Adame Ba Konaré publie : « Ferdinand DURANTON, le Prince Français du Khasso »

0
146

Un critique, il y a peu, présentant l’œuvre du moment; le dernier roman en date du Pr Adam Ba konaré, concluait sur ces mots:  » … son ouvrage transpirait la Générosité d’une Dame de Cœur ». La générosité dont il était question explosait le cadre philanthropique naturelle de la femme, de la sœur ; ainsi que de la mère, de l’épouse qui ;la conduisit à leur dédier un musée pour apprendre l’humain « mousoya », bastion sociétale et civilisationelle. Dans le long cheminement de nos cultures à l’abandon.

Ce livre consacré à Ferdinand DURANTON, GARANTON, pour le Khasso. Quoique réservant une place centrale à la femme; en l’occurrence la belle SADIOBADIALLO , fille ainée et princesse du roi Khassonké de Médine,  qui en constitue la trame. A tous points de vue,  est aussi la preuve de cette autre générosité; dédicace de la  fête de l’intellect, de la soif de savoir; de l’appel et du rappel de l’histoire. La vraie histoire, pas la légende, pas le conte, pas la fable.

Au-delà,  Il s’agit bien de cette plume onctueuse, alerte, précieuse et simple à la fois, inspirée et authentique tout aussi; s’abreuvant toujours et toujours à la source du Griot; dont l’honneur et; la pérennité de son art est de ne  jamais  prendre quelques libertés d’avec le Vrai;  quelques privautés d’avec l’art séculaire du Dire. C’est cet encrier vibrant, vielle marmite de savoir, la panse repue du monde. Au contact duquel le  lecteur devient la chose et son contraire, l’autre lui-même. Se laissant, malgré lui et tout disposé, à se laisser pénétrer par ses fibres les plus intimes et; jusqu’ici insoupçonnées d’un enseignement authentique; d’une romance et d’un témoignage servis dans un écrin moitié satin moitié velours; enrobant une myriade de pépites de toutes les précieuses connues du Bambouk.

Ça, c’est de la littérature. Ni de trompe le cœur, ni de crève la pensée, c’est celle tonifiante de l’esprit  «humecté de toutes les rosées».

 

De la réalité, de l’histoire , de la tradition, des coutumes; du savoir local, de la géographie, de la géologie mais aussi  des cosmogonies; de la religion, de la politique , de l’économie , du rapport au pouvoir et le pouvoir de pouvoir.

C’est celle du parler de sel et de fiel, des demi-sourires, des rires et des cris. Des angoisses de l’aventure et de l’inconnu et le havre tranquille de l’aboutissement. Puis un autre départ. Et tout ceci est comme un jeu permanent de yoyo entre la tête et le ventre. Entre la fontanelle et le tendon. Mais le critique en avait prévenu. Quand l’auteur de «  l’Os de la Parole » et surtout du jeu arabesque de « l’Ail et de l’Encens » délace sa plume c’est une déferlante d’un monde aux mille facettes, c’est une explosion psychédélique tourbillonnant comme le « funu funu ».

Duranton le Prince, c’est tout cela à la fois. Jamais parole de griot ne fut si saisissant, jamais art ne fut aussi maitrisé, jamais aussi  écrivain ne fut  si happé par le récit dont il se voulait le vecteur, car il faut le dire, ADAMBA a été embarquée par djeli Madi Kouyaté et à son tour et à sa suite , presqu’inconsciemment , mais sans doute avec une délectable malice transporte, pour le transfigurer, le lecteur devenu son auditoire, jouant sur ses nerfs, l’impatiente, dompte ses pensées quand il ne provoque pas son courroux ou du moins sa frustration par ses incessants artifices de l’art oratoire .

C’est que l’auteure s’incrustant dans son récit  était devenue à la fois conteuse, exégète, analyste  multidimensionnel et cette fidélité au vivre africain dans toute sa splendeur.

L’histoire de ce Prince Duranton du Khasso, en lui même,  est simple. Dans  sa forme la plus squelettique c’est celle de la rencontre d’un homme et d’une femme, c’est le schéma un peu enhardi  de la rencontre  d’un colon blanc  et d’une princesse (le premier pas de ce que sera la longue chaine  des mariages mixtes) et du « brassage » des alcôves avant celui des peuples et des cultures. C’est Plus généreusement la vie, l’œuvre et la mort d’un éclaireur, d’un précurseur incompris, d’un plénipotentiaire aux prises avec lui-même et ses congénères. En somme, l’Autre Ambassadeur, l’Autre Seigneur d’un monde commençant. Mais ADAMBA, s’adossant sur une solide tradition d’écriture en fait une Epopée digne  de celle de Soundjata, inventeur d’empire ou plus proche de Ségoudamonzon, ces passés qui sauvent encore le présent…pour combien de temps ?

