Le Mali est le premier pays du Sahel à se doter de vaccins anti-COVID-19 avec la réception, le 05 mars 2021, de 396 000 doses de vaccin AstraZeneca grâce à l’initiative COVAX. Dès lors, depuis le 31 mars, plusieurs campagnes de vaccination à grande échelle ont été organisées dans le pays. Depuis les premières livraisons en 2021 à la date du 30 mars 2023, le pays a reçu au total 8 368 540 doses de vaccins anti-Covid-19, dont 6 468 540 à travers le mécanisme COVAX et 1 900 000 doses à travers les accords bilatéraux et les dons. En tout, 5 694 504 doses ont été administrées et 36,15% de la population cible âgée de 12 ans et plus et 15, 79% de la population générale ont été entièrement vaccinées à la date du 28 mars 2023.
L’accès au vaccin est l’un des enjeux clés du contrôle de la pandémie de COVID-19 dans le monde. Au Mali, la couverture vaccinale contre la maladie s’améliore et l’objectif fixé par le ministère de la santé et ses partenaires est de poursuivre à atteindre 70% de la population cible, d’ici fin décembre 2023.
Des idées divergentes autour des vaccins
Sur le sujet en question, nous avons recueilli les avis des uns et des autres pour en savoir plus.
M. Moro Siaka Diallo, personne vaccinée contre la Covid-19 résidant à Bamako, nous dit : « C’est en août 2021 que je me suis fait vacciner contre la Covid-19 avec le vaccin Johnson & Johnson. Je l’ai fait en pleine pandémie où les taux d’infections et de décès à cause de la maladie étaient alarmants dans notre pays. J’ai été convaincu de la vaccination grâce à trois choses : d’abord, grâce aux campagnes d’information publique, ensuite, grâce aux recommandations d’experts scientifiques nationaux et internationaux sur les vaccins anti-Covid-19. D’autre part, j’ai été motivé pour la vaccination, parce qu’un parent est décédé à l’hôpital à la suite de la maladie. Quand je me suis fait vacciner, j’avoue que le stress que la pandémie provoquait mentalement chez moi a sérieusement baissé. C’est vrai que je devais renouveler ma vaccination pour continuer à renforcer mon système immunitaire, mais je ne l’ai pas fait à cause de la baisse du taux d’infection dans notre pays. Présentement au Mali, la Covid-19 n’est pas éradiquée, mais le taux de transmission a significativement diminué. Il est de notre responsabilité individuelle de nous faire vacciner, car la maladie circule encore. Dans mon réseau de connaissances, ma vaccination a encouragé plus d’une cinquantaine de personnes à se faire vacciner contre la Covid-19. Elle m’a permis de m’engager volontiers à mieux informer mes proches et à les motiver. C’est ma vaccination qui leur a servi d’arguments à conviction pour se faire vacciner à leur tour contre la Covid-19 ». Pour finir, M. Moro Siaka Diallo qui s’est fait vacciner au CSRéf de la Commune IV de Bamako pendant la deuxième campagne de vaccination lancée par les autorités sanitaires en 2021, déclare que son accès au vaccin a été vraiment facile. Selon lui, la vaccination demeure le moyen de protection contre les formes graves de la Covid-19 conduisant souvent au décès.
Quant à Alimatou Djénépo, jeune diplômée en Droit privé, elle nous a expliqué qu’elle s’est fait vacciner en avril 2022 avec également le vaccin Johnson & Johnson : « L’accès à la vaccination était facile, car une équipe mobile s’était déplacée à la Cité administrative où je me suis fait administrer ma dose. Je crois que la vaccination contre la Covid 19 est très importante dans la mesure où elle permet de réduire le nombre de contaminations et j’invite tout le monde à le faire, car ainsi, on aura moins de cas de Covid-19 et qui sait, cela marquera peut-être la fin de la pandémie ».
