Interview/BAKARY PIONNIER SE PRONONCE SUR LES QUESTIONS BRULANTES DE L’HEURE : «Il n’y a pas à désespérer du sort du Mali mais, il ne faut pas non plus négliger l’ampleur et la profondeur des problèmes»

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Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, malgré sa santé neurologique précaire, Bakary Koninba Traoré dit Bakary Pionnier se prononce sur la situation politique et sécuritaire au Mali. Economiste chevronné, il énonce aussi des mesures à envisager pour une sortie du marasme économique. Face à l’impasse dans la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix, Bakary Pionnier donne également des pistes de solutions et livre enfin des messages aux Maliens.  

 L’Evènement : Bonjour Dr, quelle analyse faites-vous de la situation politique actuelle du pays ?

Bakary Koninba Traoré : Merci de l’intérêt que vous accordez à ma modeste personne. En effet, depuis 2011, je vis une situation de santé neurologique. Donc, cela fait huit ans que je ne suis pas tellement actif. Comme, j’ai des relations et des contacts et que j’écoute et essaie de lire les évènements et les commentaires sur la vie du pays, il est certain que je peux avoir une certaine opinion. Mais je ne suis pas aussi plongé dans l’activité comme par le passé. Comme les gens aiment à le dire : pionnier aujourd’hui, pionnier toujours. Je ne me suis jamais coupé des réalités du pays.

Le Mali, comme d’autres pays dans le monde, connait une situation qui n’est pas toujours reluisante. Mais, la vie politique et sociale nous enseigne qu’il ne faut jamais considérer que l’activité politique, économique, sociale et culturelle, se passe sans à-coups, c’est-à-dire, sans difficultés. Le plus important est que la lecture de l’histoire de notre pays nous apprend que quels que soient les problèmes, les difficultés et les impasses, que le peuple a eu à subir avec ses responsables, il est toujours arrivé qu’au bout, l’effort a porté fruit et on s’est retrouvé dans une situation meilleure. Certes, les temps ont changé. Nous ne sommes pas dans la meilleure des situations, mais nous n’avons pas tout perdu. Il y a de l’espoir, car, on a des hommes, des femmes, des jeunes, des personnes âgées, et des non nationaux qui pensent et qui agissent pour faire en sorte que le Mali soit meilleur. Donc, j’estime qu’il n’y a pas à désespérer du sort du Mali mais il ne faut pas non plus négliger l’ampleur et la profondeur des problèmes auxquels nous faisons face. A bon entendeur salut ! Et comme la devise des pionniers le dit : Pionnier aujourd’hui, pionnier toujours. Nous devons rester dans la ligne du combat continu, de l’ouverture d’esprit, de la compréhension et la complémentarité. Et, je suis convaincu que toute personne qui analyse objectivement la situation qui prévaut actuellement au Mali, tout en ayant le concert des difficultés ; a aussi la raison de croire que c’est une chose qu’on peut vaincre.

 

L’Evènement : La situation sécuritaire est plus que jamais délétère malgré la présence des forces étrangères sur notre sol. Après le Nord, c’est le Centre du pays qui vit des tensions, presqu’intercommunautaires. Quels commentaires et analyses faites-vous de cette situation ?

Bakary Koninba Traoré : La sécurité au niveau du Mali est préoccupante. Cela a amené au niveau international que des efforts soient déployés pour faire intervenir des groupes et des organisations, en vue  d’essayer de nous apporter des aides et des secours comme dans tous les pays du monde où il y a des difficultés. Mais, dire que la situation sécuritaire, malgré la présence des forces extérieures n’est pas reluisante, est une formule qu’un pionnier ne va pas choisir. Parce que cela voudrait dire que les forces extérieures sont déterminantes. Même avec leur présence, nous avons des problèmes. Mais, le fond du problème sécuritaire du Mali est qu’il revient au niveau malien de trouver la solution. Cela avec l’appui de tous les maliens de l’intérieur comme ceux établis à l’étranger ; mais aussi d’autres nationaux qui comprennent que le monde est tellement lié aujourd’hui que des aspects de sécurité qui se passent loin de chez soi n’épargnent personne. En tous cas, du Nord au Centre, tout est le Mali. Il ne faut pas rêver : croire qu’il y a l’aubaine dans certains endroits et l’enfer dans d’autres.

Maintenant, le fait que l’insécurité se déploie du Nord vers le Sud veut dire qu’ils ont échoué au Nord. Sinon si cette partie du pays avait entièrement donné satisfaction à ceux qui veulent faire prévaloir l’insécurité, ils n’allaient pas arriver au Centre. Ils allaient rester au Nord pour réaliser leur programme à partir duquel, ils vont s’occuper du Centre.

