La MINUSMA a publié le jeudi 8 aout, son rapport d’enquête spéciale sur les atteintes sérieuses aux droits de l’homme commises le 9 juin 2019 dans le village de Sobane Da, à la frontière des cercles de Bandiagara et Koro, dans la région de Mopti. La mission d’enquête spéciale a été déployée du 10 au 14 juin 2019 afin d’établir les faits, les circonstances et l’ampleur de l’attaque et de contribuer à l’enquête judiciaire en cours menée par les autorités maliennes.
Au terme de l’enquête, la MINUSMA a conclu que le dimanche 9 juin 2019, de 17h à minuit, un groupe composé d’une trentaine d’individus armés, identifiés par des témoins comme un rassemblement de jeunes de la communauté peule venant des villages avoisinants, a attaqué le village de Sobane Da.
L’enquête a permis d’établir qu’au moins 35 personnes membres de la communauté dogon, dont 22 enfants âgés de 1 an à 12 ans (11 filles et 11 garçons), auraient été tuées lors de l’attaque. Trente-deux victimes auraient été brûlées ou asphyxiées à l’intérieur d’habitations et au moins trois personnes auraient été tuées par balle. Les restes de corps calcinés ont également été retrouvés le lendemain de l’attaque mais l’enquête n’a pu les identifier. De plus, neuf blessés, dont six gravement brûlés, ont été évacués à l’hôpital de Sévaré avec l’appui du Centre de santé de référence de Bandiagara.
En outre, 40% des bâtiments du village ont été incendiés, soit 23 habitations et 27 greniers, ainsi que de nombreux enclos et Toguna (« cases à palabres »). La case du chef du village a été épargnée, tout comme l’église du village et de nombreuses maisons affichant des croix. Au terme de l’enquête, aucune indication n’a permis de démontrer que l’attaque avait été menée pour des motifs religieux.
Au moins 289 villageois ont réussi à fuir Sobane Da et trouvé refuge dans les villages avoisinants de Koundou ; à environ 10 km au nord-ouest de Sobane Da et Sorou, à environ 4 km au sud, où ils se trouveraient encore aujourd’hui.
Les actes documentés, en particulier les meurtres, les blessures, les destructions et le déplacement de populations, constituent des atteintes sérieuses au regard du droit international des droits de l’homme. S’ils étaient jugés devant un tribunal national compétent, ces actes pourraient également constituer des crimes au regard du droit pénal malien. A cet égard, la MINUSMA note avec satisfaction l’ouverture immédiate d’une enquête par le Pôle judiciaire spécialisé et continuera de fournir son appui aux autorités maliennes pour s’assurer que les auteurs de ces crimes soient punis.
«La réponse au sentiment d’impunité largement partagé dans la zone, est dans une justice prompte et efficace, mais aussi dans l’application des mesures concrètes concernant le désarmement des milices et autres éléments armés. La condamnation des auteurs de ces crimes odieux est une condition sine qua non de la voie du retour à la paix et du vivre-ensemble dans le centre du Mali », a déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général au Mali et Chef de la MINUSMA, Mahamat Saleh Annadif.
La gravité de l’attaque perpétrée à l’encontre de Sobane Da, marquée par la mort d’au moins 22 enfants et six femmes, contribue à un cycle de violence déjà bien ancré dans la zone. Depuis l’attaque du 9 juin, la Division des droits de l’homme et de la protection a documenté 16 incidents attribués à des groupes armés sur fondement communautaire dans les environs de Koro et Bandiagara. La MINUSMA est d’autant plus préoccupée par les diverses incitations à la haine et à la violence lancées suite à l’attaque de Sobane Da.
« Tout appel à la haine ou incitation à la violence est prohibé par le droit international, en particulier par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont le Mali est signataire. J’exhorte ainsi les autorités maliennes à condamner publiquement de tels actes de manière systématique et à prendre toutes les mesures nécessaires pour tenir les auteurs responsables », a conclu Mahamat Saleh Annadif.
La Rédaction
Source: L’Evènement