AEROPORTS DU MALI : Le temple des irrégularités administratives et du terrorisme financier

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Suite à une saisine, à lui adressée, le bureau du Vérificateur a, pour son rapport annuel 2018, effectué une mission de vérification des opérations d’exécution budgétaire effectuées par «Aéroports du Mali» (ADM). Cela sur les exercices 2013, 2014, 2015, 2016 et le troisième trimestre 2017. Cette mission a mis en exergue des dysfonctionnements qui se sont caractérisés par des irrégularités administratives et financières dans les opérations de recettes et de dépenses, notamment, la gestion des caisses, les marchés, les achats par bon de commande ou bon de travail, les achats par demande de cotation ou sur contrats simplifiés, ainsi que ceux par demande de renseignement et de prix à compétition restreinte et par demande de renseignement et de prix à compétition ouverte. Le tout pour un montant de plus d’un milliard cinq cent millions de F CFA.

Pour son rapport 2018, le Bureau du Vérificateur général a initié une mission de vérification des opérations d’exécution budgétaire effectuées par «Aéroports du Mali» (ADM).

D’importantes irrégularités administratives relevées

En effet, il ressort de cette mission, que la Direction Commerciale des ADM n’applique pas des procédures de suivi et de recouvrement des créances clients. Ainsi, de 2013 à 2017, des clients sont restés avec des créances importantes impayées sans être relancés et sans que leurs dossiers ne soient transmis au service juridique et contentieux. Cela pour une procédure en contentieux. En outre, elle n’a ni élaboré les visites annuelles ni les fréquences de visites clientèles. De plus, elle ne produit pas systématiquement les rapports de recouvrement.

Selon le rapport, en raison de ces faiblesses, Mali Air Express (MAE), une société cliente d’ADM, dont la convention avait été résiliée depuis 2013, a établi un contrat de location d’un espace aéroportuaire avec son partenaire CADG International SARL, qui lui a payé un montant indu de 550 Dollars américains par jour. Le non-respect des procédures de suivi des clients entraîne des retards dans le recouvrement des créances et des pertes de recettes.

Aussi, la Direction Administrative des ADM ne respecte pas toujours la procédure de publication des avis d’appel d’offres. En effet, elle n’a pas publié dans un journal d’annonce légale l’avis d’appel d’offres portant sur la réalisation d’un audit de conformité environnementale. La non-publication de l’avis d’appel d’offres viole le principe de transparence, notamment, la libre concurrence face à la commande publique.

Selon le rapport 2018 du Vgal, la Direction Administrative des ADM ne respecte pas les conditions de mise en concurrence. Des acquisitions de biens et services de montant supérieur à 500 000 FCFA et inférieur à 10 millions de FCFA n’ont pas fait l’objet de mise en concurrence, comme l’exigent par le Manuel de procédures des ADM et le Code des marchés publics. Ainsi, sur 516 opérations d’achat, 312 ont été exécutées sans preuve d’une sollicitation écrite qui matérialise la concurrence.

Le non-respect des procédures peut entacher la transparence dans le choix du fournisseur et peut donc compromettre les principes d’économie et de libre accès à la commande publique.

En outre, la Direction Administrative des ADM a établi des contrats de marchés irréguliers. Les contrats établis par ADM avec des prestataires ne contiennent pas, notamment, l’acte d’engagement, le bordereau des quantités et le bordereau des prix unitaires. L’absence de ces documents, constitutifs de marché, ne permet pas de s’assurer de l’économie et de l’efficacité dans la conclusion et l’exécution des contrats.

Quant à la Direction Financière et Comptable des ADM, elle ne respecte pas des modalités de paiement. Ainsi, elle a effectué les paiements de trois contrats de travaux, à des personnes physique ou morale, dans des comptes bancaires, différents de ceux indiqués dans les contrats, conventions de nantissement ou actes de cession de créance. Cette pratique viole les clauses contractuelles et expose l’entité à d’éventuels litiges juridiques.

En plus, la Direction Financière et Comptable des ADM n’observe pas la période de garantie. Elle a payé les retenues de garantie sur deux contrats de fourniture avant le terme de la garantie. Cette pratique expose l’entité à des risques en cas de dégradations de l’ouvrage ou du bien livré durant la période de garantie.

Egalement, la Direction Financière et Comptable des ADM a effectué des payements avant service fait. Elle a effectué un paiement de 2,99 millions FCFA au titulaire d’un contrat de travaux avant l’établissement de l’attestation de service fait alors que la commission de réception a formulé des réserves substantielles. Malgré ces insuffisances, la Direction Financière et Comptable a payé le montant correspondant à 55% du montant dudit contrat.

De plus, au titre d’un contrat de prestation, elle a payé la totalité de la facture avant l’établissement de l’attestation de service fait et bien que la commission de réception ait formulé des réserves. Cette pratique expose ADM au paiement de biens et services non conformes.

 

La Direction Générale des ADM a accepté des livraisons de biens non conformes

En effet, au titre de l’exécution d’un contrat de fourniture en date du 6 février 2017, le Chef de la Section Travaux de la Direction d’Exploitation a réceptionné une Auto Laveuse avec une puissance de 600 watts au lieu d’une de 1 900 watts indiquée dans les termes de référence.

