressaisit pas vigoureusement pour modifier radicalement le cap, s’il n’a pas le courage de parler enfin le langage de la vérité à son entourage, à son gouvernement et aux présidents des Institutions, les Maliens reprendront la rue pour la simple raison que la précarité des conditions de vie des citoyens se traduira par une amélioration de la vie de ceux qui occupent une bonne place et la perte de l’emploi pour ceux qui avaient une mauvaise. Pour une transition, ce serait bien pire qu’un échec: une capitulation.
Si on devrait jauger les chances de survie de la transition on pourrait dire sans exagération aucune, elle ressemble, à un navire qui traverse une zone de grandes turbulences, tangue et prend eau de toutes parts. Les paroles données n’ont pas été respectées. Les conditions de vie de la population se dégradent de jour en jour. La pauvreté et la corruption n’ont pas régressé, bien au contraire. Dans le pays profond, les jeunes ruraux, attirés par les mirages de la ville, fuient en masse les villages et viennent grossir les rangs des désœuvrés dans les quartiers périphériques de Bamako. Le pronostic est sévère: le navire de la transition pourrait sombrer dans les eaux agitées qu’elle traverse.
Selon l’analyse des experts de l’étude prospective du Mali à l’horizon 2025: le tableau est assez sombre, avec un contexte de marasme économique, d’instabilité politique et d’agitation sociale marqué par la montée de l’incivisme des populations, la corruption prononcée de l’administration, l’exacerbation des revendications corporatistes, la prolifération des partis politiques et des Associations autour des personnalités préoccupées par leurs propres intérêts, le laisser-aller généralisé. Pour conjurer ces nombreuses menaces pour sa stabilité, l’État s’appuie sur son armée et ses forces de sécurité. Quant au peuple, il s’appuie sur sa jeunesse, gendarme du pouvoir.
Deux (02) gouvernements constitués suivant une logique politicienne d’une junte qui n’a jamais su rallier à lui les compétences les plus affirmés du pays. Il y a au Mali des personnes dans l’appareil d’État et dans les États-majors des partis qui ont des velléités de comportement de «voyous politiques». Il faut les arrêter tout comme celle de la Société civile. Aujourd’hui, une situation beaucoup plus catastrophique caractérisée par la régression économique, la baisse de l’aide au développement, la dégradation accrue de l’environnement, la montée du chômage, la généralisation de la pauvreté et de la mendicité, la dépravation des mœurs.
En cette période de dangers imminents qui menacent les fondements même de l’État et de l’unité nationale, la mission de la junte se ramène essentiellement à la protection de la classe minoritaire des dirigeants et des possédants. Quelques soient les bonnes intentions de changement promis par la junte, elle sera boudée par ces mêmes citoyens si la transition n’est pas performante au plan économique. Les Maliens seraient tentés de jeter le bébé avec l’eau de bain.
Safounè KOUMBA