Depuis la confirmation de ses premiers cas, le 25 mars 2020, le Mali est entré dans la phase de riposte contre le coronavirus. État d’urgence sanitaire, couvre-feu et gestes barrières, les mesures de prévention pour éviter la propagation de la maladie se multiplient. Car si les mesures sanitaires se mettent en place parallèlement pour la prise en charge des cas, face à la menace mondiale que constitue cette pandémie et eu égard à la faiblesse de notre système sanitaire, la prévention est la principale arme de lutte contre le Covid-19.
L’annonce des premiers cas de Covid-19 sur le territoire malien a eu raison de l’espoir, il faut dire peu rationnel, qu’avaient certains de garder notre pays indemne de la menace planétaire. Désormais, plus de place pour les suppositions et les incertitudes. « Nous avons résisté le temps qu’il fallait », déclarait le Professeur Akory Ag Iknane, Directeur de l’Institut national de la santé (INSP) et Coordinateur national de la lutte contre le Covid-19 sur l’ORTM 1 le 26 mars 2020.
Alerté par l’Organisation mondiale de la santé, « le Mali, depuis le 2 janvier 2020, a réactivé son système de surveillance, au niveau des frontières en particulier, en essayant de contrer l’épidémie ». Une mesure qui n’empêchera pas le pays d’enregistrer ces premiers cas, dont trois « importés », selon le terme consacré, sur quatre.
Le virus, qui se propage de façon exponentielle, avait contaminé à la date du 31 mars 2020 28 personnes, selon le ministère de la Santé. 2 décès ont été enregistrés et 554 personnes contacts identifiées.
Psychose
Même si les autorités sanitaires recommandent à la population de rester sereine face à la pandémie, difficile de garder la tête froide pour la plupart des personnes, surtout dans les zones atteintes, surtout celles qui sont en contact avec le public.
« Il y a une grande psychose ici », déclare M. Mamadou Coulibaly, Coordinateur régional de la société civile à Kayes, membre du Comité régional de gestion de la pandémie dirigé par le Gouverneur de région. Pour cet acteur de la société civile, l’heure est à la campagne de sensibilisation pour le respect strict des gestes barrières, conformément aux prescriptions des autorités. Et, pour ce faire, ce sont les radios de proximité qui ont été privilégiées pour véhiculer les messages de sensibilisation. Mais avec une population en majorité non instruite et ne pouvant pas utiliser le numéro vert, l’information est souvent remontée de bouche à oreille.
Dans ce contexte où les suspicions des uns rencontrent les réticences des autres, il n’est pas rare de constater des incidents, comme celui enregistré il ya quelques jours dans le cercle de Kayes, quand un homme soupçonné par ses voisins d’être malade a été contraint par ces derniers d’aller au Centre de santé. Face à son refus, les forces de l’ordre sont intervenues. L’homme sera finalement testé négatif et l’incident sera clos. Désormais, les 2 familles protagonistes se regardent en chiens de faïence, déplore M. Fofana, correspondant régional de Studio Tamani à Kayes.
Dans les rencontres formelles, les gestes barrières sont respectés, mais dans la vie quotidienne difficile d’envisager ces mesures, avec « des marchés bondés et des lieux du culte musulmans qui continuent d’être fréquentés », explique M. Coulibaly. À cela s’ajoute la spéculation organisée, qui fait monter « de façon exponentielle les prix des équipements » et la pénurie, qui pousse les populations à s’approvisionner sur « un marché noir où on vend toute sorte de gels », déplore M. Coulibaly. Ce qui ne fait « qu’ajouter à la psychose ». Pour un masque que l’on pouvait se procurer à 500 francs CFA, il faut désormais débourser la somme de 2 000 francs.
Difficile respect des mesures barrières
Dans cette lutte enclenchée contre le Covid-19, « la prévention est l’élément-clé », rappelle le Coordinateur national. Parce « qu’un porteur a la capacité de transmettre le germe en un mois à 406 personnes. Par contre, si l’on respecte les mesures barrières, on peut réduire le risque à 5 personnes », précise le Professeur Ag Iknane, le lavage des mains au savon pouvant à lui seul réduire de 60% le risque de transmission. Il est essentiel que les populations adoptent comme un réflexe ces gestes, pour se protéger et protéger leur entourage.
