ETAPES PREPARATOIRES DU REFERENDUM CONSTITUTIONNEL: Les observations et recommandations de la MODELE Mali

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La Mission d’observation des élections au Mali (MODELE Mali) a déployé ses 75 observateurs à long terme pour suivre les étapes préparatoires du Référendum constitutionnel, dont la nouvelle date, suite au report du scrutin prévu le 19 mars 2023, a été fixée au 18 juin 2023 selon le Conseil des Ministres réuni en session extraordinaire le vendredi 5 mai 2023.

En effet, le collège électoral est convoqué pour le dimanche 18 juin 2023, sur toute l’étendue du territoire national et dans les missions diplomatiques et consulaires, à l’effet de se prononcer sur le projet de Constitution. Les membres des Forces de Défense et de Sécurité voteront, par anticipation, le dimanche 11 juin 2023. La campagne électorale, à l’occasion du référendum constitutionnel, est ouverte le vendredi 2 juin 2023 à zéro heure. Elle est close le vendredi 16 juin 2023 à minuit.

Le projet de décret est adopté conformément à l’article 148 de la Loi électorale qui prévoit la convocation des électeurs par décret pris en Conseil des Ministres et sa publication au moins un (01) mois avant le scrutin.

Les observateurs de la MODELE Mali ont suivi, du 1er au 30 avril 2023, les activités ayant un impact sur le processus électoral ; à savoir la mise en place des coordinations de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE), la mise à jour des données pour les cartes nationales d’identité biométrique sécurisée et les réactions autour du projet de constitution.

Le rapport, issu de cette observation, est bâti autour de la synthèse générale, des remarques spécifiques et des recommandations a été partagé par la presse au cours d’une conférence de presse.

Il ressort de ce rapport que le contexte est marqué par les consultations entre les parties prenantes pour l’installation des membres des coordinations de l’AIGE au niveau des régions, cercles et communes ainsi que des ambassades et consulats ; le processus de mise à jour et de distribution des cartes nationales d’identité biométrique sécurisée et les discussions autour du projet de Constitution.

Selon ce rapport, les démembrements de l’AIGE n’ont pas encore été installés sur l’ensemble du territoire national. Dans toutes les localités, l’administration a donné les explications nécessaires aux partis politiques et à la société civile en leur demandant surtout de travailler à la recherche du consensus pour la désignation de leurs représentants. Des désignations de membres de l’AIGE ont eu lieu par endroits et dans d’autres le processus est en cours.

Les travaux de validation des données, pour l’obtention des cartes nationales d’identité biométrique sécurisée, sont en cours. Cependant, les demandeurs ont des difficultés pour accéder aux services à cause du nombre réduit des lieux d’enrôlement et l’insuffisance d’agents pour prendre suffisamment en charge les demandes de plus en plus croissantes. Le matériel d’enrôlement et de correction reste également un défi pour les autorités qui peinent à ouvrir d’autres centres afin de permettre à un grand nombre de la population à se faire enrôler ou à retirer leurs cartes nationales d’identité biométrique sécurisée. Les agents dédiés au travail ainsi que les tablettes d’enrôlement sont en nombre insuffisant donc très loin de satisfaire la demande. Ils ne peuvent dans le meilleur des cas enrôler par jour plus de cent personnes, soit entre 10 à 13% des demandeurs.

Le site web, mis à la disposition de la population pour la validation, est en perturbation fréquente.

Les statistiques ne sont pas disponibles ni globalement par rapport au nombre de personnes qui ont pu faire les corrections, ni par rapport aux données sur les femmes, les jeunes et les personnes vivant avec handicap.

Dans certaines localités comme Nioro du Sahel, Kéniéba et Kita, les OLT n’ont pu accéder aux chiffres des demandes et de retrait des cartes biométriques en raison du refus des autorités en charge de cette question qui exigent un ordre de mission ou une accréditation délivrée par les préfets, premiers représentants de l’État au niveau des cercles. Le refus a été constaté aussi au niveau du deuxième arrondissement (ex-commune II) du district de Bamako,

Sur le plan politique, les acteurs ne mènent pas assez d’activités de sensibilisation et d’éducation de leurs militants en vue des élections à venir. Dans le district de Bamako et les régions de Sikasso et Tombouctou, le projet de constitution a fait l’objet de vulgarisation à travers des conférences débats dans plusieurs écoles par le biais des académies d’enseignement.

