Si aujourd’hui le Mali a un talon d’Achille, c’est certainement l’accord pour la paix et la réconciliation signé le 15 mai et le 20 juin 2015 à Bamako devant le monde entier après des pourparlers en Algérie entre le gouvernement malien et les mouvements armés de l’Azawad. Cet accord, censé solutionner la rébellion touareg qui secoue le pays depuis son indépendance, s’est conclu avec deux grandes fausses notes, par-delà l’extrême faiblesse de l’Etat malien totalement pris à la gorge lors de la signature ainsi que la méconnaissance de son contenu par la majorité de la population malienne. Toutes choses qui expliquent son application à pas de caméléon blasé, qui cependant met le pays dans une totale léthargie.
En effet, le difficile aboutissement t du processus d’Alger est le sujet le plus délicat que le Mali n’ait jamais connu, à cause de l’attachement tout particulier que la France et la communauté internationale lui confèrent. À telle enseigne que l’échec patent du processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des groupes armés irrédentistes ainsi que la difficulté qu’éprouve le Comité de suivi de l’accord de siéger tranquillement à Kidal passent comme si de rien n’étaient. Si la crédibilité de l’ex président malien Ibrahim Boubacar Keita en a pris un coup – du fait de son inaptitude à appliquer un accord que l’écrasante majorité de son peuple juge antinationaliste et discriminatoire, il n’en demeure pas moins que les autorités du premier épisode de la transition, malgré leur bonne volonté, n’ont bougé la ligne que d’un pouce alors que celles du deuxième n’écartent pas une relecture intelligente dudit document.
Une relecture selon la CMA qui peut être fatale pour le processus de paix en cours depuis des années. Alors quel cheminement le gouvernement peut-il emprunter pour sortir de ce bourbier sans détruire tous ses acquis en termes d’avancée pour le retour définitif de la paix au Mali ? La vérité est que le rapport de forces vaut du diamant dans cette histoire dont l’augure fait craindre le pire. Tout accord de paix se pactise sur la base de concessions raisonnables et sincères, mais à la lecture de certaines dispositions du nôtre on comprend aisément que les concessions ont été unilatérales malgré toutes les interprétations tartuffes que certains peuvent faire. L’armée reconstituée et la forme de régionalisation qu’il préconise sont fondamentalement les plus grandes craintes de la population et certains téméraires politiques, qui n’entendent pas faire dans la langue de bois face à cette sensible question entre autres Aboubacar Sidiki Fomba , Nouhoum Sarr et même le nouveau locataire de la primature d’ailleurs très entendu sur ce terrain.
Par ailleurs, le déficit d’écoute et d’attention de ceux qui sont souvent aux commande de l’Etat vis-à-vis des Maliens a certainement contribué à entraîner le pays dans ce précipice. N’acceptons pas qu’à chaque fois qu’on a voulu directement ou indirectement appuyer sur l’accélérateur pour l’application de l’accord de paix , la vindicte populaire s’en est suivie comme en témoignent les véhémentes manifestations contre la révision constitutionnelle en 2017 et le découpage administratif au cours de cette année 2021. Et que dire de la majorité des voix qui avait demandé la relecture de l’accord pour la paix lors du Dialogue national inclusif en 2019 ou encore du bouillonnement actuel sur les réseaux sociaux contre la mise en place de la police territoriale. En vérité même s’il est plus facile d’être dans l’analyse qu’au pilotage d’un Mali à genou subissant d’extraordinaires pressions extérieures, il ne faut pas aussi faire fi de l’éveil de conscience d’un peuple malien plus que jamais décidé à prendre en main son destin.
Ousmane Tiemoko Diakité
Source : Le Témoin