Assises de la Cour d’Appel : Qui a peur de l’affaire Sanogo ?

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Amadou Haya Sanogo lors de l'ouverture du procès à Sikasso
Amadou Haya Sanogo lors de l'ouverture du procès à Sikasso

Les traditionnelles assises de la Cour d’Appel n’ouvriront pas ce lundi à Sikasso laissant le public malien dans la soif de connaître l’issue du dossier judiciaire le plus attendu. Il s’agit en l’occurrence de la sulfureuse affaire d’enlèvements et d’assassinats de Bérets Rouges impliquant le Capitaine Sanogo.

Après six années de pénible expectative en détention, le putschiste du 22 Mars 2012 et ses comparses manquent une fois de plus encore de s’exprimer publiquement et d’être définitivement fixés sur leurs sorts. Leur comparution, annoncée à coups de battages médiatiques, a officiellement avorté tel qu’en fait foi un communiqué du gouvernement où le renvoi du dossier est expliqué par un risque de déstabilisation de l’armée. «L’Affaire Sanogo» continue-t-elle d’affecter la quiétude des FAMa dont l’unité et la cohésion est pourtant ressassée à l’envi par les autorités ? Le doute est pour le moins permis quant à l’existence d’une raison moins spécieuse et beaucoup plus profonde que d’hypothétiques implications du dossier sur la quiétude de l’armée.

Il est du reste corroboré par les conditions dans lesquelles l’ajournement est intervenu à quelques encablures seulement de l’ouverture des audiences publiques et au bout d’âpres tractations avec le ministère public. À en croire nos sources, en effet, toutes les dispositions ont été prises jusqu’à l’étape cruciale qui est aussi la condition sine qua non du procès : la mise en action de l’ordonnance de prise de corps d’un acteur clé du dossier. Il s’agit notamment du ministre de la Défense et des Anciens Combattants Dahirou Dembélé. Après sa comparution aux précédentes audiences sans cette formalité, la justice n’était point disposée à rabâcher la même légèreté procédurière. L’intéressé non plus, car il nous revient que c’est pour s’y conformer que le ministre avait bel et bien adressé à qui de droit une lettre de démission en bonne et due forme en vue de se mettre à la disposition de la justice.

Les hautes autorités se trouvaient-elles dans la même disposition ? Rien n’est moins évident, et pour cause. Tout indique que la présence de Dahirou Dembelé au gouvernement a servi d’alibi et de dérobade aux fins de s’épargner les éclats imprévisibles d’un procès gênant à tous points de vue. La même posture avait présidé selon toute évidence au premier ajournement, motivé en son temps par une insuffisance d’informations sur le dossier mais avec en toile de fond une méfiance évidente vis-à-vis d’une entrée dans le fond de l’affaire. Seulement voilà : à mesure que les pouvoirs publics se complaisent dans la diversion, leur jeu trouble est en passe de transformer de présumés criminels en victimes certaines de la justice.

Il est de moins en moins tolérable, en effet, que Sanogo et comparses continuent de battre les records de l’illégalité dans l’incarcération préventive au nom d’une certaine confusion de la raison d’Etat avec les intérêts inavouables du régime. Il est tout aussi indéfendable de prolonger l’angoisse des familles et ayants-droits de victimes en préférant à la manifestation de la vérité une guerre d’usure que leur livre subtilement un pouvoir politique dans l’embarras. Et qui montre des signes manifestes d’une tentation à négocier l’élargissement des bourreaux présumés de Bérets Rouges sans passer par une réfutable comparution publique. De ce fait, il n’est point exclu que le renvoi du procès le plus attendu au Mali vise à offrir plus de chance à la Loi d’Entente Nationale où la question apparaît en filigrane.

A KEÏTA

Source Le Témoin

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