Dans l’ensemble, des leaders religieux et les légitimités traditionnelles sont d’accord avec le Projet de Constitution même si, au départ, il y avait des divergences de vue liées surtout à la partie relative à la laïcité.

Sur le plan sécuritaire, certaines régions sont confrontées à des poches d’insécurité et à la présence des groupes armés terroristes. Le 16 Avril 2023, des individus armés non identifiés ont enlevés le greffier en chef du Tribunal de Diré (région de Tombouctou) devant son domicile.

Le 17 avril 2023, le poste des Eaux et Forêts de Diangounté Camara (cercle de Diéma, région de Nioro) a été attaqué par des hommes armés non identifiés vers 20h40, en brulant des documents et une moto. Le 26 avril 2023, un engin explosif, fabriqué à l’aide d’une bouteille de gaz butane, a été découvert et détruit par les agents de sécurité au poste de péage de Diéma.

Dans la région de Mopti, précisément à Sévaré, le 22 avril 2023, une attaque terroriste a fait 10 morts et plus de 60 blessés civils.

 

Les remarques spécifiques

Concernant la mise en place des coordinations de l’AIGE, le rapport indique l’installation des coordinations de l’AIGE n’est effective dans aucune des localités observées.

Les lenteurs, observées dans le processus de mise en place, sont toujours liée aux désaccords entre l’administration, les partis politiques et la société civile en raison des modalités de désignation des membres. Après cette étape, la question de l’installation, du siège des coordinations et de la formation des membres apparaissent comme les prochains défis à relever avant le Référendum du 18 juin 2023.

Dans les régions de Kayes, Mopti et Gao ainsi que le district de Bamako, les membres des coordinations de l’AIGE ont été désignés, mais pas encore installés.

Dans la région de Koulikoro, dans l’ensemble des localités observées, les coordinations de l’AIGE sont partiellement désignées. Les coordinations de l’AIGE des localités de Kati, Banamba, Dioïla, Kangaba et la commune de Koulikoro n’ont toujours pas été désignées. Dans les localités de Kolokani et Nara, les coordinations de l’AIGE sont toujours au stade de désignation partielle.

Dans la région de Tombouctou, les partis politiques et la société civile ont désigné leurs représentants au sein des coordinations locales. Le processus de désignation des membres de l’administration et les discussions autour de l’installation des coordinations est en cours.

Dans la région de Kidal, les membres des coordinations locales de l’AIGE n’ont pas été désignés. Certains membres ont été choisis mais les contestations empêchent l’effectivité des listes. Concernant les opérations de mise à jour des données biométriques, avec le Référendum dont les scrutins sont prévus les 11 et 18 juin 2023, environ 8 millions d’électeurs doivent disposer de leurs cartes nationales d’identité biométrique sécurisée pour voter. Ceci constitue un défi énorme pour les autorités de la transition.

L’article 71 (nouveau) de la loi électorale dispose : « La carte nationale d’identité biométrique sécurisée tient lieu de carte d’électeur. (…) La carte nationale d’identité biométrique sécurisée est l’unique document d’identification admis dans le bureau de vote (…). »

Dans la région de Kayes, environ 10 000 personnes ont effectué la mise à jour dans le cercle de Diéma, 3 600 demandes à Kayes, 3 050 à Bafoulabé et 2 500 à Yélimané. Mais, aucune carte nationale d’identité biométrique sécurisée n’a été distribuée.

Dans les régions de Sikasso et Bougouni, le nombre de personnes ayant effectué une demande de carte d’identité biométrique est de 12 932 personnes à Kadiolo, 2 706 à Bougouni et 3 256 à Yanfolila. Ici, aussi, aucune carte n’a été délivrée.

Dans la région de Ségou, environ 50 500 personnes ont mis à jour leurs données à Ségou, 3 010 personnes à San, 3 225 à Tominian et 7 522 à Niono. Mais, la délivrance n’a pas encore commencé dans la région.

Dans la région de Mopti, les OLT n’ont pas pu avoir les statistiques auprès des commissariats de police et des brigades de gendarmerie sur le nombre de personnes ayant effectué une demande et ayant obtenu leurs cartes.