Fatoumata Traoré, journaliste, n’a pas voulu se faire vacciner, car elle a appris que les vaccins n’empêchent pas quelqu’un de contracter la Covid-19. C’est-à-dire que même étant vacciné, on peut être contaminé. Donc, elle a préféré ne pas le faire. Elle ajoutera qu’au fond, elle pense que les mesures barrières suffisent pour se protéger contre la maladie. Elle rassure cependant ne pas douter de l’efficacité des vaccins, mais pense que cela aurait été mieux si les experts redoublaient d’efforts pour les rendre encore plus efficaces afin qu’ils puissent empêcher les contaminations.
Pour sa part, Pascal Traoré, commerçant de son Etat, n’a pas non plus accepté la vaccination anti-COVID-19, car, il doute de son efficacité pour faire face à la Covid-19 : « Je me pose même la question de savoir si les vaccins anti-COVID-19 ne favoriseraient plutôt pas les contaminations ». Selon lui, il n’y a pas eu suffisamment d’informations efficaces et convaincantes autour de la maladie et de ces vaccins. Il n’arrête pas de se demander la garantie que le ministère de la Santé peut donner par rapport aux vaccins.
Qu’en est-il des experts ?
Dr Ibrahima Diarra, directeur du centre national d’immunisation du Mali (CNI) nous informe : « Aujourd’hui, la vaccination contre la Covid-19 se porte bien. Au départ, on avait des soucis d’acceptation du vaccin, surtout avec les rumeurs et suspicions autour du premier vaccin qu’on a reçu, AstraZeneca. Mais grâce aux actions de communication et de sensibilisation, la population accepte maintenant de se faire vacciner. Au début de la campagne de vaccination au Mali, le 31 mars 2021, on ne visait que trois groupes de personnes : le personnel sanitaire, les personnes vivant avec des comorbidités et les personnes âgées de 60 ans et plus. Cependant, notre plan a évolué. Actuellement, notre objectif est de continuer à vacciner 70% de nos cibles qui commencent à partir des personnes âgées de 12 ans et plus. A la date du 28 mars 2023, le taux de couverture vaccinale des personnes complétement vaccinées de notre cible est de 36,15% ». Le directeur du CNI a rappelé que le Mali dispose aujourd’hui des vaccins comme Johnson & Johnson, Sinovac, Sinopharm et Pfizer, qui ont été utilisés et continuent d’être utilisés. A ses dires, l’Etat malien ne paye pas les vaccins anti-Covid-19, mais les obtient grâce à l’initiative COVAX qui est une plateforme à travers laquelle, des donateurs soutiennent des pays à faibles revenus non seulement, pour leur donner gratuitement les vaccins anti-Covid-19, mais aussi, participer à la mise en œuvre de la vaccination chez eux. L’Etat malien participe en grande partie à la distribution des vaccins dans les régions, les districts et dans les aires de santé, a-t-il informé. D’après lui, en temps normal, ce sont des véhicules qui sont utilisés pour acheminer les vaccins dans les régions du Nord, mais avec l’insécurité, ils sont transportés par des avions grâce à la collaboration avec des partenaires et des organisations humanitaires. Les personnes déplacées internes sont également concernées par la vaccination anti-Covid-19 à travers la stratégie avancée et mobile, a-t-il indiqué. Selon lui, actuellement, 1423 PDI ont été vaccinées à Bamako dont 787 hommes et 636 femmes. Les rumeurs ont toujours existé autour des vaccins, selon Dr. Diarra. Pour y remédier, une unité de gestion des rumeurs regroupant les représentants des structures comme le centre national d’information de l’éducation et de communication pour la santé (CNIECS), l’agence nationale de télé-santé et d’informatique médicale (ANTIM), la direction générale de la santé, à travers le CENI, Breakthrough Action, la Croix Rouge, etc. Cette unité se réunit régulièrement au niveau du CNIECS et se focalise à faire des communications au niveau communautaire suivie de vaccination, a-t-il informé. Ce qui permet aujourd’hui, d’avoir la main mise sur ces rumeurs, a-t-il poursuivi. Ladite unité est aussi mobilisée pour élaborer des messages clés et mettre en œuvre des actions communautaires, afin que la population puisse mieux comprendre que la Covid-19 est toujours là et qu’on devrait faire attention, a-t-il laissé entendre.
