Chronique du Mali : Le dialogue, inclusivement!

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A la guerre asymétrique au nord et au centre vient s’ajouter une guérilla urbaine dont le foyer de tension est la capitale Bamako, qui finissent inéluctablement sous l’arbre à palabres, le dialogue ; ou alors par casser. Et ce n’est dans l’intérêt de personne que ça casse. Mais les prémisses de la fissure sont déjà perceptibles, quand on assiste à ces scènes de guérilla, ces course-poursuites en longueur de nuits entre les Forces spéciales anti-terroristes (FORSAT) et des manifestants, qui coupent la circulation sur les artères de la capitale, s’attaquent souvent à des édifices, quand bien même que les leaders du M5 RFP ont dit à la face du monde, par l’intervention de Mme Sy Kadiatou Sow, lisant et expliquant les 10 commandements de la désobéissance civile, que dans la mise en œuvre de l’opération de désobéissance civile, il faut occuper les services publics de l’Etat, mais « éviter d’entrer dans les bureaux et de toucher aux affaires »« éviter de détruire les biens publics, les propriétés privées, de s’attaquer aux domiciles».

Dès lors qu’il y a eu deux précédents rassemblements les 5 et 19 juin, avant ce 10 juillet, sans casser une ampoule, il ya lieu de s’interroger sur les vraies identités des auteurs de ces forfaits (destruction et pillage). Lors du rassemblement du 10 juillet, c’est un fait que les manifestants ont pris et mis à la disposition des forces de l’ordre, un détenteur d’arme à feu. Il n’y a pas de doute que cet individu n’était pas conforme à l’esprit du M5 RFP. Et ce fait prouve également, s’il en était besoin après les deux précédents rassemblements (les 5 et 19 juin), que les rassemblements n’avaient pas pour but de détruire, mais d’occuper les lieux. Selon des témoins à l’Office de radiodiffusion et télévision du Mali, les manifestants ont occupé ce service pendant au moins trois heures, cohabitant avec les gardes sur place, sans heurt et les images de cette scène d’occupation sans violence existent. Ce n’est qu’avec l’arrivée en trombe des Forsats pour déguerpir les manifestants, que la tranquillité ambiante a fait place à la violence avec son cortège de destruction des biens dans la cour de l’ORTM.

Cependant l’hypothèse selon laquelle les tenants du pouvoir peuvent infiltrer la manifestation n’est pas à exclure selon certains, toutefois difficile à démontrer.

Et c’est à juste titre que le Président IBK dans son adresse à la nation le 11 juillet, prévoit l’ouverture d’une enquête : « Nous avons suivi, tous, et déploré ce qui s’est passé hier dans notre pays, en particulier dans la capitale, Bamako. Des actes de vandalisme à nul autre pareil ! Le saccage de l’Assemblée nationale ! L’occupation de l’Office de Radiodiffusion-Télévision Nationale du Mali ! Le pillage des biens d’honnêtes citoyens ! Les voitures incendiées d’agents du service public ! Et plus grave, dans des circonstances qui seront élucidées, inchallah, par une enquête : des pertes en vies humaines, des blessés ! ». IBK maintient sa main tendue pour le dialogue : « … notre culture qui rejette l’excès, pour lui préférer la tolérance, l’amour, l’écoute, le partage. Donc accepter de se parler et se donner la chance de se comprendre ! ».

En tout état de cause, ce dialogue doit avoir un caractère inclusif à tout point de vue, et bannir du discours ce qualificatif inopportun de « casseurs et pilleurs », qu’on doit éviter de coller aux membres du F5 FPR, au risque de passer à côté d’une offre réelle de dialogue.

Désobéissance civile en question

Constitutionnelle ou pas, là n’est plus la question, mais il s’agit maintenant de gérer les conséquences des débordements de la désobéissance civile, un excès certes inattendu par les organisateurs de la manifestation, si l’on s’en tient à leurs déclarations au départ des 10 commandements. Le président du Congrès national d’Initiative démocratique (CNID FYT), Me Mountaga Tall, ancien président du Comité national d’Initiative démocratique (Cnid, première association politique créée en octobre 1990 contre la dictature militaire et du parti unique UDPM), s’est assumé entièrement, et il ne peut en être autrement pour les autres responsables du M5 RFP. « Interpellé avec Choguel Maïga, dans l’après midi du samedi 11 juillet, et après une longue audition au cours de laquelle j’ai assumé ‘’les 10 commandements de la désobéissance civile’’, mon rôle et ma place au M5 RFP, malgré mon refus catégorique de partir sans mes camarades, j’ai été ‘’expulsé manu militari’’ à 23 heures, du Camp I sur protestation énergique du Bâtonnier. La lutte continue », nous a confié Me Mountaga Tall.

Dans une déclaration déposée notre rédaction en date du 12 juillet, le parti pour la renaissance nationale (Parena), parti au pouvoir dans le gouvernement sortant, hausse le ton et condamne. « Très inquiet de la dégradation de la situation politique, le PARENA exprime sa vive préoccupation devant les violences qui ont entrainé pertes en vies humaines, destructions d’édifices publics, pillages et saccages de biens publics et privés. Il condamne l’usage excessif de la force et les tirs à balles réelles contre des manifestants ». Le PARENA déplore « le détournement des missions de la Force Spéciale anti-terroriste (FORSAT). Il regrette également les débordements de la manifestation du 10 juillet ayant conduit à l’occupation de la cour et des studios de la radio et de la télévision publiques ainsi que le sac des bureaux de l’Assemblée Nationale. Il les condamne ». Inquiet de la tournure prise par les événements, « le PARENA recommande : 1. La libération des leaders de la contestation interpellés les 10 et 11 juillet ; 2. L’ouverture immédiate d’un dialogue avec le M5-RFP pour négocier une sortie de crise en vue du retour à la stabilité et de la conduite, dans le consensus, des  réformes politiques et institutionnelles ; 3. Le retrait immédiat de la FORSAT du dispositif de maintien de l’ordre ; 4. L’ouverture d’une enquête indépendante pour situer la responsabilité des morts et des violences des 10 et 11 juillet ; 5. Suite à la dissolution de fait de la cour constitutionnelle, la nomination de neuf nouveaux juges par le président de la République ».

On s’interroge sur l’issue de cette situation incertaine à Bamako. La détermination est intacte chez les membres du M5 RFP malgré les appels de l’Imam Mahmoud Dicko au calme. Le leader et l’autorité morale du M5 RFP souhaite la paix, mais demeure exigeant sur l’instauration de la démocratie et la bonne gouvernance. Ce sera donc l’impasse de compter imposer la paix et la tranquillité en utilisant contre les manifestants, les Forsats dédiées à la lutte anti-terroriste. Sans conteste s’allonge le rang des pauvres, des victimes du régime et des mécontents. La solution ne réside pas dans les tueries qui ne font que radicaliser les positions contre le régime.

B. Daou

Source : Maliweb.net

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