La situation sécuritaire est préoccupante mais, nous avons la possibilité et les moyens, en tant qu’Etat, Peuple malien et Nation qui a une longue histoire d’y faire face. Et, je suis convaincu qu’il y a beaucoup des gens qui partagent cette conviction : que la victoire du Mali viendra du Peuple malien et l’insécurité trouvera une fin.

 

L’Evènement : Aussi, sur le plan économique, la situation n’est pas reluisante. Le panier de la ménagère se rétrécit davantage. Quelles mesures doit-on envisager pour une sortie de ce marasme économique ?

Bakary Koninba Traoré : Nous venons de décrire les difficultés que l’insécurité créent. A partir de cela, l’organisation de l’activité économique productrice de revenus qui permet de faire en sorte que sur ce plan, le pouvoir d’achat du Malien ou le niveau du panier de la ménagère s’élève reste un long processus. Economiste de formation, je comprends qu’en faisant la lecture du monde actuel, on trouvera que l’économie n’est pas reluisante à tous les niveaux. Il y a des pays qui se portent actuellement mieux alors qu’il y a eu des moments où ils étaient dans des situations difficiles. Si l’on fait la lecture de l’histoire de la réalité économique et des personnes qui essaient d’améliorer cette réalité, il n’y a aucune raison de ne pas croire que le Mali ne va pas connaitre, bientôt une situation économique, sécuritaire et sociale reluisante.  

 

L’Evènement : La mise en œuvre de l’accord est presque dans l’impasse, si on peut dire ainsi. Selon vous, qu’est-ce qu’il faut, pour débloquer la situation ?

Bakary Koninba Traoré : S’il y a impasse cela voudrait dire que les points sur lesquels on peut comprendre l’impasse sont lisibles, visibles et palpables. Comme il y a des acteurs qui sont engagés historiquement par les institutions, par leur nationalisme ou convictions, ces derniers ont la responsabilité de comprendre qu’il ne faut pas désespérer. Les points étant situés, il reste encore des niveaux où l’on peut se rencontrer pour discuter, échanger et comprendre la nature des problèmes et faire en sorte que la conjugaison des efforts positifs nous amène, en terme dialectique pour que l’Accord puisse avoir une continuité, une réalisation et des résultats.

 

L’Evènement : Que direz-vous actuellement aux maliens et maliennes ?

Bakary Koninba Traoré : Je dirais aux maliens et aux maliennes de se souvenir que nous avons une longue histoire. De chercher à connaitre notre Culture et notre Histoire et qu’à partir de là qu’ils comprennent qu’ils sont des citoyens à part entière de ce pays. Qu’ils sentent le défi d’être maliens. Cela veut dire que lorsqu’il y a des problèmes, on agit de façon conjuguée, complémentaire, pour que les choses aillent mieux. Je ne connais pas une seule nation qui, à travers toute son histoire, dans la tranquille somnolence d’activité, a réussi un bon développement. Même si des pays aujourd’hui connaissent un développement acceptable, on se rappelle que ses citoyens ont connu des moments difficiles. Mais, cela ne les a pas poussés au découragement. Ils sont restés constants, conséquents et actifs. Et, ils ont eu de bons résultats. Tout ce que je peux dire aux maliens, c’est de considérer qu’il n’y a pas de raison de désespérer et de se décourager. Qu’il faut compter l’effort, l’ouverture vers les autres avec lesquels on a des incompréhensions. Il nous revient, de façon démocratique et ouverte, de conjuguer les efforts pour faire en sorte que ce pays se porte mieux. Nous avons une longue histoire et il reste encore du temps pour beaucoup de générations de réaliser des résultats appréciables et appréciés.

J’aime rappeler aux gens que de l’indépendance à nos jours, le seul prénom qu’on conjugue avec le nom pionnier au Mali c’est Bakary. Il n’y a pas deux. Ce n’est ni un président, ni un ministre ou autre chef qui m’a donné ce nom. C’est entre jeunes filles et garçons, que les gens ont décidé de m’appeler Bakary pionnier.  Et je rappelle encore une fois la devise des pionniers : pionnier aujourd’hui, pionnier toujours. C’est ce que j’avais à dire aux maliens et maliennes. Bonne chance et bon courage.

L’Evènement : Merci !

Propos recueillis

Par Dieudonné Tembely

Source: L’Evènement

 

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