Amadou Toumani Touré, décédé il y a quelques mois, avait dit une fois avant d’être président en 2002, qu’il faudrait « être fou pour diriger le Mali ». Depuis, les Maliens, qui ne semblent pourtant pas posséder une mémoire d’éléphant, ont pu compter les éminents candidats à la « folie » présidentielle. ATT, lui-même s’y était essayé deux fois, avec un succès et demi– son deuxième mandat ayant été bouclé par un coup d’Etat pareil à celui qui, sept ans plus tard, en août 2019, a entrainé le colonel à la retraite Bah N’daw à Koulouba, à l’occasion d’une transition devant tourner la page du règne tumultueux de Ibrahim Boubacar Keita, élu président en 2013, et réélu en 2018.
C’est un Mali ruiné pratiquement sur tous les plans que le président IBK a laissé à ses concitoyens, chassé par une petite bande de colonels copains. Ces derniers, applaudis au début de leur prise de pouvoir censée avoir couronné l’insurrection populaire conduite par le M5-RFP, ont plusieurs fois changé de discours et d’attitude, pour finalement, sous la pression notamment de la CEDEAO, désigner Bah N’daw comme président de cette transition de dix-huit mois.
Or, les atermoiements, les nominations en catimini, et une multitude de décisions et d’actions ambiguës ou litigieuses, dont la mise en place du Comité national de transition, ont jeté du doute sur les vraies intentions de la junte issue du putsch du 18 août 2019. Comme à leur habitude, les Maliens se sont mis à murmurer, à spéculer, rivalisant d’imagination pour prédire l’issue de la transition selon des scénarios plus cocasses les uns que les autres.
C’est dans ce contexte, et sans doute en réponse aux interrogations des Maliens, que le président Bah N’daw a, lors de son discours du nouvel an, martelé ceci : la transition ne durera que le délai imparti, au bout quel des élections proprement organisées donneront les clés de Koulouba à un président élu sans bricolage. Dont acte ! Bah N’daw est Bobo et il est militaire de surcroit.
Il ne reste donc plus aux politiciens – et politiciennes– ambitieux que de préparer les élections, et de s’y préparer, de manière régulière. Et, c’est ainsi que sans leur demander un sou, je prends les devants, le plus tôt est le mieux, en leur traçant le programme pouvant les mener à Koulouba sans détour.
Les grands problèmes du Mali sont connus de tous : dans l’ordre, selon moi, l’insécurité, la crise de l’école, la médiocrité des infrastructures de santé…
Cela ne vous aurait peut-être pas échappé : ici, point de lutte contre la corruption ! Bien que la corruption menace l’ensemble des piliers l’édifice national, je l’ai délibérément exclue de l’agenda des présidents potentiels parce qu’un grand de mes compatriotes la décrient tout en n’hésitant pas à en profiter eux-mêmes.
Notons au passage que la vocation de ce « papier » n’est point d’analyser les problèmes à résoudre, des experts l’ont mille fois fait. Il faudrait ici dire comment donc ramener la paix, réparer l’école et les centres de santé.
Sur la question de la sécurité, faisons confiance à notre grand allié, la France, à l’expertise acquise en matière de lutte contre le terrorisme : Barkhane, avec son Takuba, va s’occuper de nous, de tout ; les FAMa et la Minusma vont bien sûr continuer à apporter le supplément d’efforts. Là aussi, comme pour la corruption, il faudrait parier sur le temps, alors que les mandats présidentiels au Mali sont souvent courts…
A côté de ces « problématiques » complexes et …multidimensionnels, comme disent les experts, il y a l’école et la santé, qui, elles, sont à la portée de tout président malien. Oui, tout président malien pourrait régler les problèmes de l’éducation scolaire, redresser le système de santé. Et ce n’est pas compliqué : il faudrait juste de « la volonté politique » — un terme que je déteste car c’est comme l’arbre qui cache la forêt. Mais ici, cela signifie un engagement de fond, et un comportement de rupture par rapports aux apparences et aux décisions populistes et superficielles vendues à leur peuple par nos dirigeants.
