Abdoul Salam Togola, président de l’APDM : « Nous sommes appelés à s’unir, à former un seul bloc pour la défense du Mali »

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Interview
Interview

L’actualité malienne dominée par le dialogue national inclusif, des appels au départ des forces étrangères, notamment la France pour ambiguïté dans sa coopération avec le Mali sur la question de Kidal, ne laissent indifférent Abdoul Salam Togola, président de l’Association pour la Protection et la Démocratie au Mali (APDM), membre de la Plateforme Patriotique Arc-En-Ciel pour le Mali.

Dans une interview qu’il a accordée à Icimali.com, celui que d’aucuns appellent affectueusement Willy appelle incessamment ses compatriotes à marquer une pause politique pour se concentrer derrière les dirigeants et les Forces Armées Maliennes face à la crise protéiforme qui secoue le Mali. Icimali.com : Aujourd’hui, le Mali est dans la dynamique du Dialogue National Inclusif, jugez-vous cela nécessaire ?

Monsieur Abdoul Salam Togola : En réalité, cette initiative du dialogue national inclusif est une nécessité. A un moment donné, la Gouvernance et beaucoup d’autres  questions suscitaient de polémiques au sein de la Société. Dans les circonstances pareilles, il est nécessaire que nous créions un cadre, où  tous les citoyens peuvent se représenter, se regarder face à face, se dire la vérité, et aussi accepter de proposer, quelle qu’en soit la nature des sujets, pour une synergie d’actions en faveur de la paix. C’est ce qui pose ce problème de dialogue social inclusif.

Le dialogue est une nécessité, une priorité. Nous pouvons être vexés, méfiants les uns les autres par le passé. Mais la situation actuelle nous oblige, pour que l’histoire ne nous juge pas, que le jour où nous avons été appelés au nom du Mali, nous avons refusé. Acceptons d’aller discuter. Mais, il ne faut oublier l’absence de certains Maliens depuis le début du processus jusqu’-aujourd’hui.  Chaque Malien compte. Nous exhortons donc les organisateurs de ce dialogue à ne pas baisser les bras dans les démarches.

Qu’attendez-vous concrètement de ce grand rendez-vous ?

J’attends que les Maliens disent ce qu’ils pensent concernant le Mali. J’attends de ce dialogue que les échanges qui vont y avoir lieu soient pertinents, pas comme ceux d’avant. Ceux-là qui ne participent pas donnent des raisons.  Nous attendons que ce dialogue soit une cadre où tous les Maliens puissent exprimer ce qu’ils veulent, qu’il ne soit pas restreint ou empêche les citoyens de dire ce qu’ils pensent. La gestion du pays compte pour tout un chacun.

Il y a une crise de confiance  entre les Maliens, les gens doutent de l’applicabilité des résolutions de ce dialogue, il ne va amener à nulle part, parce qu’ils ont vécu des expériences. Je pense à la  conférence  d’entente nationale qui n’a pas porté ses fruits.

Il est temps qu’on se fasse confiance. Les dirigeants doivent se montrer engagés par rapport aux résolutions que vont sortir du dialogue pour la sortie de crise.

La question sécuritaire pose trop de polémiques. Comment peut-on expliquer cela ?

Le Mali vit dans une situation très critique sur le plan sécuritaire. Mais le Mali n’est pas le seul. Nous ne sommes pas les seuls, dans ce qui se passe aujourd’hui au Mali, surtout en zone de Sahel. Aujourd’hui, le gros problème sécuritaire du Mali est la zone du Sahel.  Le phénomène du terrorisme qui nous frappe n’a pas commencé aujourd’hui. La situation s’envenime du jour au lendemain.

Vue cette situation, ce ne sont pas seulement les Militaires qui vont sortir le Mali de cette impasse. Ils sont là pour la défense de la patrie. La contribution des populations est nécessaire, il faudrait qu’on soit conscient que nous sommes frappés par une situation que nous n’avons pas voulue, une guerre nous a été imposée, dont nous ne connaissons pas la fin. Beaucoup de Maliens n’ont pas compris la gravité du problème.

Quant aux nous, Maliens, nous devons nous unir. Ce n’est pas le moment des querelles politiques, mais du sursaut national. Aujourd’hui, la survie du Mali est importante. Les politiques internes doivent cesser, du moins aujourd’hui. Ce n’est pas le moment de faire un procès, de juger ou de faire porter le chapeau à X ou à Y. Nous devons tous nous sentir concernés et coupables. Nous devons nous lever comme un seul homme pour  défendre la dignité et l’intégrité du territoire. Le reste après. Finies les périodes électorales, finies les tendances électorales. Quelle qu’en soit la personne, notre impression sur la personne qui dirige le pays, nous sommes appelés à s’unir derrière cet homme-là, à former un seul bloc pour la défense du Mali.

Si aujourd’hui à Kidal, le MNLA revendique la libération de l’Azawad, alors que veut le Malien, ici ? Quel combat plus légitime pour nous que de convaincre nos frères Maliens de l’autre côté que le Mali est Un et Indivisible, les convaincre que nous pouvons faire le Mali ensemble. Il n’y a pas de combat légitime que cela aujourd’hui.  Cela ne peut pas passer à travers ces combats, ces critiques politiques. Battons-nous pour la survie et l’intégrité territoriale du Mali.

Il faut que les dirigeants du Mali fassent désormais de sorte que l’intégrité territoriale et la dignité du Mali ne suscitent pas d’ambigüité, sur la nature de coopération qu’ils vont entreprendre avec quiconque.  Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est que d’autres doutent que Kidal fait partie du Mali, parce que quelque part il y a ambiguïté.

Monsieur le président, la France est décriée aujourd’hui, de par sa gestion de la crise sécuritaire, notamment la question de Kidal. Beaucoup de Maliens demandent son départ. Qu’en dites-vous ?

