L’une des dimensions structurelles de la crise profonde que traverse le Mali est imputable aux faiblesses, limites et lacunes de son système institutionnel, devenues criantes en 2020 : il est en conséquence nécessaire de traiter en profondeur leurs symptômes, en allant bien au-delà des détails.
A en croire, Mamadou Mohamed Coulibaly, ministre de la refondation, le parachèvement du processus de réorganisation territoriale ; l’élaboration et l’adoption d’une nouvelle constitution ; l’assainissement des partis politique ; la réforme du système électoral ; et la poursuite du chantier de la régionalisation sont, entre autres, les priorités du gouvernement de la Transition concernant les réformes politiques et institutionnelles. En effet, le pays a besoin d’innovations institutionnelles pour assurer son équilibre précaire.
Aussi, l’objectif des Autorités de la transition pour la régionalisation devait porter sur une meilleure adéquation entre les ressources transférées et les fonctions assumées pour conserver au dispositif mis en place sa crédibilité. La vocation économique de la Région devant être réaffirmée, car la Région dans doit servir de point nodal pour accélérer le développement. Régionaliser, c’est, reconnaître une prééminence du niveau régional pour coordonner et intégrer les politiques de l’État et les programmes des collectivités territoriales, dans le respect de l’autonomie de celles‐ci et de leurs compétences respectives. La Région doit être assez forte pour développer des fonctions que les communes ne peuvent envisager, mais proche d’elles pour aider à mettre en œuvre les projets et faire émerger des priorités adaptées et partagées.
La refondation de l’État renvoie à la refonte des institutions et au processus de leur remplacement sur des bases nouvelles en vue de leur permettre de jouer pleinement leur rôle dans la régulation de la vie sociale. Dans cette optique, la Constitution apparait comme le socle d’une réelle refondation. Elle est la loi fondamentale dont découlent toutes les autres. Cette réforme constitutionnelle est avant tout nécessaire. Aucune Constitution n’est éternelle et les conditions de sa réforme sont inscrites dans la Constitution elle-même. Pourquoi Faut-il réformer la Constitution ? Pour l’adapter aux circonstances nouvelles qui surviennent, provoquant des changements plus ou moins importants dans la vie de l’Etat ou de la société. C’est le cas, par exemple, lorsque des traités sont signés par un Etat avec d’autres Etats, ou avec des organisations internationales. Ces traités influent nécessairement sur le fonctionnement de la vie politique du pays. Les précédentes initiatives qui n’ont pas pu aboutir ont été remises en cause tantôt pour des questions d’agenda politique (moment mal choisi) tantôt pour des difficultés pour les initiateurs à fédérer toutes les énergies autour des principaux points qu’ils ont voulu modifier. Donc il s’agira pour les autorités de la transition de créer les conditions de consensus pour que cette révision puisse se dérouler dans un climat apaisé.
Autre chantier de reformes pour la transition : poser les balises pour un véritable assainissement des partis politique. Car les pratiques des partis politiques ont révélé leurs limites quand ce n’est pas leurs perversions. La transhumance, appelée également nomadisme politique, est rangée parmi ces travers. Empruntée au vocabulaire pastoral, la transhumance désigne la migration périodique des troupeaux à la recherche d’espaces plus favorables à leur sustentation et à leur épanouissement. Transposée à la vie politique, elle renvoie à l’attitude de l’homme politique qui migre d’un parti politique auquel il appartient au moment de son élection vers un autre parti, pour des intérêts personnels. A cela il faudra trouver des mécanismes pour y mettre fin. La multitude de partis politiques donne une illusion de démocratie. Au contraire, leurs émiettements restent par ailleurs un facteur d’affaiblissement de l’opposition Autre avatar du système politique, l’achat des consciences lors des scrutins malgré le fait que la loi électorale condamne l’achat de conscience, Alors il urge de mettre en application les dispositions de cette loi.
Assurer des élections crédibles
Pour éviter les cycles de contestation à chaque élection, la réforme électorale doit être une priorité absolue. Elle doit concerner plusieurs champs outre la relecture de certains textes régissant les élections comme la loi électorale, la loi organique relative aux députés et de la Charte des partis politiques. Les reformes doivent touchés aussi entre autres l’administration électorale c’est-à-dire les contours de la structure unique chargée de l’organisation des élections, conformément aux recommandations du Dialogue National Inclusif ; la problématique du fichier électoral et des modalités d’inscription sur les listes électorales ; les mesures spécifiques d’organisation des élections couplées ; la gestion des résultats de l’élection, depuis le bureau de vote jusqu’à la Cour Constitutionnelle ou à la Cour Suprême…
La bonne conduite des réformes nécessite aussi le respect du cadre légal et des engagements de l’État tant au plan national qu’international. L’approche des autorités de la transition doit être axée sur une pédagogie qui fait appel à l’inclusivité et au rassemblement. Personne ne doit être exclu du processus de refondation de l’État. Tout le monde est concerné, car la crise sécuritaire, politique, sanitaire et socioéconomique n’a épargné personne.
La lourde tâche, qui revient à la transition, consiste alors à rassembler les Maliens autour d’un projet fédérateur qui est la détermination du devenir de l’État. La marginalisation et l’exclusion sont de mauvais conseillers en période de troubles extrêmes aux contours complexes. On ne refonde pas un État en 18 mois, mais on peut poser les jalons d’une nécessaire refondation salvatrice dont la colonne vertébrale consiste à restaurer dans l’État la confiance entre les gouvernants et les citoyens.
Mémé Sanogo
Source : L’Aube