Par ailleurs, la mission a également constaté, lors de sa visite d’effectivité à Kayes que : deux disjoncteurs électriques Compact de 160 ampères achetés le 17 février 2015 et censés être livrés à l’Aéroport de Kayes ne l’ont pas été ; un ordinateur acheté le 2 septembre 2016 et censé être réceptionné pour le représentant de ADM à Kayes ne lui est pas parvenu. Ces pratiques mettent en cause la réalité et la sincérité des transactions exécutées. Elles n’assurent pas une utilisation efficiente des ressources de l’entité.

En outre, la Direction Financière et Comptable de ADM ne respecte pas le seuil des dépenses payées par la caisse. En effet, la caisse principale a payé, à des agents des ADM, des primes exceptionnelles qui dépassent le seuil autorisé de 100 000 FCFA ; certaines primes atteignant la somme de 1 million FCFA. Le non-respect du seuil encourage le paiement de dépenses inéligibles sur la caisse.

La Direction Financière et Comptable de ADM ne veille pas à la tenue correcte de la caisse. Ainsi, les dépenses payées par la caisse ne sont pas supportées par des demandes d’achat écrites. En plus, certains points de la procédure d’achat par caisse ne sont toujours pas appliqués.

Entre autres, on peut citer  la non-matérialisation de l’approbation des dépenses de caisse par la Direction Générale d’où l’impossibilité de vérifier si les dépenses ont été réellement approuvées avant d’être engagées ; l’absence de bon de commande et de bon de livraison ; l’absence de la mention « Bon à payer » et la mention « Payée » ; la non-matérialisation des arrêtés journaliers de caisse et de contrôle de ces arrêtés journaliers par le Directeur Financier et Comptable ; l’absence de fiche d’arrêté de caisse.

La mauvaise tenue de la caisse affecte la régularité des dépenses.

Selon le rapport 2018 du Bureau du Vérificateur général, la Caissière principale des ADM a accepté et payé des factures ne comportant pas des mentions obligatoires. En effet, sur un échantillon de 174 factures payées par la caisse, 170 ne comportent pas des mentions obligatoires notamment : le numéro d’identification fiscale, le numéro du registre de commerce et du crédit immobilier, le nom et l’adresse des parties contractantes, le numéro de facture ou même les précisions sur le montant hors taxe, le taux de TVA et le montant TTC. L’acceptation et le paiement des factures ne portant pas des mentions obligatoires peuvent être source de dépenses irrégulières.

Aussi, le Directeur Financier et Comptable des ADM n’a pas appliqué les pénalités de retard dues. En effet, suite au retard de 53 jours constaté dans la livraison du contrat de 48,78 millions de FCFA, relatif à la fourniture et la pose de matériels informatiques, il n’a pas appliqué les pénalités correspondant à 1,03 million de FCFA. Il en est de même pour le contrat de fourniture des matériels et équipements de lutte contre le péril aviaire et animalier d’un montant de 84,63 millions de FCFA dont le délai d’exécution était fixé à 120 jours, mais qui a accusé un retard de 191 jours correspondant à 5,39 millions de FCFA. Enfin, il n’a pas appliqué la pénalité suite au retard enregistré dans la livraison et la pose d’un groupe électrogène qui a accusé 12 jours de retard, correspondant à 1,81 million de FCFA. Le montant total des pénalités de retard non appliquées s’élève à 8, 24 millions de FCFA.

Egalement, le Directeur Financier et Comptable a effectué des paiements irréguliers. En effet, concernant le contrat d’acquisition de matériels et équipements de lutte contre le péril aviaire et animalier, il a payé doublement la prestation relative à la pose de 2 balises pour un montant de 2,60 millions de FCFA. Ladite prestation apparaît, sur la même facture, à la fois sur la ligne « fourniture et pose de balise » et sur la ligne « intervention pour l’installation des deux balises fixes ».

Aussi, le Directeur Financier et Comptable a-t-il effectué un paiement irrégulier au titulaire d’un contrat relatif à la fourniture et à la pose de matériels informatiques. En effet, le procès-verbal de réception a révélé des pièces manquantes et, malgré cette réserve, il a payé le montant desdites pièces, non livrées, correspondant à 3,05 millions de FCFA. Le montant total des paiements irréguliers est de 5,65 millions de FCFA.

La Commission de réception du contrat relatif aux travaux d’aménagement d’une plateforme, à l’Aéroport de Kayes, a signé un PV de réception alors qu’une partie des travaux n’a pas été réalisée.

En effet, suivant le contrat de prestation, le prestataire, devrait aménager en plus de la plateforme, un fossé pour l’évacuation des eaux de pluies. Cependant, lors de la visite des infrastructures, il ressort que le fossé pour l’évacuation des eaux de pluies n’a pas été réalisé tandis que le Bureau de contrôle et les représentants des ADM à Kayes ont signé sans réserve le PV de réception définitive de l’ouvrage. Le montant correspondant aux travaux non réalisés, mais payés, est de 2, 99 millions de FCFA.