Prenez à la fois Tamsir Niane, Hampaté Amkoulel, et peut être un zeste  de Alain Decaux,  les diseurs…., ajoutez-y le talent et l’a propos d’un Djeli Baba Sissoko ou d’un Pierre Bellemare et  vous vous rapprocherez de ce livre conte, témoignage, roman, étude, d’un épisode de cette histoire du Mali.

L’art oratoire porté au summum, l’écriture la plus racée et la plus châtiée mais sans forfanterie aucune,   croise et décroise des destins, des rencontres, des cités et des villes, des princes et des manants et par-dessus tout Saint Domingue-Haiti, si loin et si proche, rejoignant Médine, la cité fortifiée, la cité interdite que ne parviendra à conglomérer, telles les nattes tressées de la sublime SADIOBAHAWADEMBADIALLO, paradis de femme, que le puissant et funeste sortilège des origines, tueur d’avenir,  d’une Ba Sitan outragée.

Un des traits marquants de la présente offre de l’auteure des « Parfums » réside aussi dans le dédoublement oratoire qui conduit à penser qu’elle était devenue son griot, diseur de vérité. Ils se sont si confondus qu’ils semblaient dire la même chose en des langues différentes quand ce n’est pas l’osmose la plus parfaite qui veut que djeili Mady Kouyaté ne parle que parce que la voix intérieure de la narratrice l’y invite. C’est sans doute ce qui explique les cascades de mélange, de croisements, de superpositions, de chevauchements, d’enchevêtrements  servis dans un  savant dosage d’apartés-digressions-silences-rappels- suspenses-kora Kouyaté royale, le tumulte de la parole libérée et les ruades d’une histoire, en vérité, peu banale.  Dès lors, traditions et fondements historico- scientifiques ne font plus qu’un et devant s’effacent antinomie, antagonismes et querelle des sources.

Générosité donc, mais aussi son poursuivant l’Humanisme, en particulier politique que Ferdinand DURANTON, cet autre « Roi de Kahel », à sa manière, inaugure.

Ancêtres de la communauté de destin ? Ancêtres des citoyens du monde ? Ancêtre du savoir donner et du savoir respecter les gestes d’invite ? Il est permis de le penser de Hawa Demba  et de son beau fils, personnages hautement  politiques, au service des leurs. Au delà du fracas des armes, au delà des jeux de pouvoir et de puissance.

Deux cents quarante cinq pages de trouvailles documentaires, de propos fleuries de toutes les  axiomes, les proverbes, les adages et les  lieux  communs, éprouvés dans le dire et dans la sagesse .Voilà cette histoire de prince blanc-noir, cette histoire de France, cette histoire des Antilles et de celle de la case royale de la Dembaya. Voilà le destin de SADIO, à la cambrure ensorcelante, «aux attaches célestes» et au gout de miel.

En vérité pour présenter cet ouvrage du Professeur ADAMBA, il aurait fallut écrire tout un livre pour pouvoir  témoigner de ce style vrai que ne trahissent en rien le flux et le reflux, le va et vient fécondant de la rencontre des deux facettes d’une même kola. C’est que la nouvelle écriture  romanesque, elle le sait,  est condamnée à se réinventer ou à périr, telle la vieille négritude se « cadavérisant » pour répondre aux apostrophes et interpellations qui feront que Nicolas, à l’issue de ce voyage initiatique, style « Kaïdara », à la rencontre de son trisaïeul explorateur, ne sera plus le petit blanc de la petite rue de quatre cent vingt cinq mètres du XVe arrondissement de Paris.

Générosité ! Quatre fois Générosité ! Encore une fois, la Dame de cœur, et c’est son label de fabrique, a écrit mille livres en un seul. Le reste vous revient, nobles visiteurs.

Grand griot Kouyaté du fond des âges, et vous Maitre et Professeur ENSUP, foudroyé par tant de science et de brillance, je sollicite humblement de quitter la Parole.

Sidy ELKOUNTA

Professeur           

SourceLerepublicainmali

Laisser votre commentaire