L’Union nationale des Travailleurs du Mali (UNTM), en plus de la défense des intérêts physiques et moraux des travailleurs, est un mastodonte politique, devant lequel un adversaire peut difficilement résister. Historiquement, une machine lourde, lente dans sa mise en train, et ne marche généralement pas pour s’arrêter avant d’atteindre le but pour lequel elle lance son plein régime. Au risque pour le vis-à-vis de se plier comme moindre effet, et de se faire broyer au pire. Des exemples de sorties à pas de titan de l’UNTM font légion, rien qu’à penser aux différents protocoles d’accord signés pour désamorcer les désaccords entre les travailleurs d’une part, les patrons et le gouvernement. D’autre part.
La signature d’accord pour éviter ou mettre fin à une grève peut se révéler le moindre mal, quand on sait que l’historique centrale syndicale a largement contribué en 1991 à la chute du régime du parti unique UDPM, en y assenant le coup de grâce par l’observation d’une grève illimitée.
La centrale unique de l’époque UNTM, était entrée en scène sous la direction de Bakary Karambé, de Boïssé Traoré, de Tibou Telly et autres leaders syndicalistes, aux côtés des associations et organisations politiques (le CNID Faso Danbé, l’Adema, l’AJDP, la JLD, l’ADIDE, l’AEEM, le Barreau malien …), créant les conditions pour l’organisation d’apporter sa contribution à une lutte fatale pour le régime en place. L’UNTM a ce titre avait siégé au sein du Comité de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP), aux côtés de ses camarades de lutte. On sait que pour le renversement du régime décrié d’IBK, l’UNTM n’a rien fait. Malgré la galère mortelle dans laquelle les enseignants portant la revendication de l’article 39 du statut particulier des enseignants s’étaient plongés. Pourquoi l’UNTM est-elle restée sourde au gémissement des enseignants grévistes ? Certains ont pu parler de deal entre le régime IBK et le secrétaire général de la puissante centrale, le douanier Yacouba Katilé. Ce dernier aurait été intéressé à voir son épouse, malheureuse candidate aux élections législatives, siéger dans le gouvernement IBK. Vrai ou faux ? Difficile de savoir le sexe des anges. Et pourquoi ce brusque réveil de la centrale alors que le pouvoir de transition vient juste de donner satisfaction à l’application de l’article 39 des enseignants ? L’UNTM semble plus tenir à jouer un rôle politique en imposant sa participation au Conseil national de la Transition (CNT) plus qu’à défendre les intérêts matériels et moraux des travailleurs.
Ce brusque réveil de l’UNTM s’expliquerait selon d’autres par le fait la levée de boucliers contre le pouvoir de transition, notamment le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) et le président de la transition, à travers son décret sur la composition du CNT, est majoritairement marquée par des acteurs de l’ex régime IBK, membres de la majorité présidentiel et alliés. Si l’on s’en tient aux déclarations, ils feront boire au pouvoir de transition, le calice de leur maladresse jusqu’à la lie, d’avoir voulu faire la politique sans les hommes politiques. Cette maladresse a commencé en mettant hors-jeu les acteurs du Mouvement du 5 Juin –Rassemblement des forces patriotiques (M5 RFP), ceux qui devraient être leurs alliés naturels. Exposé sans défense politique, le pouvoir de transition est presqu’à la merci à la fois des tenants de l’ancien régime IBK et alliés, et des acteurs du M5 RFP. Confirmant leur aveu inaugurale qui les amena à dire « nous allons partir parce que la politique n’est pas notre affaire », les militaires en essayant de rester un peu, finiront par pousser leurs deux adversaires, M5 RFP et anciens régime et alliés, les uns dans les bras des autres, dans « je t’aime, walahi moi non plus dè! ».
Cette erreur pourrait lui être fatale si le mastodonte UNTM mettait ses forces dans la balance, plus pour donner un coup de pouce politique que s’engager pour la défense pure des travailleurs. On pourrait rétorquer que la défense de l’équilibre démocratique est une défense des travailleurs, et même une défense de l’intérêt général national. Mais face à des élections présidentielle, puis législatives tripatouillées, truquées, avec des tueries à balles réelles, qu’a fait la puissante centrale UNTM de Yacouba Katilé? Idem lorsque l’opposition engageait le bras de fer contre le régime IBK pour défendre au risque de leur vie, la constitution du Mali de 1992, quelle a été la contribution de l’UNTM ? Quel est le deal avec le pouvoir IBK, et le défunt pouvoir IBK ?
Cependant devons-nous jamais oublier que nous vivons un État du Mali doublement anormal ; grabataire du fait de l’insécurité prolongée depuis près d’une décennie, et les conséquences politiques cumulées de deux coups d’État successifs du 22 mars 2012 et du 18 aout 2020. Les crises sécuritaires et sociopolitiques qui n’ont connu qu’une courbe ascendante sous le régime élu du président Ibrahim Boubacar Kéita, ont entrainé le pays lentement et inexorablement vers un renversement militaire bizarre du pouvoir, où le président dit démissionner volontairement, et l’Assemblée nationale dissoute par lui et non par les putschistes, et où ces derniers laissent intacte la constitution. Comment dénicher le fil d’Ariane pour s’unir au chevet de notre seul Mali à tous et dont personne n’est plus proche qu’un autre. Allons-nous continuer de ressasser « s’unir ou périr ! », sans vraiment y accéder ? La lutte politique sans conscience, qu’il s’agisse de civils ou de militaires, c’est pourquoi faire, quand il n’y aura plus de territoire et de population réellement acquise ?
B. Daou
Source : Le Républicain