Si c’était seulement une petite partie des Maliens qui décrie cette collaboration de la France avec le Mali, on aurait douté de leur compréhension de la chose. Et si c’était seulement le Mali. La situation que les Maliens décrient est la même que le Burkina, le Tchad, le Niger décrient. Alors, vont-ils tous mentir ensemble ?   Nous ne pouvons pas tous se tromper ensemble sur l’action de la France au Sahel.

C’est à la France de revoir sa manière de gérer le Sahel. Aucun soutien n’est important aujourd’hui pour un pays partenaire que d’aider à garder sa souveraineté, son intégrité territoriale. Nous ne pouvons être des partenaires, sachant bien qu’une partie de notre territoire est occupée par d’autres personnes qui revendiquent l’autonomie, et que notre partenaire ne soit aligné directement, sans équivoque, derrière son partenaire pour reconquérir   son territoire. Il y a sérieux problème.

La France, pour montrer qu’elle soutient franchement, honnêtement et clairement le Mali, devrait être au côté de l’Armée malienne pour Kidal, non en mettant une barrière entre l’armée malienne et Kidal. Donc les Maliens qui décrient cela ne se trompent pas.

Mais, nous pouvons aussi revoir la manière. Il ne faut pas oublier qu’à un moment donné, nous avons fait appel à la France, à l’intervention de son armée ici, au Mali. Ce jour-là, nous étions fiers de leur partenariat. Alors cela doit aussi l’interpeler, pour se remettre en cause, que pourquoi ceux-là qui, hier, avaient demandé notre intervention, la décrient aujourd’hui. Pourquoi ? Qu’est-ce qui ne va pas ? La question reste posée et c’est à la France de répondre.

Nous devons choisir la manière de dire à la France que nous ne sommes pas satisfaits de sa façon de son intervention au Sahel, surtout à Kidal.  Si les forces étrangères doivent quitter le Mali, il faut la bonne méthode. La France doit revoir sa coopération avec les Africains, surtout avec le Sahel où beaucoup de choses restent masquées, obscures. Les Africains ont aidé la France à garder sa souveraineté, à combattre pour sa souveraineté et pour sa dignité. En retour, nous ne pouvons pas comprendre que la France soit sur le sol malien, reste les yeux fermés alors qu’une partie du pays est occupée par d’autres forces. Nous ne pouvons pas comprendre cela. Les Maliens ne se sont pas trompés. Cette révolte contre la France est normale, parce que les Maliens sont très attachés à la souveraineté du pays.

Le regard du Malien lambda, dans le contexte actuel, est tourné vers la Russie. Des voix se lèvent aujourd’hui pour réclamer ce pays au Sahel. De votre point de vue, que peut apporter concrètement la Russie pour la résolution de la crise ?

Nous sommes dans un monde où, aujourd’hui, il est difficile pour un pays de mener solitairement le combat. Les alliances contribuent au développement, à la sauvegarde des intérêts des pays. Il n’est pas dit que le Mali doive rester forcement avec un seul partenaire. Si la nature de coopération avec la Russie peut aider le Mali, moi, je ne vois pas de problème. Tout est calqué sur le partenariat, l’entraide pour gérer les pays. Si cette coopération est nécessaire dans la situation actuelle, je pense que c’est normal, surtout dans le cadre du renforcement des militaires maliens. Nul ne peut lutter seul contre le fléau du terrorisme dans le Sahel. Il faut une synergie entre les Nations, qui veulent combattre ce phénomène-là.

Les Présidents du G5 Sahel sont invités récemment par leur homologue français Emmanuel Macron pour se pencher sur l’intervention de la force française Barkhane au Sahel. Certains compatriotes voient de mauvais œil ce déplacement du Président IBK. Par contre d’autres sont pour afin qu’il puisse exprimer carte sur table les attentes du Mali de cette intervention. Qu’en pensez-vous ?

En réalité, si nous revenons à la manière, comment l’invitation ou la convocation a été faite, c’est vexant. Je comprends ceux-là qui pensent que le Président de la République ne doit pas effectuer ce déplacement, parce qu’ils pensent que nous n’avons pas été respectés dans la démarche. Dans la convocation ou dans l’invitation, notre Président n’a pas été respecté.

Mais, il y a le besoin pour le Mali d’échanger avec la France ou avec le Président français pour que la France clarifie en retour sa position à Kidal. Nous n’avons pas compris beaucoup de chose dans cette affaire de Kidal. C’est une occasion pour le Président malien d’aller demander à son homologue français de clarifier la situation de Kidal. Les réponses édifieront sur la position de la France.

Les Maliens doivent faire fi de la manière Macron et accepter cette table ronde pour que la France en retour puisse dire la vérité sur   la situation du Nord.

Votre appel à la population.

Le combat sécuritaire nécessite la collaboration de la population, celle-ci doit le comprendre et jouer sa partition. Le Mali est sur deux fronts : le retour à Kidal et l’éradication des attaques terroristes. L’heure est à l’unisson. Que tous les Maliens se sentent en soldats, surtout la jeunesse, d’abord dans les cœurs et les mentalités.

A la jeunesse, je dirai que tout ce qui se passe aujourd’hui doit être une école, une leçon pour elle, pour ne plus commettre des erreurs à l’avenir. Tout ce que nous vivons ne date pas d’aujourd’hui. Qu’est-ce que la nouvelle génération doit planifier pour ne pas tomber dans la même situation ? Asseyons-nous, soyons vigilants et patients,  regardons en face ce qui se passe, agissons ensemble pour ne pas commettre les mêmes erreurs. Aujourd’hui, l’existence du pays doit primer.

Réalisée par CYRIL

Source : Icimali    

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