Dans son dernier Rapport, l’Observateur indépendant du Centre Carter a identifié des obstacles immédiats à la mise en œuvre de l’Accord d’Alger et a proposé des réponses possibles. L’Observateur estime aujourd’hui la nécessité de mettre en exergue des facteurs peu apparents, relevant parfois des non-dits qui minent plus fondamentalement le processus de mise en œuvre du programme. Selon l’Observateur indépendant, sans la prise en compte de ces éléments complexes, il sera difficile de changer la trajectoire actuelle et faire avancer l’application de l’Accord. Le point de la situation !
Le Carter Center, en tant qu’Observateur indépendant de l’Accord de paix de 2015, a rendu public, le 13 avril dernier, son nouveau Rapport détaillant deux obstacles persistants à la mise en œuvre de l’Accord : le retardement d’un nouveau découpage administratif et électoral et les problèmes persistants qui empêchent le redéploiement complet des Unités intégrées de l’Armée.
Le Rapport exhorte les parties signataires et les Garants internationaux à s’attaquer au problème de longue date du redécoupage administratif et électoral ainsi qu’à parvenir à un Accord quant à la structure de commandement de l’Armée nationale nouvellement reconstituée. Il signale l’écart important entre l’attention accrue accordée au processus de redéploiement des forces intégrées et la faible mobilisation autour des questions de redécoupage administratif et électoral. Depuis 2015, les Parties débattent, et le Gouvernement a maintes fois promis de parachever de manière inclusive la réorganisation territoriale, sans pour autant donner suite. En ne s’attaquant pas à la sous-représentation des populations du Nord au sein des Institutions nationales, les Parties et les Garants internationaux perpétuent l’une des causes politiques fondamentales de la Rébellion de 2012.
Le document souligne également que les conditions autour du déroulement des élections législatives de 2020 portent atteinte aux engagements pris dans l’Accord et inscrits dans la Loi malienne. Comme prévu à l’Article 6 de l’Accord d’Alger, l’Assemblée Nationale a institué les Régions de Taoudéni et Ménaka comme collectivités territoriales.
Cependant, en l’absence du redécoupage, leurs Populations ne pourront pas élire les Représentants qui leur sont accordés par la Loi.
L’Observateur indépendant recommande que le Comité de Suivi de l’Accord place le redécoupage administratif et électoral au cœur de ses priorités et soutienne les Parties dans leur dialogue actuel à ce sujet.
Le Rapport salue le récent redéploiement des 1000 Soldats nouvellement intégrés (ex-combattants des Mouvements signataires) faisant désormais partie de l’Armée nationale malienne à Kidal, Gao, Tombouctou et Ménaka. Il déplore, en revanche, les six mois de négociations supplémentaires qui ont été requis pour le redéploiement. En particulier, le Rapport souligne les lenteurs du Gouvernement ainsi que son manque de préparation pour ce redéploiement, mais aussi la réticence des Commandants des Mouvements à rompre complètement les liens de commandement avec leurs anciens combattants.
L’Observateur indépendant constate avec vives inquiétudes que le redéploiement des Unités intégrées a eu lieu au moment même où la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) étendait ses opérations sécuritaires et sa présence territoriale dans le Nord du Mali.
Le Rapport souligne que les Parties n’ayant pas encore trouvé un terrain d’entente sur la question du commandement des Unités intégrées redéployées, celles-ci ne sont toujours pas pleinement opérationnelles. Les Parties sont également en désaccord quant à la structure globale et les besoins de l’Armée nationale reconstituée.
Au vu des difficultés observées, difficultés auxquelles vient s’ajouter la pandémie de COVID-19, il est peu probable que les Parties atteignent l’objectif fixé par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, consistant à former et redéployer 3000 Soldats nouvellement intégrés d’ici au mois de juin 2020.
L’Observateur indépendant prévient qu’à moins que les Parties accordent autant d’attention à la réforme politique qu’elles en accordent aux questions de sécurité, la mise en œuvre de l’Accord restera sujette à d’importants actes de blocages ou de sabotages et au risque même d’échouer.
Mémé Sanogo
Source : L’aube