Le 26 octobre dernier, le Président de la République Centrafricaine Faustin Touadera, a signé un décret qui limoge la Présidente de la Cour constitutionnelle, Professeur Danièle Darlan. Selon ce décret lu sur les antennes des radios et télévisions publiques du pays, « sont rapportées, les dispositions du décret du 10 avril 2017 entérinant l’élection des membres du bureau de la Cour Constitutionnelle, en ce qui concerne exclusivement Madame Danièle Darlan, pour empêchement définitif ».
Le même jour, le Président de la République, non moins Doyen de la Faculté des droits de l’université de Bangui, a convoqué une assemblée générale extraordinaire pour procéder au remplacement de la présidente limogée à la Cour constitutionnelle, sans succès. La machine d’Etat est en marche pour briser toutes les résistances qui se dressent sur le chemin de la volonté présidentielle de s’offrir un troisième mandat. Elle a été privée de son mandat à la tête de la Cour mais aussi, mise à la retraite.
Depuis le 23 septembre 2022, date à laquelle la Cour constitutionnelle a invalidé le décret du Président de la République créant un comité chargé de rédiger une nouvelle constitution sur requête de l’opposition, Mme Danièle Darlan était une cible à abattre. Un gros caillou dans les chaussures du Président Touadera et ses soutiens internes et externes.
Pour le Bloc Républicain pour la défense de la Constitution (BRDC), une plateforme des partis d’opposition et des organisations de la société civile, « Touadera vient d’opérer un coup d’Etat constitutionnel en violant la sacro-sainte règle constitutionnelle de l’inamovibilité des juges de la Cour ». Le Coordinateur du BRDC, Crépin Mboli, s’exprimait en ces termes : « Nous sommes désormais en dehors de l’ordre constitutionnel ».
Le parti Kwa Na Kwa (KNK) de l’ancien président, François Bozizé, a fait part de sa « profonde consternation ». Cette formation politique qui se veut « respectueuse de la loi fondamentale, considère que le Professeur Danièle Darlan reste et demeure présidente de la Cour constitutionnelle jusqu’au terme de son mandant en 2024 ». François Bozizé et ses compagnons qualifient le Président centrafricain « du crime de haute trahison pour lequel il devrait être destitué ».
Mme Danièle Darlan intègre le club des rares cadres africains qui refusent d’accompagner des présidents comme Touadera, dans leur volonté de s’accorder une présidence à vie. Son courage est légendaire. Son inflexibilité donne de l’espoir et son combat mérite d’être soutenu. Sa décision de tourner la page de la Cour constitutionnelle comme elle l’a souligné dans une interview accordée à Radio France internationale (RFI), démontre une fois de plus, sa forte personnalité mais aussi son sens élevé de responsabilité. « Je conteste la façon dont j’ai été relevée de mes fonctions, mais je n’ai pas l’intention de retourner à la cour constitutionnelle parce que j’ai tourné la page », a-t-elle souligné.
Elle rappelle une autre femme de fort caractère, la magistrate nigérienne, Mme Salifou Fatima Bazeye. En 2009, elle et ses collègues ont opposé une fin de non recevoir au tripatouillage constitutionnel du Président du Niger d’alors, Mamadou Tandja. Elle a été limogée et la Cour dissoute par le Président Tandja balayé quelques mois après par un coup d’Etat militaire.
Un second cas que ce refus de Mme Danièle Darlan rappelle, est celui du magistrat guinéen Kèlèfa Sall. En septembre 2015, lors de la prestation de serment d’Alpha Condé pour un deuxième mandat, le haut magistrat l’avait averti de ne pas succomber à la mélodie des sirènes révisionnistes. Chassé de son poste de Président de la Cour constitutionnelle, décédé plus tard, Kèlèfa Sall a défié Alpha Condé sur son projet de 3ème mandat.
L’histoire retiendra que Mme Danièle Darlan a veillé, sans trembler, au respect de la légalité républicaine : « Je pars la tête haute, je pars la conscience tranquille. Et je voudrais toujours rester dans cet état d’esprit », a-t-elle déclaré.
Une juriste de grande conviction qui demeure en paix avec sa conscience.
Par Chiaka Doumbia