Pour réparer l’école, les candidats à la présidence du Mali doivent s’engager à scolariser tous leurs enfants dans des écoles maliennes, des écoles publiques maliennes, du jardin d’enfants à la fin des études universitaires. Dans des écoles publiques ! Sur ce point, des amis ont trouvé que « j’exagère », qu’il faudrait laisser à nos gouvernants la possibilité d’inscrire leurs enfants dans des écoles privées maliennes. Non ! je maintiens mon idée. Celui qui veut gouverner les Maliens doit montrer qu’il les comprend, qu’il est prêt, en retour de l’honneur reçu, de sacrifier certains privilèges pour se mettre au niveau de son peuple. Ainsi, le président de la République et tous les membres du Gouvernement, toutes les personnes occupant certains niveaux de responsabilités (à déterminer), tous les élus, doivent inscrire tous leurs enfants dans les écoles publiques pour prouver qu’ils aiment véritablement le Mali et être ainsi obligés de redresser le système scolaire.
Je précise ici que les écoles privées pourraient continuer à exister et que des particuliers et même des riches personnes pourraient continuer à envoyer leurs enfants ; les hauts responsables gouvernementaux, non ! Car comment prétendre vouloir assurer une éducation de qualité aux enfants maliens alors que les programmes scolaires conçus sont exclusivement destinés à ceux issus des couches sociales les moins aisées, pour ne pas dire clairement aux plus pauvres ? Ce qui est inacceptable, injuste dans la mesure où les ministres de l’Education sont des ministres « maliens ». Avoir les enfants des hauts responsables du régime en place, et de l’Etat en général, est la meilleure garantie de voir les ministres chargés de l’Education, ou de l’Enseignement, veiller à la bonne gestion des écoles publiques. Il ne serait jamais accepté qu’un cuisinier serve un plat que lui-même ne pourrait manger.
En plus, même au cas où leurs enfants échoueraient, comme des milliers d’enfants maliens d’ailleurs, les dirigeants du « nouveau Mali » pourraient se consoler d’avoir quand même laissé à leur progéniture le titre hérité des années au pouvoir.
Bref, vous l’aurez compris, il faudrait que ceux qui aspirent à gouverner le Mali passent le test du patriotisme, un patriotisme avéré dans les faits, et non pas chanté dans la rhétorique hypocrite habituelle.
Tout ce qui précède n’exclut pas que les enfants de dirigeants puissent bénéficier d’une bourse d’études à l’étranger dans les mêmes conditions que tous les fils et filles du Mali.
Pour ce qui est de la réforme du système de la santé, il faudrait simplement y appliquer la même recette : engager tous les dirigeants du pays, le président malien en tête, à se soigner dans les centres de santé publics– aux gouvernants de définir les modalités de la révolution.
Cela dit, il n’est pas difficile d’imaginer les levers de boucliers et même quelques indignations en réaction à ces propositions sans frais, faites de bonne foi pour relever le Mali pour toujours. Il ne serait même étonnant que les premiers et les plus réticents à accepter ces programmes soient probablement ceux à qui le changement devrait profiter, c’est-à-dire « les masses » de Maliens anonymes.
Mais, je persiste et signe ! La gloire demande une rançon. Ce programme pourrait même être exporté ailleurs en Afrique, car aussi bien sur le plan politique et civique qu’en termes purement économiques, le « consommer ce que nous produisons » marquerait un tournant dans la marche vers le développement. Les frais de scolarités et les factures médicales des dirigeants africains et familles, sans même y ajouter les dépenses touristiques, ce sont des milliards de devises étrangères encaissés en Afrique, en Amérique et de plus en plus en Asie.
Il faudrait mettre fin à cela, et ce sont les responsables politiques, à commencer, puisqu’on en est en Afrique, par le chef de l’Etat, qui doivent s’y engager. En l’occurrence, le futur président du Mali, celui à qui Bah N’daw remettra les commandes en 2022, comme promis. Ce serait seulement au prix de cette révolution sans coup férir que le « nouveau Mali » passera de slogan médiatique à réalité tangible.
Nsoumana Hammado
Source : Le Républicain