Au Mali, ni l’armée, ni les forces internationales ne parviennent à enrayer les violences

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Des assaillants ont massacré, dans la nuit de dimanche à lundi, les habitants d’un village dogon faisant au moins 95 morts et 19 disparus.

Le Premier ministre malien, Boubou Cissé, s’est rendu mardi dans le village de Sobame Da. Une centaine de personnes ont péri dans la nuit de dimanche à lundi lors de l’attaque de ce village dogon. Un nouvel épisode d’un cycle d’atrocités entre communautés.

Les militaires maliens, les casques bleus et les soldats français de l’opération Barkhane n’ont pu éviter les pires atrocités. Les assaillants n’ont épargné personne dans le village dogon, incendiant les cases, tuant et égorgeant des femmes, des enfants et des personnes âgés. « Ils sont arrivés dans la zone à motos, explique un haut gradé des Nations Unies. Ils ont encerclé le village avant de l’attaquer à pied. » Selon les premières informations recueillies, ils ont utilisé des pistolets-mitrailleurs et des armes blanches.

Les experts s’interrogeaient lundi sur le mobile de cette attaque. « Il est possible que les assaillants viennent du Burkina et du Niger, pense le haut gradé. Ils ont agi avec une sauvagerie inouïe dans une logique performative observée sur d’autres terrains comme en Irak. » D’autres privilégiaient la thèse de la vengeance communautaire après le massacre, le 23 mars à Ogassogou, de quelque 160 Peuls, attribué à des chasseurs dogons. « Le village de Sobame Da a fourni une bonne partie des troupes de la milice qui a attaqué Ogassogou », relève le journaliste Adam Thiam, auteur de l’étude Centre du Mali : enjeux et dangers d’une crise négligée, en 2017.

Milice. Les autorités ont promis de démanteler cette milice, mais elle est toujours active et menace déjà de représailles. Comme au Burkina Faso, les autorités maliennes ont délégué ces dernières années une partie de la sécurité à des milices alliées. Elles en payent aujourd’hui le prix fort.

Les premiers à s’être rendu sur les lieux sont les Forces armées maliennes (Fama), qui sont néanmoins arrivées après les exactions. Cela en dit long sur la rapidité d’action des forces nationales et internationales. Commencé dimanche vers 17 heures, la tuerie n’a pris fin lundi que vers 3 heures du matin.

« Nous avons appris l’existence de ces crimes sur les réseaux sociaux, poursuit le haut gradé. Les Forces armées maliennes ne nous ont pas alertés »

« Nous avons appris l’existence de ces crimes sur les réseaux sociaux, poursuit le haut gradé. Les Fama ne nous ont pas alertés. La zone n’est pas toujours bien couverte par la compagnie de téléphone mobile. Et si la bonne personne n’est pas alertée tout de suite… » La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a hésité lundi matin à envoyer des hélicoptères sur la zone avant d’y renoncer.

La France a mené récemment des opérations avec les Fama dans le Gourma, une zone située au nord du dernier massacre.

« La situation est très tendue dans le Centre, reconnaît un très proche collaborateur du président Ibrahim Boubacar Keita. Les terroristes cherchent à mettre les communautés dos à dos. Nous avons favorisé, ces derniers mois, la réponse sécuritaire. Mais ce n’est pas la panacée. Lorsque nous libérons une zone, il faut tout de suite initier des projets pour donner du travail aux populations, particulièrement aux jeunes. » Plus de 500 écoles sont actuellement fermées dans une zone allant des régions de Mopti à Segou.

D’après le dernier rapport de l’International Crisis Group (ICG), les opérations militaires visant à vaincre l’insurrection jihadiste dans le Centre ont abouti à une impasse, « le conflit alimentant des violences intercommunautaires toujours plus meurtrières ». Des jihadistes comme Iyad ag Ghaly, chef de la Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM), et Hamadoun Koufa, dirigeant de la Katiba Macina, soufflent sur les braises de ces violences, réactivant les conflits historiques entre éleveurs et agriculteurs.

Aujourd’hui, l’ICG recommande de négocier avec les jihadistes. C’était déjà l’une des préconisations de la Conférence d’entente nationale, en avril 2017.

Les autorités comptent accélérer le programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des combattants

Nouvelle stratégie. « Nous le ferions avec qui et sur quelle base alors que certains rejettent l’intégrité du pays, le caractère républicain de l’Etat et la laïcité, ajoute le proche du chef de l’Etat. Iyad ag Ghaly ne remplit pas les deux dernières conditions. » Bamako se montre néanmoins disponible pour favoriser à la réinsertion des repentis tout en tenant compte des questions de justice.

Le massacre d’Ogassogou en mars a entraîné, un mois plus tard, la démission du gouvernement de Soumeylou Boubeye Maiga. Le nouveau Premier ministre, Boubou Cissé est originaire du centre du pays. Il a confié au ministre Affaires étrangères, Tiébilé Dramé, ancien conseiller chargé des négociations avec les groupes armés au Nord, le soin d’élaborer une nouvelle stratégie pour pacifier la zone.

Les autorités comptent aussi accélérer le programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des combattants. Elles lanceront prochainement une réforme constitutionnelle visant à promouvoir la décentralisation, requête des populations locales. Pour l’ancien Premier ministre, Moussa Mara, l’Etat doit surtout réinvestir un terrain abandonné aux terroristes et aux milices.

SourceL’opinion.fr

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