Le Gouvernement de transition s’est donné le lundi, 6 juin 2022 jusqu’à mars 2024 avant de rendre le pouvoir aux civils. C’est à travers un communiqué lu à la télévision nationale, fixant par décret à 2 ans, à partir du 26 mars dernier, la durée de la période dite de transition. Après 5 mois de tensions et de rebondissements, beaucoup se demandent si cette durée annoncée est celle convenue entre la CEDEAO et le Mali lors de la dernière visite à Accra au Ghana, le 4 juin 2022. Eh bien, la CEDEAO ne s’est pas fait prier pour dénoncer la décision des autorités maliennes.
Le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, a signé un décret en ce sens lu à la télévision nationale et stipulant que la durée de la transition est fixée à 24 mois à compter du 26 mars 2022. Cette annonce intervient au surlendemain d’un sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a imposé le 9 janvier au Mali de sévères mesures de rétorsion commerciales et financières pour forcer les autorités à présenter un calendrier « acceptable » de retour des civils au pouvoir.
En effet, ce décret pris lundi dernier suit les discussions avec la CEDEAO qui avait mis en doute la démarche unilatérale des autorités de la transition. Et 24 heures après la signature de ce décret portant prorogation de la transition de deux ans, la CEDEAO a réagi. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a « regretté » que la junte malienne n’ait pas attendu la fin de négociations avec elle pour fixer l’échéance d’un retour des civils au pouvoir, et souligné dans un communiqué publié mardi soir que le dialogue allait continuer.
Cette sortie de la CEDEAO confirme la démarche unilatérale des autorités de la transition qui n’ont pas voulu attendre le 3 juillet pour finaliser avec la CEDEAO les questions liées à la durée et le chronogramme. De toute évidence, quand on sait que la CEDEAO table jusqu’alors sur 16 mois de la durée supplémentaire de la transition, beaucoup de questions se posent ce qui motive une telle démarche. Même si l’organisation sous régionale regrette la décision unilatérale, et prône le dialogue, il n’est pas aussi exclu que la démarche unilatérale des autorités ne puisse pas engendrer d’autres remous susceptibles de faire traîner la levée des sanctions que les populations attendent fermement pour le 3 juillet prochain.
Tout porte à croire que même si les autorités ont maintenu 24 mois soit 2 années comme préalablement annoncées, dans les comptes, on retrouve 20 mois de prolongation. Car, les deux parties ont perdu du temps dans les discours inutiles en laissant le peuple périr. C’est justement pourquoi l’imam Dicko n’a pas caressé les deux parties en qualifiant les autorités maliennes d’“arrogants’’ et la communauté internationale d’“orgueilleuse’’.
En tout et pour tout, on aurait perdu tout ce temps, rien que pour des égos. Ce décret des autorités, prouve-t-il que les chefs d’État avaient raison d’en douter de leur sincérité ? Car, si aucune décision n’a été prise sur le Mali le 4 juin dernier à Accra, c’est au nom de la méfiance et du manque de confiance entre les deux partenaires. Mais il faut s’accorder d’une chose, la guerre de survie de chaque camp fait rage au sein des populations de l’espace CEDEAO. Qu’en sera-t-il du 3 juillet prochain, nul ne sait, et l’opinion retient toujours son souffle.
Faut-il rappeler que depuis l’avènement des militaires au pouvoir le 20 août 2020, à la suite d’un coup d’État contre l’ancien président, Ibrahim Boubacar Kéita, le pays n’a pas connu d’accalmie comme recherchée par les Maliens. Le Mali plongé depuis 2012 dans une crise sécuritaire, politique et humanitaire profonde cherche aujourd’hui un compromis avec la CEDEAO pour un retour des civils au pouvoir. Engagées initialement à céder le pouvoir aux civils après des élections programmées en février dernier, les autorités n’ont pas pu tenir promesse suscitant une tension avec la CEDEAO.
Pire, à la suite des Assises nationales de la Refondations, tenues fin décembre 2021, il a été décidé de prolonger la transition d’au moins 6 mois et d’au plus 5 ans. Avant le sommet de la CEDEAO, tenu le 9 janvier 2022, alors que les sanctions avec un embargo sur le Mali accentuent la crise dans ce pays continental et enclavé, les autorités ont finalement ramené leur prétention de rester au pouvoir pendant 24 mois, sans toutefois les formaliser comme ils l’ont fait le lundi dernier.
De son côté, la CEDEAO a consenti au maximum 16 mois, à la prolongation de la transition. Malheureusement, avant le sommet dit de l’“espoir’’ tenu samedi 4 juin dernier à Accra, ce, malgré la poursuite du dialogue entre la CEDEAO et les autorités ayant suscité au Mali un certain espoir pour la levée des sanctions, celles-ci ont été maintenues contre toute attente.
Les dirigeants ouest-africains les ont maintenues tout en gardant la porte ouverte au dialogue. Divisés sur la conduite à tenir, les chefs d’État ont renvoyé toute décision à un nouveau sommet prévu pour le 3 juillet 2022. Toutefois, ils ont décidé de « continuer le dialogue afin de parvenir à un accord permettant une levée graduelle des sanctions à mesure que les étapes de la transition seront franchies ».
Bourama KEITA
Source: LE COMBAT