La machine de contestation du M5 RFP peine à reprendre son régime des 10 et 11 juillet dernier. A savoir si elle n’a pas été ‘’grippée’’, à la faveur des courants de médiation-négociations rondement menées du 15 au 19 juillet, par la mission de la CEDEAO conduite par Goodluck Ebele Jonathan, ancien président du Nigéria. Les conclusions de cette médiation ont été fermement soutenues par la mission des cinq chefs d’Etat de la CEDEAO à Bamako le 23 juillet, ainsi que par le Sommet extraordinaire des chefs d’Etat de l’organisation régionale, le 27 juillet par visioconférence.
Depuis les scènes de violences du 20 juillet, en réaction aux conclusions de la médiation de la CEDEAO, le M5 RFP, mouvement spontané et hétéroclite, semble faire les frais d’un déficit organisationnel se manifestant par des contradictions internes, la variation des discours selon qu’ils émanent de la jeunesse ou du comité stratégique, et l’absence d’unité d’action.
De l’observation du paysage sociopolitique national aujourd’hui, se dégage une courbe descendante de l’intensité des contestations menées par le M5 RFP. L’ébullition de la situation sociopolitique, la montée des contestations mesurable à l’intensité des rixes des 10 et 11 juillet 2020 avec son cortège de morts, a fait la place à une guerre des communiqués de part et d’autre.
Profitant du micro qui lui a été tendu le jour de la fête d’Aïd el Kébir, IBK a soutenu, « Nul n’a le droit d’empêcher les Maliens d’aller et venir. … nul n’a le droit de tenir les Maliens sous menace perpétuelle. Je crois qu’il est temps que l’on revienne à la raison, que chacun sache raison garder. Il a été dit et redit, la seule voie d’accès au pouvoir en République du Mali désormais est la voie des urnes. Nous sommes à l’aise ; installé nous sommes, par le suffrage universel des Maliens. Cela se devait-il d’être rappelé ? Certainement oui, parce que certains semblent l’avoir oublié. Que l’on revienne à la raison, que l’on ne s’avise plus à détruire allègrement les biens publics et privés… nul ne sera désormais dans l’impunité, les Maliens ont assez subi, les Bamakois ont trop subi ces temps-ci…. C’est bien notre devoir de protéger les Maliennes et les Maliens, de protéger les biens publics et privés. Tout cela sera connu par la justice et de la manière la plus idoine »
A ce discours prononcé par IBK, le matin de la fête de Tabaski, le 31 juillet et diffusé sur l’ORTM, Me Mountaga Tall, ancien ministre d’IBK et membre du comité stratégique du M5 RFP, a réagi sur twitter: « Bon Dieu de grâce et de miséricorde ! Quelqu’un peut-il rappeler à IBK les 23 morts et 200 blessés par balles ? La vie des Maliens compte ! ‘’Malians lives matter’’ ».
De son côté Choguel Kokala Maïga, président du comité stratégique s’attèle, de réunion en réunion à organiser ses troupes, les jeunes, « les fantassins », sans lesquels, les généraux que sont les membres du comité stratégique, ne sauraient gagner la bataille. A coups de communiqués et d’interview, Choguel explique le projet du M5 RFP « d’étendre la désobéissance civile à toutes les localités du pays », et surtout de déjouer le plan du pouvoir de faire « infiltrer la manifestation par des jeunes », dans le but de commettre des actes répréhensibles. Il prône une mobilisation générale pour faire démissionner le Président IBK.
Du côté de la CMAS, on reste derrière l’appel à la retenue de l’Imam Mahmoud Dicko, l’apôtre de la bonne gouvernance, sans violence. Pour Issa Kaou Djim, le coordinateur de la CMAS, «nous ne disons pas tout ou rien », la balle est à cet effet dans le camp du Président IBK, qui est un partisan des jeux de nerfs, des jeux de prolongation et des discours de minuit. Trois cas attestent cela : l’entrée en négociation avec les rebelles de l’époque, l’application de l’article 39 du statut particulier des enseignants, la dissolution de la cour constitutionnelle. Et la question portant sur l’Assemblée nationale reste entière, la solution de la CEDEAO semble être inopérante à ce niveau, les 31 ‘’députés mal élus’’, appartenant à la fois au pouvoir et à l’opposition, refusant de démissionner. IBK est taxé de toujours jouer au pourrissement de la situation. Le Président de la République va-t-il dissoudre l’Assemblée nationale et renvoyer tous les députés (députés mal élus, députés spoliés par la cour constitutionnelle et club des députés du peuple) devant les électeurs? Cela aura pour avantage d’apaiser le front de la contestation, de pacifier le front sociopolitique, et de reprendre comme en 1997, les élections législatives sur une base plus transparente et crédible. Avec cette conséquence que la majorité à l’Assemblée nationale pourrait changer de camp, pour forcer le Président à la cohabitation. Mais nous devons mettre le Mali au dessus de tout. Parole du Président IBK. Il le dit, le fera-t-il ?
B. Daou
Source : Le Républicain