Avec la disparition du président ATT : Le Mali pleure un digne fils

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L'ancien président malien, Amadou Toumani Touré
L'ancien président malien, Amadou Toumani Touré

Le soldat bâtisseur s’en est allé à l’âge de 72 ans, laissant derrière lui un peuple inconsolable qui l’a porté dans son cœur et qu’il avait tant aimé.  

L’hommage ne sied qu’aux morts. Mais les morts n’ont pas le même poids. Certains de par le legs laissé vivront éternellement dans nos cœurs. L’ex-président de la République Amadou Toumani Touré appartenait à cette race d’hommes en voie de disparition qui ont tout donné à leur pays sans rien réclamer en retour. Il n’était pas de ceux qui avaient présidé aux destinées de leur pays pour que le pays les change, le rend fortuné, mais pour changer le pays. Ses grands travaux dignes d’éloges, de légende, ont vraiment transformé le Mali dans tous les domaines. Des lauriers tressés dans la construction des infrastructures routières,  des logements sociaux – qui d’ailleurs portent son nom – des télécommunications, des centres de santé,  des écoles, j’en passe.

Au mépris de sa santé, il avait parcouru les immenses étendues du désert, traversait des fleuves, des forêts à la rencontre des  populations. Il avait sillonné tout le pays qu’il connaissait comme la paume de sa main. Les moindres coins et recoins ont été visités plusieurs fois en quelques semaines ou quelques mois d’intervalle. Un exercice éprouvant physiquement qu’il préférait au confort douillet de son bureau présidentiel. Ainsi, il s’était  autoproclamé « soldat du développement » et il n’avait pas tord. ATT, comme l’appelait affectueusement les Maliens par ses initiales avait ce don rare de communiquer, d’emporter l’adhésion de ses compatriotes et de convaincre les partenaires au développement. Souvent dans un langage châtié  qui faisait d’ailleurs son charme. Un de ses opposants ne disait-il  pas de lui qu’il est « en conflit avec le français ». Avec un ton mesuré, il rétorquait « qu’il ne connaît d’autre utilité à la politique que de régler les problèmes des gens. Qu’on n’avait pas besoin d’aller à la Sorbonne pour ce faire».  En deux phrases simples mais chargées de sens, il clouait le bec à son contradicteur.

Alpha lui ouvrait les portes de Koulouba

 Pourtant rien ne le prédestinait à une carrière politique. Toutefois la vie réserve d’étranges détours. Son cœur compatissant à la souffrance d’un peuple qui avait soif de la démocratie n’admettait point qu’un régime dictatorial fasse recours aux armes comme réponse aux revendications légitimes. A la tête d’un groupe de militaires, il renversait le régime honni de Moussa Traoré après 23 ans de règne sans partage. Le père de la démocratie mettait en route des réformes majeures.

Au terme d’une transition, la plus courte de l’histoire – 14 mois- Amadou Toumani se consacrait à la lutte contre la dracunculose. Le succès était fulgurant. En quelques années, avec sa fondation il réussissait à endiguer l’explosion de la maladie qui était proche de zéro cas enregistré.

Ce succès lui ouvrait droit le boulevard conduisant à Koulouba, siège du pouvoir. Aidé en cela par le président sortant Alpha Oumar Konaré, qui fut un de ses professeurs à l’Ecole Normale Secondaire de Badalabougou. Un conflit avait éclaté entre les deux pôles de l’exécutif. Ibrahim Boubacar Keïta, alors premier ministre, était à couteaux tirés avec son mentor favorable à l’organisation de primaires au sein de l’Alliance pour la démocratie au Mali –Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ). Le sprint final opposait deux poids lourds du parti, en l’occurrence Soumeylou Boubèye Maïga et son ami Soumaïla Cissé. Ce dernier triomphait, mais vite abandonné au milieu du gué au profit de l’indépendant Amadou Toumani Touré. Reconnaissons qu’ATT avait de nombreux amis bien placés dans l’instance dirigeante de l’ADEMA, notamment ses anciens collègues de l’Ecole normale secondaire de Badalabougou (ENSEC) Marimathia Diarra, Iba N’Diaye qui par la suite ont siégé à son gouvernement.

