L’éducation, pour paraphraser le pédagogue, est le premier besoin du peuple, après le pain. Cependant au Mali, il apparaît clairement qu’elle est le dernier des soucis. On tue à petit feu notre école à la grande indifférence de tout le peuple malien.
Il n’est plus un secret pour personne que notre école se trouve dans l’agonie depuis l’avènement de la démocratie, en 1992. Depuis lors, sa situation ne semble pas évoluer positivement, au contraire, elle va de mal en pie. Malheureusement, personne ne semble en faire une préoccupation. Et pourtant, le diagnostic est connu de tous. Chacun manque de courage à s’attaquer au mal à la racine pour délivrer ainsi notre école de ce mal chronique qu’elle est loin de mériter. L’on se plaid à chanter partout et à toutes les occasions que l’école c’est la priorité des priorités; l’école c’est notre avenir; c’est l’avenir de notre nation. Et quand cette école nous appelle au secours, il n’y a personne pour répondre à son appel.
Après une année scolaire 2018-2019 sérieusement hypothéquée à cause de multiples grèves des syndicats d’enseignants et la négligence des autorités en charge de l’éducation, comment avons nous laissé notre école vivre un scénario pire que celle de l’année dernière? Et pourtant, personne ne peut dire qu’il en a été surpris. Parce-que, à en croire les syndicats d’enseignants signataires du 15 octobre, l’alerte a été donnée depuis fort longtemps aux politiques en passant par la société civile de même que le syndicat des élèves eux-mêmes autour de l’article 39 de la Loi N°00- 2017 portant Statut général des fonctionnaires qui stipule que “Toute majoration ou rémunération au niveau du statut général des fonctionnaires s’applique de plein droit aux enseignants de l’enseignement secondaire, fondamental et de l’enseignement préscolaire et spécial“. Si l’ensemble de ces partenaires avait pris au sérieux cette requête des enseignants, allions- nous connaître cette situation qui freine aujourd’hui la bonne marche de notre école ?
Bien évidemment que non, si nous sommes là aujourd’hui, c’est parce que nous n’en avons pas fait un problème. Tout se passe comme s’il n’en est rien. Ce silence coupable fait de nous complices d’une mort certaine de notre école surtout au niveau du public. Puisque personne ne dit mot, le gouvernement peut se permettre de persister dans son entêtement à ne pas appliquer une loi de la République.
Nous n’avons pas fini d’évaluer les conséquences néfastes du colmatage de l’année précédente, aujourd’hui nous assistons passivement au bricolage de la nouvelle année. Face à la revendication des enseignants, le gouvernement ne répond que par le mépris et opte pour des stratagèmes afin de la contourner poussant ces derniers à des grèves répétitives qui compromettent sérieusement le sort de cette année scolaire 2019-2020.
Après six (06) rounds de négociations, nous voilà toujours à la case de départ. Au terme de cette sixième rencontre, aucune des deux (02) parties n’a cédé. Pendant que les syndicats exigent l’application stricte de l’article 39 et proposent l’échelonnement des indices suivants: 1219 à partir de juin 2020 avec une date de prise d’effet en janvier 2019; 1272 applicable à partir de 2021 avec comme date de prise d’effet janvier 2019; 1387 applicable, à partir de décembre 2021, avec date de prise d’effet janvier 2020. Le gouvernement, lui qui persiste dans sa volonté de négocier une loi de la République, propose à cet effet, les indices 1150, en 2020 et 1200, en 2021.
Face à ce dialogue de sourds, le peuple reste muet et l’horizon s’assombrit de plus en plus pour l’avenir de notre école.
Comment comprendre que dans un pays qui se dit civilisé et démocratique l’on fait fi volontairement d’une loi de cette même République surtout quand cette loi impacte sur l’avenir de la nation entière et que les citoyens de ce pays restent bouche bée ? La loi, elle peut être dure, sinon très dure, mais elle reste toujours une loi et son respect et son obéissance est un devoir pour tous les citoyens, dirigés comme dirigeants. “Nul n’est au dessus de la loi’’, dit- on et ne pas exiger son respect nous rend obligatoirement complices de sa violation.
Il est temps que notre peuple se réveille pour sauver notre école. Il se doit de rompre avec cette attitude attentiste et sortir de son long sommeil dogmatique afin de se faire entendre. L’heure n’est plus au discours mielleux et émotifs mais plutôt à l’action. Il nous faut une action commune en faveur de notre école pour que cessent enfin et de façon définitive les tergiversations, les colmatages et les bricolages dont fait l’objet notre école.
Si l’école est le fondement d’une société juste, une société où il fait bon vivre, cela doit être traduit dans la réalité à travers nos engagements sans faille en sa faveur. Pour cela, aucun sacrifice n’est de trop. Nous n’avons pas le droit de rester indifférents face à l’extinction en cours de notre école, cela ferait de nous pire que le COVID-19. En ce sens que le COVID-19 tue des individus, en regardant détruire notre école, nous serons complices de la mort de toute une génération.
Daouda DOUMBIA
Source : Inter de Bamako