Réservé aux cas suspects et aux personnes contacts ayant développé des signes, le test n’est pas accessible à grande échelle au Mali. « Un luxe » que le pays ne peut s’offrir, préviennent les autorités sanitaires. Le défi est donc de « bloquer la transmission ». C’est pourquoi, malgré « la fermeture » de nos frontières, qui restent poreuses, « il faut être vigilants ». Une vigilance et une responsabilité individuelles et collectives sur lesquelles misent les autorités pour rendre ces mesures efficaces.
En effet, les personnes contacts sont mises en auto isolement durant 14 jours. Une mesure indispensable, destinée à identifier rapidement les cas suspects. Des personnes, dont la liste peut s’avérer très longue, compte tenu de notre contexte social.
Mais les mesures barrières, comme la fermeture des frontières, sont néanmoins importantes, parce qu’elles permettent d’éviter « d’essaimer la maladie » et de rallonger le délai d’incubation. Le couvre-feu en vigueur entre 21 heures et 5 heures du matin, même s’il paraît insuffisant, permet de réduire « au moins durant une période la transmission ».
La non fermeture des marchés et la poursuite des rassemblements, notamment dans les mosquées, continuent pourtant de susciter l’inquiétude face à la progression de la pandémie.
Solidarité internationale
L’apparition du Covid-19 a mis à l’épreuve les plus grands systèmes sanitaires. Son ampleur et sa propagation ont convaincu de la nécessité d’une solidarité, surtout pour les systèmes les plus fragiles. Si plusieurs sites de prise en charge existent à Bamako, à l’intérieur du pays les hôpitaux régionaux restent les seules structures de référence, dont les capacités pourraient être rapidement dépassées en cas de propagation de la pandémie. À Kayes, où 2 cas ont déjà été pris en charge, l’hôpital compte un infectiologue et la structure attend des équipements pour le personnel sanitaire. Des besoins similaires dans plusieurs autres structures.
Présente au Mali, où elle a effectué ses premières missions dans les années 1980, l’ONG Médecins sans frontières (MSF) et ses 3 sections (MSF France, Espagne, Belgique) a des projets depuis 2009 un peu partout sur le territoire. Avant même l’apparition de la pandémie, elle avait prévu diverses activités IPC (Infection, Prévention, Contrôle) dans les hôpitaux, où elle appuie les services de l’État. Des activités renforcées dans les structures d’intervention, afin « que le staff soit bien protégé et prenne en charge les malades du Covid-19 mais aussi tous les autres », explique le Docteur Idrissa Ouédraogo, Coordinateur médical au Mali. Ces activités de protection concernent aussi les simples usagers.
L’épidémie de fièvre Congo-Crimée qui s’était déclarée à Mopti en février 2020 avait sonné l’alerte et permis à MSF de prévoir des sites d’isolement dans les structures de soins où elle est présente. Les équipes ont été dotées des équipements adaptés pour faire face aux menaces.
À Bamako, l’ONG appuie l’équipe de prise en charge de l’Hôpital du Point G et prévoit notamment « un renforcement des équipes et l’élargissement du centre de prise en charge», en collaboration avec le ministère.
Face à « l’évolution très dynamique des besoins non satisfaits », aucun pays, ni aucune organisation ne peut faire face seul. Il faut donc « la main de tout le monde », suggère le Dr Ouédraogo.
Les défis restent importants, car il s’agit de « couper la chaîne de transmission ». Si à Bamako, 6 centres de prise en charge sont prévus, à l’intérieur du pays les besoins restent énormes face au risque d’expansion.
Fatoumata Maguiraga
Repères :
2 Janvier 2020 : Réactivation du système de surveillance des épidémies
25 mars 2020 : Apparition des 2 premiers cas au Mali
26 mars 2020 : Début du couvre-feu
Numéro vert : 36061
Numéro vert Centre d’appel spécialisé : 195
Source : Journal du Mali