Les irrégularités constatées par les vérifications conduisent certains responsables mis en cause à procéder à des remboursements et à des corrections dans les procédures
À quoi sert le Bureau du Vérificateur général (BVG) s’il ne peut pas contribuer à la réduction de la gestion opaque des affaires publiques en amenant les agents en charge de gérer la chose publique à plus de transparence et à craindre des suites judiciaires à donner aux actes déontologiquement prohibés qu’ils posent ou auront à poser ? Cette valeur ajoutée recherchée dont dépendra notre salut, prend peu à peu forme. La preuve par les restitutions immédiates de fonds supposés détournés par certains agents après avoir reçu le rapport provisoire de vérification.
À la Société malienne de gestion de l’eau potable (Somagep-sa), le directeur général et son adjoint avaient racheté leurs véhicules de fonction respectifs sans autorisation du conseil d’administration et avec une réduction de 70% du prix d’achat. Avant la fin de la mission, le directeur général a transmis au Vérificateur général les décisions d’annulation des deux contrats de cession de véhicules qui ont été réintégrés dans le patrimoine de la Société.
Le régisseur spécial d’avances de la direction administrative et financière (Daf) de la Primature a opéré des remises d’espèces non justifiées pour un montant total de 163.405.750 Fcfa. Après le dépôt du rapport provisoire, le Daf a remboursé 15 millions de Fcfa sur ce montant qu’il avait indûment perçus. Quant au régisseur spécial d’avances, il a reversé 1.049.549 Fcfa qu’il n’avait pas justifiés.
Le Daf de la Primature n’a pas reversé, au Trésor public, des produits issus de la vente de dossiers d’appel à concurrence pour un montant de 2,6 millions Fcfa. À la suite du rapport provisoire, ledit montant a été rendu le 5 mai 2020.
PRÈS DE 105 MILLIONS POUR L’OPAM- À l’Office des produits agricoles du Mali (Opam), les enquêteurs du BVG constatent que la directrice financière et comptable ne mobilisait pas des cautions de bonne exécution des prestataires défaillants. À l’issue des travaux de vérification, elle a entamé le processus de mobilisation en passant les écritures de régularisation desdites cautions, au cours des travaux de fin d’exercice de 2019, pour un montant total de 12.070.000 Fcfa. Elle n’effectuait pas également un suivi régulier du recouvrement des frais de location des magasins. Suite aux passages des auditeurs, elle a recouvré 19.676.000 Fcfa, à travers les services d’un huissier commis à cet effet.
Le PDG de l’Opam, lui, avait ordonné le remboursement partiel de la caution du fournisseur de sacs vides neufs en jute pour un montant de 3.439.466 Fcfa sur un total de 5.137.500 Fcfa alors que le marché n’a pas été totalement exécuté. Après transmission du rapport provisoire, il a fait recouvrer les 3.439.466 Fcfa. Le PDG a également remboursé doublement, au titulaire du contrat n°005/OPAM/2017 du 30 mars 2017, la caution de bonne exécution d’un montant de 5 millions de Fcfa.
Suivant restitution des conclusions de la mission, l’Opam a retenu le montant indûment remboursé de 5 millions de Fcfa sur les paiements d’un autre contrat du même prestataire. La vérification a révélé aussi que le patron de l’Opam n’a pas reversé dans le compte de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public (ARMDS) la part qui lui revient sur les produits issus de la vente des dossiers d’appel d’offres pour un montant de 5.230.000 Fcfa. La totalité dudit montant a été versée à l’ARMDS.
La commission de réception de l’Opam a accepté des sacs non conformes pour un montant total de 68.791.125 Fcfa. Suite aux constatations de la mission, la direction a vendu le stock de sacs pour un montant total de 60.255.000 Fcfa, réduisant ainsi la perte à 8.539.125 Fcfa.
SUITE JUDICIAIRE- L’agent comptable de l’Agence nationale de sécurité routière (Anaser) n’avait pas reversé à l’ARMDS sa part sur les redevances de régulation des marchés publics. Après le passage de l’équipe de vérification, il a reversé un montant de 360.000 Fcfa. Il n’avait pas également rapproché les données provenant de la Société concessionnaire de service public de contrôle technique des véhicules à celles provenant des directions régionales des transports terrestres et fluviaux.
Après le passage des vérificateurs, il a procédé à un pointage contradictoire en date du 6 février 2020 de la redevance Mali Technic Système (MTS) recouvrée à l’occasion du contrôle technique des véhicules sur la base des tickets délivrés sur la période allant du 15 janvier au 14 novembre 2019. À l’issue du pointage, un écart non reversé de 181.633.100 Fcfa a été constaté et matérialisé par un procès-verbal signé à la même date. MTS s’est engagée à restituer le montant dû à l’Anaser.
L’équipe de vérification a également constaté, lors de ses travaux d’effectivité à Sikasso, un écart de 482.500 Fcfa entre les recettes recouvrées et celles reversées dans le compte de l’Anaser. Cette situation a été régularisée par le reversement dudit montant dans le compte bancaire de l’Anaser.
À l’Agence d’exécution des travaux d’entretien routier (Ageroute), l’équipe de vérification a constaté que les produits issus de la vente des dossiers d’appel d’offres (DAO) n’étaient pas reversés. Le montant total, estimé à 2.777.000 Fcfa, a été reversé dans le compte de l’ARMDS par chèque n°1763482 du 3 juillet 2020. Les suites judiciaires des dossiers transmis et dénoncés par le Vérificateur général suivent leur cours. Le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Kayes, chargé du Pôle économique et financier, a informé par écrit le Vérificateur général de l’ouverture d’une information judiciaire relative aux trois dénonciations qui lui ont été transmises en 2020.
Au niveau du pôle économique et financier de Bamako rattaché au Tribunal de grande instance de la Commune III du district de Bamako, le procureur de la République a fait parvenir par écrit au vérificateur général la situation des suites judiciaires de 18 dénonciations reçues au titre de 2020.
Deux dossiers ont fait l’objet de l’ouverture d’informations judiciaires dans les différents cabinets d’instruction. Plus de 16 dossiers sont en instance d’enquête préliminaire au niveau de la Brigade d’enquête financière du Pôle économique et financier. À la section des comptes de la Cour suprême, les dossiers sont en cours de traitement.
Cheick M. TRAORÉ
Source : L’Essor