Générosité proverbiale

D’une générosité proverbiale, il ouvrait sa table à ses visiteurs et prenait un soin particulier à leur retourner l’ascenseur, en se rendant chez eux où il partageait leurs repas copieux. Rare de la part de nos dirigeants qui sous nos tropiques s’enferment dans une bulle au point de ne pas voir l’eau dans le fleuve.

Comme tout le monde, ATT n’était pas à l’abri d’erreurs. Face aux incursions des rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA pomponné par la France) et qui a servi de porte-avions aux djihadistes, il aurait pu faire appel à une intervention de puissance amie. Se réfugiant derrière « vous ne connaissez pas la guerre, mais moi je la connais », des pans entiers du territoire étaient soumis aux feux nourris des ennemis. Jetant une ombre sur sa sincérité. Des femmes et mères de soldats avaient vigoureusement protesté devant les grilles de la présidence avant d’y être conviées le lendemain à une entrevue sous l’œil des cameras de la télévision nationale. Elles l’accusaient vertement de « chef de rebelles ». Une offense qu’il avait digérée. Le mal était fait. La garnison de Kati, distance de quinze kilomètre de Bamako se mutinait. Une mutinerie qui a tourné à sa fuite de Koulouba, puis à son exil au Sénégal voisin et son retour triomphal au pays des années après.

Avec lui disparaît un des illustres fils du Mali qui s’était posé en rassembleur, réussissant le coup de maître d’enterrer la hache de guerre entre le RDA et le PSP, deux vieux partis dont l’inimitié interdisait aux progénitures de militants de se fréquenter. Il sentait  couler dans ses veines le sang de ces deux rivaux dont les anciens ténors lui avaient servi gîte et couverts.

ATT n’est pas mort. Son esprit va continuer de vivre dans les cœurs et son nom gravé à jamais dans le Panthéon de l’histoire du Mali. Dors en paix président ! Puisse ton don de soi exceptionnel illumine nos pas incertains vers la prospérité du Mali reconnaissant que tu as tant aimé ! Amen !

Georges François Traoré

 En encadré

 Le Général d’Armée en retraite, Son Excellence Amadou Toumani Touré, Président de la République du Mali depuis le 08 Juin 2002, est né le 04 Novembre 1948 à Mopti (5ème Région du Mali).

Il fréquente les écoles primaires et fondamentales de Mopti, Tombouctou et Sofara et poursuit ses études à l’Ecole Normale Secondaire de Badalabougou – Bamako, de 1966 à 1969.

Attiré par le métier des armes, sa formation professionnelle est quasi permanente :

– 1969 – 1972 : Elève officier à l’Ecole militaire interarmes (EMIA) de Kati au Mali ;

– 1974 – 1975 : Ecole Supérieure des Troupes aéroportées à Riazan en URSS ;

– 1978 : Centre National d’Entraînement Commando (CNEC) à Mont ouïs en France ;

– 1989 – 1990 : Ecole Supérieure de Guerre Inter- armes (17ème Promotion) à Paris en France ;

– 1990 : Cours Supérieur Inter – armes (42ème Promotion) à Paris en France.

Sous – Lieutenant le 1er Octobre 1972, Amadou Toumani Touré, est successivement promu :

Lieutenant le 1er Octobre 1974

Capitaine le 1er Octobre 1978

Chef de bataillon le 1er Janvier 1984

Lieutenant – Colonel le 1er octobre 1988

Général de Brigade le 08 Juin 1992

Général d’Armée le 1er Octobre 1996

Il est nommé Commandant de la Garde Présidentielle, du 28 avril 1981 au 30 mars 1984

Le commandement du Bataillon des Paras Commandos lui est confié par deux fois, en Janvier 1984, puis le 14 Mars 1991.

Le 26 mars 1991, Amadou Toumani Touré est Maître d’œuvre de l’opération militaire qui met fin à 23 années de pouvoir du Régime de Moussa Traoré.

Il est élu, ce jour même, Président du Comité de Réconciliation Nationale (CRN), composé d’officiers, et porté le 29 mars 1991 à la Présidence du Comité de Transition Pour le Salut du Peuple (CTSP) qui est une fusion du CRN et de la Coordination des Associations du Mouvement Démocratique.

