La CEDEAO a finalement accepté que la transition malienne s’étende sur une durée de 24 mois, tout en exigeant que les gouvernants actuels du pays ne puissent être candidats aux prochaines élections. Ce qui n’est pas acquis d’avance…
A l’issue du 61ème sommet ordinaire de la CEDEAO, tenu à Accra, le 3 juillet dernier, les sanctions économiques et financières décrétées par l’organisation sous-régionale contre le Mali ont été levées. Mais, il apparaît dans le communiqué final du sommet que les dirigeants de la CEDEAO exigent que les dirigeants de la transition ne soient pas candidats aux prochaines élections sanctionnant la fin de cette période transitoire.
En effet, il ressort de la nouvelle loi électorale, que le président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, peut démissionner de ses fonctions et de l’armée, quatre mois avant le scrutin présidentiel et pourrait y présenter sa candidature. Cette éventualité suscite le débat au sein de l’opinion et de la classe politique au point que les dirigeants de la CEDEAO auraient jugé bon de lever cette équivoque dans le communiqué final du dernier sommet.
Or, il est établi au jour d’aujourd’hui que le chef de l’Etat malien jouit au sein de l’opinion nationale et de l’Armée nationale d’une si grande popularité que l’on se pose des questions sur ses réelles intentions. Le chef de l’Etat ne nourrit-il pas des ambitions pour diriger le pays à brève échéance ? N’est-ce pas pour présider aux destinées du pays que le Colonel Assimi Goïta avait voulu dès les premières heures du coup d’Etat d’août 2020, assumer les plus hautes charges de l’Etat ? N’est-ce pas l’hostilité de la CEDEAO qui l’avait contraint à se contenté d’un poste de vice-président, qui n’existe nulle part dans l’architecture institutionnelle du pays ? Mais, l’insatisfaction de ce schéma de vice-président ne l’a-t-il pas poussé à faire un second coup de force en mai 2021 pour devenir le président de la Transition en déposant pacifiquement le président Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane ?
Par ailleurs, les actions que mène le chef de la Transition malienne ne semblent-t-elles pas lui ouvrir un boulevard vers son élection à la tête du pays ? Comment le Colonel Assimi Goïta peut-il poser avec son Premier ministre des actes de refondation de l’Etat et concevoir céder le pouvoir quelques mois plus tard à un autre leader qui n’a pas la même vision que lui ? A titre d’exemple, comment concilier la vision pro-russe des dirigeants actuels du Mali avec celle pro-occidentale d’un autre leader politique susceptible de se faire élire au palais de Koulouba ?
Toutes ces questions poussent à se demander quelles garanties les dirigeants actuels du Mali ont-ils pu donner aux autorités de la CEDEAO sur leur renonciation à se porter candidats lors des prochaines échéances électorales. Quelles garanties ont-elles pu aussi donner quant au respect même du chronogramme électoral établi ? Ce bel agenda électoral n’est-il pas susceptible de jouer aux prolongations et/ou …arrêts de jeu ? Que vaut cet éventuel engagement quand on sait qu’au début de la transition, le Colonel Assimi Goïta s’était engagé à une durée de 18 mois au terme de laquelle le compteur a été remis à zéro pour s’octroyer finalement 24 mois supplémentaires ?
Il est clair que si le rapport des forces a finalement penché en faveur des dirigeants et du peuple malien lors du sommet du 3 juillet dernier, l’on peut parier que ce que le colonel Assimi Goïta envisage, est loin d’être un vœu pieu ! S’il veut se porter candidat à la prochaine présidentielle, qui pourra l’en empêcher ? Un nouvel embargo ? Mesure de rétorsion face à laquelle le Mali s’est déjà montré trop résilient ? L’organisation ouest-africaine n’apparaîtra-t-elle impuissante dans un tel cas de figure, surtout si Assimi Goïta arrivait à rassembler les Maliens(en particulier une bonne frange de la classe politique nationale et de la société civile) autour de cette ambition ?
Surtout que la CEDEAO gare en place un comité de dialogue en vue de poursuivre les discussions avec Bamako sur le déroulement du chronogramme. Lequel prévoir l’élection présidentielle en février 2024. Scrutin auquel un candidat pourrait avoir pour nom, Colonel Assimi Goïta ou l’un de ses proches, actuellement en fonction au sein des organes de la transition. Eventualité qui risque de faire contagion en Guinée-Conakry et au Burkina Faso, qui vient de bénéficier des 24 mois pour sa période transitoire.
Boubou SIDIBE
Source : Maliweb.net