Le Procureur Mamoudou Kassogué vient d’annoncer par un communiqué l’ouverture d’une enquête pour « faire toute la lumière sur la régulation formelle et les conditions de fond » dans lesquelles des Biens immobiliers de l’État ont été cédés à des particuliers. Dans le même communiqué, le Procureur Kassogué invite les victimes des événements des 10, 11, 12 juillet, qui n’ont pas encore été auditionnées, à se présenter à son cabinet pour être mis en rapport avec le juge d’instruction en charge de cet autre dossier. Il y a quelques mois, le même Procureur avait lancé un appel à témoin relatif aux scandales de l’achat d’équipements militaires sous le Régime défunt. Aujourd’hui, beaucoup de questions se posent au sein de l’opinion publique sur la volonté de la justice et /ou des Autorités actuelles à faire la lumière sur ces trois dossiers sulfureux. Et, du coup, le dernier communiqué de Kassogué est diversement accueilli par une opinion malienne qui estime que le Procureur n’a point les mains libres pour conduire certains dossiers dont ces trois derniers jusqu’au bout.
Mamoudou Kassogué a annoncé, jeudi dernier, dans un communiqué, l’ouverture d’une enquête sur les conditions de vente de l’immeuble abritant l’Institut national des Arts. « Depuis un certain temps, des rumeurs persistantes font état de la cession à des particuliers de l’immeuble abritant l’Institut national des Arts », note le communiqué du Procureur chargé du pôle économique et financier de Bamako. Et au Procureur de poursuivre : «dans des conditions similaires, d’autres Biens de immobiliers de l’État ont été cédés à des particuliers suscitant l’incompréhension des populations ». Le Procureur de la République précise que l’ouverture de cette enquête intervient « face aux forts risques de malversations inhérents à de telles opérations et à l’indignation que ces cessions suscitent au sein de l’opinion nationale ».
En effet, sous le Régime défunt d’Ibrahim Boubacar Kéïta, plusieurs bâtiments publics ont été cédés à certains opérateurs économiques à des prix largement inférieurs à leur valeur. Ces ‘‘ventes’’ opérées dans des conditions opaques ont profité à des ‘‘ opérateurs économiques’’ véreux et à des prêtes noms connus. Aussi, la quasi-totalité du patrimoine de l’Etat dont une grande partie a été acquise sous les Régimes précédents et même avant a ainsi été touché par ce bradage. Au total, 27 Bâtiments publics ont été bradés puis souvent loués à ce même État vendeur. Et cela au moment où le Gouvernement fait face à une insuffisance criarde de patrimoines immobiliers au point que beaucoup de services publics sont en location. Il est difficile, donc, de concevoir que les bâtiments de l’Etat aient été bradés à des prix dérisoires à des opérateurs économiques proches de l’ancien Régime.
La liste des immeubles bradés, leurs prix de cession et les adjudicateurs, tous des opérateurs économiques bien connus, avait défrayé la chronique, quelques jours avant la chute du Président IBK et de son Régime.
Par ailleurs, le Procureur Kassogué, dans le même communiqué invite les victimes des événements des 10, 11, 12 juillet 2020, qui n’ont pas encore été auditionnées, à se présenter à son cabinet pour être mis en rapport avec le juge d’instruction en charge cet autre dossier. « Une invitation qui s’adresse également aux éventuels témoins pouvant contribuer à la manifestation de la vérité », conclut le texte.
En effet, entre les 10 et 13 juillet 2020, les manifestations organisées par le Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-rfp) pour exiger la démission du Président Ibrahim Boubacar Kéïta (finalement renversé par le Comité national pour le salut du peuple/CNSP, le 18 août 2020) ont fait l’objet d’une violente répression de la part du Régime d’alors. Bilan : 14 morts et 40 blessés selon un Rapport d’enquêtes publié en décembre 2020 par la MINUSMA.
Mais, en dépit de l’ouverture d’une information judiciaire contre X au niveau du Tribunal de Grande instance de la Commune III du District de Bamako pour « fait de meurtre, coups de blessures aggravés et coups mortels », l’enquête n’a guère progressé. Pis, elle semble être renvoyée aux calendes grecques.
Cependant, les victimes ont besoin que les Responsabilités soient situées et les auteurs des violations de Droits de l’Homme et actes de violence traduits devant la justice.
Autre dossier brûlant sur la table du Procureur : celui relatif à l’achat d’équipements militaires.
Ainsi, le 17 septembre 2020, le Procureur de la République, Mamoudou Kassogué, en charge du Pôle économique et financier de Bamako, lançait un appel à témoins dans le cadre du dossier de l’affaire dite des « avions cloués au sol ». Dans un communiqué, le Procureur Mamoudou Kassogué rappelait au public que « les enquêtes sont en cours au niveau du Parquet concernant ladite l’affaire ».
« Pour permettre l’évolution rapide et efficiente desdites enquêtes, relève le communiqué, le Procureur invite toutes les personnes dépositaires d’informations ou de documents relatifs à l’affaire de les mettre à sa disposition ». « Y compris sous anonymat », précise le Procureur qui ajoute que la même demande est formulée concernant toutes les autres enquêtes en cours au niveau du Pôle économique et financier de Bamako.
Cette affaire d’achat des hélicoptères de l’Armée de l’Air avait défrayé la chronique à l’époque et a alimenté les débats au sein d’une opinion publique de plus en plus révoltée par les scandales de corruption. Ce scandale avait éclaté en 2017, après que le Président de la République de l’époque Ibrahim Boubacar Kéïta ait confirmé dans un entretien à Jeune Afrique que les avions achetés sous son magistère sont cloués au sol par « faute de maintenance appropriée ». C’est au tour du Président de la commission défense de l’Assemblée nationale, Karim Kéïta, de déclarer, lors d’un colloque à Paris : « les hélicoptères que nous avons achetés ne peuvent plus voler, ça marchait au début mais vraisemblablement on a un problème d’entretien depuis l’achat, je me demande si on n’a pas été floué à l’achat… ».
Cette déclaration du Président de la commission défense de l’Assemblée Nationale vient réveiller les forts soupçons de surfacturation et les malversations portant sur les ressources financières destinées à acquérir des équipements pour l’Armée.
Ce scandale s’ajoutait à une longue liste de magouilles et de surfacturations d’achats d’équipements militaires qui ont entaché les mandats de IBK.
Mais force est de constater que, depuis, l’enquête n’a guère progressé dans cette affaire comme dans beaucoup d’autres. Ces affaires semblent embarrasser les Autorités actuelles. Volonté de les enterrer ? De gagner du temps ? C’est là toute la question !
Mémé Sanogo
Source : L’Aube