Il conduit ainsi avec bonheur la Transition qui durera 14 mois. Cette période de troubles et d’incertitudes mêlées pourtant d’espoirs, enregistre des résultats probants pour l’avenir de la jeune démocratie malienne, à savoir :

La tenue de la Conférence Nationale, dont il est élu Président (cas unique en Afrique). Il dirige de main de maître ce forum démocratique, dans le temps record de 15 jours ( du 29 juillet au 12 août 1991), qui produira des textes d’une importance capitale, tels : le projet de constitution, le Code électoral, la Charte des Partis, l’Etat de la Nation.

Sa participation effective à la VIème Conférence (Palais de Chaillot en France) au Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays ayant en commun l’usage du français (du 19 au 21 Novembre 1991).

Grâce à sa clairvoyance et à ses talents d’organisateurs méthodique et rigoureux, le calendrier des échéances électorales pour la mise en place des institutions de la IIIème République, a été respecté, dans le calme et la sérénité :

– le 12 janvier 1992, Référendum Constitutionnel ; – le 19 janvier 1992, Elections municipales ; – le 23 Février 1992 et le 08 mars 1992, premier et second tours des élections législatives ; – les 12 et 26 Avril 1992, premier et second tour de l’élection présidentielle.

Ses qualités de négociateur lui ont permis d’obtenir de ses pairs, au Sommet de l’Organisation de le Conférence Islamique (OCI) à Dakar, du 09 au 12 Décembre 1992, l’adoption de la Résolution sur « la Solidarité islamique en faveur du Mali pour le retour de la paix et le développement de ses régions du Nord ».

Au compte des initiatives personnelles de Son Excellence, Monsieur Amadou Toumani Touré, on retient entre autres :

la consolidation de l’indépendance de la Magistrature, par l’adoption d’un statut de la Magistrature, garantissant l’inamovibilité des magistrats du siège ;

la suppression des juridictions d’exception, telle la Cour Spéciale de Sûreté d’Etat, qui constituait une véritable entorse aux droits sacrés de la défense ;

les mesures de grâce présidentielle ont été accordées à environ 150 personnes (surtout des femmes et des enfants dont les conditions de détention interpellaient toute conscience humaine) ;

l’appui à l’éclosion de la Pesse libre et privée, à la mise en place de près de 10 radions libres et privées nationales, de deux stations étrangères : RFI et Africa n°1, et l’autorisation de télévisions privées ;

l’adhésion du Mali à Air Afrique comme exemple d’intégration économique sous- régionale ;

l’organisation, pour la première fois au Mali, des Etats généraux du commerce, de l’industrie et de l’artisanat, et celle des Etats généraux du monde rural ;

la signature du Pacte National : depuis juin 1990, le Groupe ethnique touareg est entré en rébellion contre les autorités nationales. La signature du Pacte National, consacrant le règlement du conflit du Nord du Mali, le 11 Avril 1992 à Bamako, après les concertations de Ségou et Mopti au Mali, du 25 au 28 novembre et du 15 au 19 décembre 1991, puis celles d’Alger I, II, III courant mars – avril 1992, est considérée non seulement comme une victoire du peuple malien, mais surtout comme un triomphe personnel de Amadou Toumani Touré, de sa politique d’ouverture et de dialogue.

Sous son autorité, le Pacte Social pour l’amélioration des conditions de travail et de vie des travailleurs, est signé à Bamako, le 07 mai 1992, entre l’Etat malien et l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM)

ACTIONS HUMANITAIRES ET MEDIATIONS

Convaincu qu’il peut être utile, même sans être Président, le Général Amadou Toumani Touré se consacre donc à la réalisation d’actions sociales en faveur des plus démunis entre autres :

– En septembre 1992, il accepte, sur la demande du président Jimmy Carter, le parrainage du Programme d’Eradication de la Dracunculose au Mali, qui devient protocole d’accord relatif à l’éradication du ver de Guinée et à la lutte contre la cécité entre le Gouvernement de la République du mali et Global 2000 INC.

