Quelle race d’hommes politiques avons-nous au sommet de l’Etat aujourd’hui ? Ces femmes et ces hommes au gouvernement, à l’Assemblée nationale et à la tête de nos institutions de la République sont-ils les produits et la synthèse de parcours, pouvant mieux inspirer la jeunesse pour s’en servir comme repère ? La présente chronique n’a pas vocation à répondre, mais un questionnement qui en vaut la peine de méditer !
Les élections générales ont permis de reconduire le Président de la République dans ses fonctions, en septembre 2018; de renouveler l’Assemblée nationale du Mali, qui a fait son entrée et élu son président le 11 mai 2020. Le président de la jeunesse du parti présidentielle, le Rassemblement pour le Mali (RPM) a été hissé au perchoir. Dans la tradition républicaine et du régime parlementaire, la démission du Premier ministre Boubou Cissé doit suivre dans les jours à venir. Le Président de la République peut accepter de le remplacer ou le reconduire dans ses fonctions de chef du gouvernement et de ministre de l’Economie et des Finances. Dans l’ensemble, de l’élection présidentielle aux élections législatives, au vu des résultats validés – crédibles ou pas – nous ne devons plus nous attendre à aucun changement notoire, ni structurel ni fonctionnel. Aucun ressort miracle n’existe, dans l’ordre normal des dispositifs actuellement en place, permettant d’espérer sur un changement qualitatif immédiat.
Le Président Ibrahim Boubacar Kéita a été confortablement et superbement reconduit, malgré les coups de vacarmes de la part des oppositions désunies et mal organisées. Mieux, à la faveur d’un accord politique de gouvernance exigé par les opposants, le pouvoir s’est renforcé par l’adhésion à cette gouvernance d’une frange radicale de l’opposition. Les élections législatives tenues dans la même ferveur ont ramené une configuration globalement inchangée de l’Assemblée nationale. Si l’Alliance pour la démocratie au Mali- Parti africain pour la Solidarité et la Justice (Adema-PASJ) bouscule l’Union pour la République et la démocratie (URD) pour devenir la deuxième force politique de l’hémicycle, cela ne semble pas gêner outre mesure les camarades de Soumaïla Cissé, qui par ailleurs votent pour élire royalement un jeune du RPM au perchoir.
L’enlèvement du chef de file de l’opposition, le 25 mars dernier pendant qu’il battait campagne dans son cercle natal de Niafunké, son absence depuis 48 jours dans l’arène politique ont commencé à produire des effets irréparables pour l’intégrité du parti à l’hémicycle. Le parti du chef de file de l’opposition est il déjà orphelin au point de donner sa voix au parti majoritaire pour une cause contraire à son éthique ? Des responsables de l’URD et bien des observateurs mettent en cause l’impartialité de la cour constitutionnelle et l’intégrité morale des sages. La cour au détour d’arguties juridiques aura spolié de ses voix, l’URD qui a remporté les élections en Commune V, selon les résultats compilés par l’administration et les procès verbaux des bureaux de vote. Suivant ces résultats, la liste URD-ADEMA- ADP Maliba remporte avec 18 536 voix, soit 50,38% des suffrages exprimés contre celle du RPM-APR qui obtint 18 259 voix soit 49,62% des suffrages. Sur cette dernière liste perdante figure un certain Moussa Timbiné, qui se trouve être le président de la jeunesse du RPM et inconditionnel du Président IBK. Des recours devant la cour constitutionnelle comme dans le cas d’autres circonscriptions totalisant une trentaine de candidats favorables au RPM, ont permis de renverser la tendance en leur faveur, permettant à Moussa Timbiné de revenir en force, lors de ce troisième tour électoral, en l’occurrence les résultats définitifs et sans recours de la cour constitutionnelle, présidée par la toute puissante présidente Manassa Danioko. Celui qui était prédestiné à présider l’Assemblée nationale pouvait-il couler à la cour constitutionnelle ? Mais le soutien des députés de l’URD à leur tombeur en Commune V, pour le choix du titulaire du perchoir augure d’un lendemain controversé et houleux pour le parti du chef de file de l’opposition.
Quant à la gouvernance future du parlement, c’est une gestion patrimoniale du parlement et par ricochet de toutes les institutions qui s’installe désormais. L’Assemblée nationale, la haute cour de justice, le gouvernement, les nominations et les prochaines élections sont en poche de la famille présidentielle. Le Mali va respirer au rythme d’IBK et Famille, et tentera de persuader à ses dépens, quiconque voudra autre chose. Juste après qu’il a été hissé au perchoir, le nouveau président de l’Assemblée nationale a accordé une interview à la presse pour dire ses reconnaissances au Président IBK sans le soutien duquel il ne serait peut être pas réélu comme député, et prétendre au perchoir. C’est d’ailleurs pour respecter le choix d’IBK que le député RPM Mamadou Diarassouba, candidat déclaré, a finalement retiré sa candidature. Et le tout nouveau président de l’Assemblée nationale Moussa Timbiné, dans sa toute première interview accordée à la presse, dit ses reconnaissances à Boua IBK en ces termes : « depuis le décès de mon père, c’est l’une des rares fois où j’ai senti quelqu’un le remplacer… ».
Si c’est l’Assemblée nationale qui donne un sens à la haute Cour de justice et aux affaires devant elle, aux fins de juger les anciens membres du gouvernement, on peut présager d’un échec pour les entreprises de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite. Quelle recette miracle pourrait avoir la Justice dans la lutte contre la corruption, confrontée à d’élégants obstacles légaux ? Le rôle des députés du contrôle de l’action gouvernementale ne sera-t-il pas également à l’aune de la gestion familiale, juste bon pour chasser les sorcières et mieux renforcer les siens. Les nominations vont elles déroger à la règle de l’appartenance ? Les élections ne vont certainement pas être transparentes par un coup de baguette magique, le tripatouillage des voix et l’achat des consciences ont des beaux jours devant eux dans ce pays où la famille RPM a fait main basse sur les postes de décision (nominatifs et électifs) et les ressources. Comment éviter à notre pays les frustrations et les colères des populations, nées de la spoliation des efforts et du mérite, de l’injustice et l’impunité, qui n’ont de moyens d’expressions alternatifs que par la violence, là où la justice est volontairement mise en panne ?
- Daou
Source : Lerepublicainmali