Il faut maintenir le mandat du Procureur de la République, mais il faut l’encadrer. C’est la tendance maintenue après un débat houleux entre professionnels du droit. C’était lors de la présentation des « livres III et IV de l’avant-projet de code de procédure pénale » dans le cadre de l’atelier national de validation des avant-projets de code pénal et de code de procédure pénale.
Le nouveau code de procédure pénale malien, s’il est validé et adopté par la représentation nationale, comportera 1355 articles, soit un rajout de 721 articles.
Maintenir ou supprimer le mandat de dépôt du Procureur ?
Une des innovations majeures dans l’avant-projet de code de procédure pénale, c’est l’encadrement du mandat de dépôt du Procureur de la République. L’article 137 nouveau précise d’ailleurs que « le mandat de dépôt du procureur de la République bien que maintenu est mieux encadré avec la réduction de la durée de comparution du prévenu qui passe de 3 mois à deux mois en vue de limiter la surpopulation carcérale ». Ledit article ajoute qu’en « cas d’inertie du Parquet, le surveillant-chef de la maison d’arrêt, après avoir avisé huit jours au moins avant l’échéance, conduit le prévenu détenu qui est mis en liberté́ par le président du tribunal après avoir fait observer la formalité́ d’élection de domicile ».
En effet, la question du maintien ou de la surpression du mandat du Procureur a suscité de débat entre professionnels du droit. L’ancien secrétaire général de la Cour suprême, Boya Dembélé, se dit réservé sur le maintien du mandat de dépôt. Son argument : respecter la présomption d’innocence. Pour lui, à défaut de supprimer le mandat du Procureur, il faudrait très bien l’encadrer. « Il ne faut pas décerner ce mandat à tort et à travers. Il faut d’abord une enquête de parquet », a-t-il laissé entendre.
Selon le Procureur de la République près le tribunal de la commune IV, il faut maintenir ce mandat mais s’il faut l’encadrer. « Il ne faut pas aller à la suppression du mandat du procureur. Ce qu’on peut faire, il faut peut-être l’encadrer. On est dans une société où tout le monde a démissionné. Le seul qui n’as pas démissionné, c’est le mandat du procureur », dit-il. Le président du tribunal de Mopti soutient, lui aussi, cette version. Pour lui, « le mandat de dépôt pour le procureur est obligatoire dans notre contexte ».
Pour sa part, Me Yachinte Coulibaly, a souligné que certains mandats de dépôt n’honorent pas la famille judiciaire, car ils sont « illégaux ». A ses dires, une enquête a démontré que 2/3 des prisonniers sont en « détention illégale ». « La liberté étant sacrée, il faut maintenir le mandat mais qu’il soit cadré. En cas de besoin, que le mandat soit à une certaine durée », plaide le membre du Barreau malien.
Moussa Boré, président du Syndicat des greffiers, rejette, quant à lui, la faute sur les citoyens. Il trouve que moins les citoyens commettront d’infractions, moins il y aura de mandat de dépôt. « Tant que les citoyens continuent à commettre les infractions, les mandats du Procureur vont pleuvoir », a-t-il soutenu.
Après près d’une heure de débat, les participants ont opté pour le maintien du mandat du procureur avec l’encadrement.
Le procès pénal innové
Au cours de sa présentation, l’expert Mangal Traoré a rappelé les nouvelles innovations insérées au niveau des principes directeurs du procès pénal. Parmi ces innovations, l’article 3 proposé stipule que « l’évolution des concepts commande de mettre l’accent sur l’obligation d’informer les personnes poursuivies ainsi que les victimes sur leurs droits dans une langue qu’elles comprennent étant entendu que les populations ne maitrisent pas en général la langue officielle et ont beaucoup de difficultés à comprendre les méandres des procédures judiciaires ». Quant à l’Article 5, il « rappelle que la liberté́ est la règle et la détention l’exception. Pour donner un contenu concret au principe ainsi énoncé́, le référé́-liberté́ est institué́ afin de limiter les placements systématiques sous mandat de dépôt, aussi bien au niveau des cabinets d’instruction que des parquets ».
La Cour d’assises sera supprimée. Elle sera remplacée par la chambre criminelle. Cet aspect est précisé dans le nouveau code de procédure pénale. En effet, l’article 6 nouveau « rappelle le principe du double degré́ de juridiction qui aura son prolongement dans le Livre II avec la suppression de la Cour d’assises et son remplacement par la chambre criminelle du tribunal de grande instance, dont le jugement est susceptible de recours devant la Cour d’appel ».
Une autre innovation majeure est que l’article 18 « indique le caractère imprescriptible des crimes de guerre, crimes contre l’humanité́ ; génocide ; infractions terroristes punies de la peine de mort ; attentats contre le gouvernement, putsch et coups d’Etat ».
Dans cette réforme, le rôle du ministère public sera renforcé. Dans cette optique, l’article 24 formalise l’intervention sur les médias du procureur de la République suite à la commission d’infractions afin d’évitera la propagation d’informations parcellaires ou mettre fin à un trouble à l’ordre public. Des articles 28 et 29, quant à eux, « formalisent la procédure d’habilitation personnelle conférée par le Procureur général pour la qualité́ d’OPJ dont la liste est revue en tenant compte de la législation actuelle sur les catégories au niveau de la police en particulier ; soulignent également que la notation ou l’évaluation du Procureur général est prise en compte pour l’avancement de l’OPJ et précisent enfin les conditions d’octroi ou de retrait de l’habilitation ».
Selon l’article 42 du nouveau code de procédure pénale qui est en train d’être proposé, les fonctionnaires investis des pouvoirs de police judiciaires sont les surveillants des services pénitentiaires, ingénieurs, fonctionnaires et agents assermentés des eaux et forêts, de la douane ; du commerce et de la concurrence ; des impôts, de l’urbanisme et de la construction, du travail.
B. Guindo
Source: Le Pays