– En Août 1993, il crée la Fondation pour l’Enfance, pour s’acquitter d’une « dette » envers les enfants, ses amis et compagnons de toujours. – le 14 Mai 1994 à Dakar (Sénégal), ATT est élu Président du Réseau inter – africain en faveur des « Enfants de la Rue », – En Novembre 1995, le sommet des Chefs d’Etat de la Région des grands lacs, réuni au Caire (Egypte), l’a choisi comme facilitateur dans le règlement du conflit dans cette zone ; – En 1996, il dirige la mission d’observation de l’OUA lors des élections algériennes ; – Le 12 juillet 1996 à Lomé, Togo, Lauréat du « Diplôme de Promoteur de la Culture démocratique en Afrique » remis par l’Observatoire Panafricain de la Démocratie (OPAD) ; – En juillet 1996, l’OMS le désigne membre du Comité international pour une Afrique libérée de la poliomyélite ;

Il est nommé Président du Comité de pilotage des Journées Nationales de Vaccination (JNV) contre la poliomyélite, par décret n° 305/PRM du 22 Octobre 1997 ; – 1998 : Promoteur de l’Hôpital Mère – Enfant « Le Luxembourg » ; – 1998 : Nommé Président du Comité de lutte contre le Trachome, par décision n° 595/MSPA- SG du 15 Octobre 1998 ; – 1999 : Membre du PANEL (Groupe International d’Eminentes personnalités pour enquêter sur le génocide de 1994 au Rwanda et ses conséquences)

– 2000 : Mandaté par l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en qualité d’Envoyé Spécial du Secrétaire Général de l’OIF, Monsieur Boutros Boutros Ghali, auprès des Chefs d’Etat membres de l’OIF, n’ayant pas encore adhéré à la Convention d’Ottawa (signée et/ ou ratifiée) ; – 2001 : Membre du Conseil d’administration d’OSIWA ; – 2001 : Mandaté en République Centrafricaine en tant qu’Envoyé Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, Monsieur Koffi Annan, pour la République Centrafricaine, à la date du 05 juin 2001.

Candidat indépendant, Monsieur Amadou Toumani Touré est élu Président de la République le 24 mai 2002.

Décorations et Distinctions

Au titre de ses nombreuses décorations et distinctions, nous pouvons citer entre autres :

Maliennes

Chevalier de l’Ordre National du Mali (1981) ;

Médaille d’Or de l’Indépendance du Mali (1992) ;

Grand – Croix de l’Ordre National du Mali ;

Prix Chaba SANGARE (2001) pour ses Actions Humanitaires en Commune IV du District de Bamako ;

Prix du Rotary International ‘Paul Harris Fellow’, Bamako, Mali ;

Prix du Ciwara d’Exception, Bamako, Mali (1997) ;

Etrangères

Médaille de Sauvetage (USA)- Campagne contre la famine 1973 au Mali ;

Lauréat du Diplôme de Promoteur de la Culture de la Démocratie en Afrique, remis par l’Observatoire Panafricain de la Démocratie (OPAD) – 12 juillet 1996 à Lomé (Togo) ;

Prix international « le Juste d’Or » décerné par l’Association SOS Injustice International (1994) ;

Commandeur de la Légion d’Honneur – France (1994) ;

Lauréat du 10ème Prix Leadership Afrique pour l’élimination permanente de la Faim (1996) ;

Grand Officier de l’Ordre du Mérite Centrafricain (1996) ;

Médaille Commémorative de la Campagne de la MISAB, Bangui (RCA), 1997 ;

Grand Officier du Mérite du Tchad (1997) ;

Grand Officier de la Légion d’honneur, France (1998) ;

Docteur Honoris Causa de l’Université Internationale Euro-Américaine de Panama (2005) ;

Grande Médaille de l’Ordre Mondial des Juristes (2005).

Membre associé de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer de Paris (2007) ;

Docteur Honoris Causa de l’Université de Lyon III (2007).

Docteur Honoris Causa de L’Université de Moncton, Canada (2008).

Amadou Toumani Touré étaitt marié à Madame Touré Lobbo née Traoré. Père de deux filles.

Il aime la lecture et le sport qu’il pratique régulièrement.

Source : L’informateur

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