Dans la région de Tombouctou, plus de 47 653 personnes ont été concernées par l’opération dont 6 297 à Niafunké, 2 020 à Rharous, 11 325 à Tombouctou, 3 211 à Goundam et 24 800 à Diré. Quant au retrait des cartes, il n’a pas encore démarré.

Dans la région de Kidal, aucune activité n’a été entreprise en ce qui concerne la mise à jour des données biométriques. Selon les autorités locales, des agents ont été formés spécifiquement pour cela et les travaux devront commencer dans les meilleurs délais.

 

Le projet de Constitution

Le projet de Constitution est timidement vulgarisé sur l’ensemble du territoire national. Dans la région de Dioïla, la vulgarisation est faite sur les radios de proximité et auprès de la population par les autorités politiques, traditionnelles et les leaders religieux.

Dans la région de Ségou, les leaders religieux et légitimités traditionnelles sont favorables et soutiennent le projet de constitution sous réserve de revoir l’aspect laïcité.  Dans la région de Mopti, les seules activités concernent les communications verbales des représentants de l’administration (Gouverneur, Préfet, Sous- Préfets), lors des rencontres, avec comme finalité de sensibiliser les populations à voter en faveur du projet de constitution.

Dans la région de Tombouctou, le 4 avril 2023, le Gouverneur a rencontré les légitimités traditionnelles autour du projet de constitution. Les 26 et 28 avril 2023, les académies d’enseignement de Tombouctou et Gourma Rharous ont organisé chacune une conférence sur les innovations dans le projet de constitution à destination des acteurs de l’école notamment les enseignants et les élèves. À Niafunké, il n’y a pas eu d’activités de vulgarisation du projet de Constitution.

À Kidal, la vulgarisation du projet de Constitution n’a pas été faite ni par les autorités, ni par les partis politiques. Les OLT ont observé une seule conférence de vulgarisation du texte, faite par une organisation de la société civile et financée par la MINUSMA.

Les Recommandations

En vue de réussir le Référendum constitutionnel, respecter les délais de fin de transition et aboutir à des élections libres, transparentes et équitables, la MODELE Mali formule quelques recommandations.

Aux Autorités de la transition, la MODELE Mali recommande le renforcement de la sécurisation des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national ; le renforcement du dialogue politique afin d’inclure toutes les forces vives pour une transition inclusive, apaisée et réussie ; la multiplication des équipes fixes et mobiles de distribution des cartes nationales d’identité biométrique sécurisée ; la pérennisation du dispositif de mise à jour des données pour la carte nationale d’identité  biométrique sécurisée ; la prévention des violations des droits de l’Homme lors du cycle électoral, y compris la prise en compte des besoins spécifiques des personnes vivant avec handicap, des personnes déplacées  internes et des réfugiées ; la large vulgarisation du contenu du projet de Constitution dans toutes les langues nationales ainsi que dans la langue des signes pour les personnes sourdes.

A l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE), la MODELE Mali demande la mise en place dans les meilleurs délais du processus d’accréditation des observateurs tel que prévu à l’article 39 de la Loi électorale. Par ailleurs, il serait utile que le président de l’AIGE précise l’étendue des attributions des observateurs en mentionnant leur présence à toutes les étapes du processus électoral ; y compris aux différents niveaux de centralisation des résultats provisoires et définitifs ; l’accélération du processus d’installation et d’opérationnalisation de ses coordinations dans les régions, cercles, communes, ambassades et consulats, conformément aux articles 22, 23 et 24 (nouveau) de la Loi électorale en vigueur ; la supervision des opérations d’impression et de remise des cartes nationales d’identité  biométrique sécurisée devant servir de cartes d’électeurs ; la publication d’un calendrier électoral réaliste pour le retour à l’ordre constitutionnel.

Aux partis politiques et organisations de la société civile, la Mission recommande la mise en œuvre d’une stratégie d’éducation civique afin d’informer et de mobiliser les citoyens autour du Référendum constitutionnel.

Aux partenaires bi et multilatéraux du Mali, la MODELE recommande l’accompagnement fort et direct de l’ensemble des acteurs qui œuvrent pour le retour à l’ordre constitutionnel.

Dieudonné Tembely

L’Evènement

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