Le Directeur Financier et Comptable a effectué des dépenses en l’absence de contrats. Il a payé pendant 13 mois, entre septembre 2016 et septembre 2017, à AEROSEC, des frais de gardiennage sans contrats de prestation pour un montant cumulé de 72,40 millions de FCFA. Le paiement de dépenses sans contrat, donc sans base juridique, peut conduire à un favoritisme dans le choix des prestataires et jette un doute sur la réalité de la prestation.

 

Des irrégularités financières relevées

Il faut tout d’abord retenir que le rapport souligne que les constatations qui alimentent cette rubrique « irrégularités financières » feront l’objet de transmission et de dénonciation aux autorités judiciaires. Il s’agit du Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême et de dénonciation par le Vérificateur Général au Procureur de la République chargé du Pôle Economique compétent.

Ici, il s’agit du fait que des PDG des ADM ont signé des procès-verbaux de passation de service contenant des informations erronées. En effet, le PV de passation du 16 mai 2017 intervenu entre le PDG par intérim sortant et la DGA, PDG par intérim entrant, et signé par les Inspecteurs de l’Inspection de l’Équipement et des Transports et ceux de l’Inspection des Finances, indique que le solde du compte clients fourni par la Direction commerciale est de 423,03 millions de FCFA. Le solde du compte client à la date du 16 mai 2017, reconstitué par la mission, s’élève à 1,04 milliard de FCFA au lieu de 423,03 millions de FCFA, soit un écart de 612,78 millions de FCFA. En outre, un second PV de passation, en date du 4 octobre 2017, signé par le PDG par intérim entrant, les Inspecteurs de l’Inspection de l’Équipement et des Transports et ceux de l’Inspection des Finances, indique que le solde des créances clients, différence entre les montants facturés et les montants payés, au 26 septembre 2017 est de 1,24 milliard de FCFA. Par contre, ce solde du 26 septembre 2017, reconstitué par la mission sur la base des pièces de règlement  t des factures, est de 1,34 milliard de FCFA, soit un écart de 98,32 millions de FCFA. Le montant total des écarts ressortis des PV s’élève à 711,10 millions de FCFA.

L’inscription de soldes erronés des créances clients des ADM met en cause la fiabilité des informations provenant de la Direction commerciale.

Aussi, le Directeur Commercial des ADM n’a pas facturé et recouvré l’exhaustivité des créances clients. En effet, le montant de la créance du client MATRIX au niveau de la comptabilité des ADM et du service client est de 336, 66 millions de FCFA au 30 septembre 2017. Après reconstitution par la mission, sur la base des conventions et des échéances non facturées, le montant réel de la créance de MATRIX s’est élevé à 891,66 millions de FCFA, soit un écart non facturé de 555 millions de FCFA. De plus, le Directeur commercial n’a pas facturé en 2017 d’autres clients pour un montant total de 27, 37 millions de FCFA. Par ailleurs, le client Mali Air Express (MAE) a reconnu, par lettre du 22 février 2013, une créance due à ADM de 75,51 millions. Ladite créance a fait l’objet d’une facilité de remboursement le 12 mars 2013. Cependant, de cette date au 30 septembre 2017, MAE n’a effectué aucun remboursement. Or, le montant des créances dues par MAE, dans la comptabilité des ADM, s’élève à 59,98 millions de FCFA, au lieu de 75,51 millions. L’écart ainsi non comptabilisé est de 15,52 millions de FCFA. Le montant total des recettes non perçues sur des prestations fournies par ADM est de 597, 90 millions de FCFA.

Quant au directeur administratif, elle a procédé à des fractionnements de dépenses. Il a choisi le même fournisseur pour des achats de même nature dont le montant dépasse le seuil des achats par appel d’offres ouvert. Ces dépenses fractionnées s’élèvent à 53, 22 millions de FCFA pour 2015, à 56,64 millions de FCFA pour 2016 et à 37,76 millions de FCFA pour la période allant de janvier à septembre 2017. Le montant total des dépenses concernées par le fractionnement est de 147,62 millions de FCFA au profit du même fournisseur. Par ailleurs, le PDG a conclu, le 31 juillet 2015, sans appel à concurrence, un contrat avec ce fournisseur sans limitation de quantité ou de prix.

Aussi, le PDG et le Directeur Financier et Comptable ont payé des primes indues. Ils ont payé, au Cabinet de conseil fiscal SIAKA TRAORE, des primes de rendement sur la base d’un taux de 10% alors que ce taux est de 5% dans les contrats de prestation en cas de réductions obtenues sur les redressements. Ainsi, le montant indûment payé, pendant la période sous revue, se chiffre à 60, 89 millions de FCFA.

Pour sa part, le directeur commercial n’a pas fourni des souches de carnets de recettes utilisés. En effet, il n’a pas pu mettre à la disposition de la mission les souches de deux carnets de recettes sortis pour la collecte des recettes. Ainsi, les recettes collectées sur la base de ces deux carnets ne peuvent être reconstituées.

Dieudonné Tembely

Source: L’Evènement

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