Toujours selon Dr Diarra, les vaccins sont actuellement disponibles sur toute l’entendue du territoire, de Kayes à Kidal. Les structures de santé constituent les points de vaccination fixes, mais il y a également des points de vaccination habituels au niveau des quartiers, des villages, des centres de santé de référence (CSRéf) et des centres de santé communautaires (CSCom), a-t-il expliqué.
Et d’ajouter que la stratégie mobile, par son nom, est destinée aux zones éloignées situées à plus de 30 Km des centres de santé de référence ou des centres de santé communautaire. Selon lui, il faut des véhicules pour atteindre ces zones reculées.
Mme Diakité Bintou Diakité de l’association de santé communautaire de Djikoroni (ASACO-DJENEKA) soutient : « Nous avons plusieurs vaccins disponibles chez nous comme Johnson & Johnson, Pfizer et Sinovac. Dans la journée, quand nous ne sommes pas en campagne, nous pouvons vacciner 10 à 15 personnes, mais quand nous sommes en campagne, nous pouvons toucher 30 à 35 personnes, car chaque équipe mobile emporte 30 à 40 doses de vaccins avec elle. Notre centre a sept groupes mobiles. Nous sommes ravitaillés en vaccin par le CSRéf de Lafiabougou… »
Dr Traoré Sidiki, médecin responsable adjoint du bureau PEV régional de Bamako nous indique que présentement, il y a quatre types de vaccins anti-COVID-19 au Mali et que pendant les campagnes, les populations viennent en masse se faire vacciner, mais après l’afflux, la situation devient timide. Et d’ajouter que le nombre de vaccinés double pendant les campagnes, car les méthodes employées comme la stratégie avancée et la stratégie mobile permettant d’approcher plus de personnes. Selon lui, la chaîne d’approvisionnement en vaccins COVID-19 suit le schéma classique des autres vaccins, c’est-à-dire du niveau supérieur (Centre National d’Immunisation) jusqu’au niveau des aires de santé. Le CNI ravitaille les directions régionales qui, à leur tour, ravitaillent les districts sanitaires (CSRéf) qui approvisionnent aussi à leur tour, les aires de santé (CSCom).
Dr Nana Konaté, médecin d’appui PEV de l’hôpital du district de la commune IV de Bamako explique qu’en dehors des campagnes, ils ont difficilement 100 vaccinations par jour pour ladite commune. Elle ajoutera que dans son centre, il y a un seul fichier pour les données de la vaccination, donc c’est difficile de démêler les résultats des campagnes et ceux de la vaccination de routine.
Dr Moussa Diarra, agent vaccinateur au centre de santé communautaire de Niamakoro II (ANIASCO), affirme à son tour que dans leur centre, l’affluence est timide, car ils vaccinent cinq à 10 personnes par jour. D’après lui, beaucoup de personnes dans le quartier ne croient pas à l’efficacité des vaccins, d’où leur résistance à leur administration. Il ajoute que leur centre est ravitaillé en vaccins par l’association de santé communautaire de Niamakoro (Asaconia).
Dans le souci de faciliter l’accès des populations aux vaccins anti-covid-19 par la population, le Mali a prévu de mener 07 campagnes de vaccination au titre de l’année 2023 pour atteindre la cible restante, soit quatre millions, huit-cent quatre-vingt-douze milles, huit-cent trente-cinq personnes (4 892 835). S’agissant des stratégies, en dehors des stratégies classiques à savoir, la stratégie fixe, mobile et avancée, d’autres types ont été mises en place pour les 07 campagnes de 2023. Il s’agit notamment de l’installation des « vaccinodromes » dans les lieux publics, l’utilisation des réseaux sociaux pour sensibiliser et la mise en place des stratégies d’opportunités qui consistent à installer des équipes de vaccination à chaque manifestation religieuse, politique et culturelle, afin de pouvoir mener à bien ces campagnes. Les vaccins disponibles pour les campagnes programmées cette année 2023 sont : Johnson & Johnson, Pfizer, Sinovac et le Sinopharm.
Aminata Sanogo
‘’Cet article a été produit avec l’appui du Programme de Bourses Média de Internews’’