La fin de la transition, qui doit être couronnée par l’élection du Président de la République, est prévue officiellement dans 11 mois, plus précisément en février- mars 2024. Mais au regard du grand retard observé dans l’exécution des activités prévues dans le chronogramme, de l’impréparation en terme matériel et technique et malgré la date du referendum fixée au 18 juin 2023, on est en droit légitime de s’inquiéter sur le respect du délai de la transition.
Mesurant les conséquences d’une éventuelle prolongation du délai de la transition, les autorités sont-elles conscientes du danger qui guette le Mali? Ces dangers sont entre autres des sanctions économiques et financières, un isolement sans précédent et surtout l’exacerbation de la crise socio-politico-sécuritaire. Qu’il soit dit en passant les maliens ne seront plus prêts à avaler une amère couleuvre des autorités qui sacrifient les intérêts de leur peuple sur l’autel de leurs ambitions personnelles. En effet, Malgré la volonté clairement affichée par les autorités à aller aux urnes pour le referendum, le spectre d’une crise pré et post -électorale plane toujours sur la transition, bref tous les ingrédients d’une crise post -mars 2024 sont réunis et le risque d’une implosion sociopolitique est plus que jamais plausible.
Ainsi, en plus des forces politiques opposées, ou du moins favorables au respect du délai imparti pour la fin de la transition, à l’image de l’appel du 20 février et du groupement des partis politiques pour un retour à l’ordre constitutionnel, certaines organisations de la société civile, des leaders religieux et une frange importante du peuple sont également tous vent débout et pensent qu’il n’est ni techniquement possible encore moins matériellement de tenir les élections sur l’ensemble du territoire et au sein de la diaspora. Les écueils évoqués sont tellement nombreux que beaucoup sont sceptiques sur la possibilité de tenir le référendum. Parmi les obstacles pouvant bloquer la tenue du scrutin référendaire, il y a entre autres l’insécurité, qui fait perdre à l’Etat les 2 /3 du territoire, ensuite le taux de retrait des cartes biométriques extrêmement bas, une lenteur inexplicable constatée dans la mise en place des coordinations de l’AIGE et enfin le manque d’inclusivité et de consensus autour des réformes. Aujourd’hui les opposants, créés de toute pièce par les autorités de la transition, n’entendent rien lâcher, ils se battront pour faire échouer le projet, qui selon eux, est taillé sur mesure du prince du jour, afin de pouvoir faire acte de candidature. Ce qui rendra, à n’en pas douter, la tenue du referendum difficile.
En la matière, ce qu’il faut craindre c’est que les partis politiques, les organisations de la société civile, les leaders religieux et beaucoup d’autres anonymes ou encore les marginaux de la transition risquent de se donner la main pour former un front à l’image du Mouvement ANTE ABANA pour battre le macadam contre le projet de nouvelle constitution. Alors si tant est que les autorités veulent assurer à leur projet toute la légitimité requise, elles doivent faire en sorte que les différents obstacles qui se dressent devant la tenue du referendum soient levés. Donc elles doivent au prime à bord ouvrir la voie du dialogue afin de parvenir à un large consensus. Ce consensus ne pourra se réaliser qu’en faisant un remue-ménage sans état d’âme. D’abord que le Président de la transition, Assimi Goita sorte du sentimentalisme pour se débarrasser de ce gouvernement qui est incapable de rassembler et de proposer des solutions alternatives aux différentes crises, ensuite mettre en place une équipe gouvernementale, avec à sa tête un Premier Ministre moins clivant, rassembleur et capable de parler avec tout le monde sans à priori. Une équipe gouvernementale comprenant toutes les sensibilités sociopolitiques et qui aura comme mission d’élaborer une feuille de route consensuelle qu’elle proposera aux partenaires, même si cela devra entrainer une légère prolongation de la transition. Ce sursis que la CEDEAO et l’U.A vont accorder au Mali sera mis à profit pour mener les réformes, qui aujourd’hui sont indispensables pour notre pays et sa démocratie.
En somme, si Assimi veut encore sauver les meubles et sortir par la grande porte de l’histoire, il doit véritablement changer de fusil d’épaule, en menant une véritable révolution de palais qui consisterait à mettre à plat le dispositif politico-administratif actuel. C’est seulement à ce prix qu’il pourra éviter une crise pré et post-électorale aux conséquences incommensurables.
Youssouf Sissoko