Coup d’état du 18 août 2020 : IBK libéré, Karim en fuite: parachèvement de l’œuvre patriotique ou protection de la famille présidentielle ?

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Des soldats maliens se dirigent vers la place de l'Indépendance à Bamako, ce mardi 18 août 2020
Des soldats maliens se dirigent vers la place de l'Indépendance à Bamako, ce mardi 18 août 2020

Le parachèvement de la lutte héroïque du peuple malien, annoncé par les forces armées du Mali au lendemain de leur intervention dans l’arène politique le mardi 18 août dernier, ne semble plus porter son nom, mais celui d’un soutien déguisé à l’ancien président pour une retraite dorée. Avec les libérations des anciens dignitaires, les vraies intentions des auteurs du coup d’État se précisent de jour en jour et vont désormais à l’encontre des intérêts supérieurs de la nation malienne.

Sans poursuite judiciaire, l’ancien président, Ibrahim Boubacar Keïta dit IBK a été libéré, jeudi le 27 août 2020, et a regagné sous bonne escorte son domicile dans le quartier populaire de Sébénicoro et cela à la surprise générale des Maliens. Un jour après, l’opinion publique malienne médusée apprend sur les antennes d’une radio étrangère que son fils, Karim Keïta, par la route, a trouvé refuge en Côte d’Ivoire. Et dès lors, des doutes persistent sur les intentions réelles des militaires du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) quant à leur volonté du parachèvement de l’œuvre patriotique du peuple malien qui, à travers manifestations organisées  par le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces patriotiques (M5- RFP), avait, pour la sécurité et la stabilité du Mali, demandé la démission pure et simple du président IBK.

Ces deux (02) événements, qui continuent d’alimenter les débats un peu partout au Mali, sont diversement appréciés par les uns et les autres. Si Samba Traoré, informaticien dans une société de la place, parle d’un coup de poignard dans le dos du vaillant peuple malien dont la victoire est en passe d’être confisquée par ceux-là même qui déclarent parachever son travail; Adama Maïga, enseignant dans une université privée à l’ACI, qualifie la libération d’IBK d’insulte à la mémoire des victimes de la manifestation du 11 août (23 morts et plus de 100 blessés). Par contre, du côté de l’ancienne majorité présidentielle, les partisans d’IBK se félicitent de sa libération et pensent qu’elle va participer à la décrispation de la situation politique.

Ainsi la libération sans conditions de l’ancien chef de l’État est perçue comme le signe de lui accorder une retraite dorée et une protection du CNSP. Si tel est le cas, les auteurs du parachèvement de l’œuvre patriotique sont en porte-à-faux avec leur première déclaration dans laquelle ils disent contribuer au redressement du Mali avec des femmes et des hommes dont le patriotisme, l’intégrité, la probité morale ne souffrent d’aucun doute. Et qui n’ont nullement participé au dépeçage du Mali à Sébénicoro. Or il se trouve que le premier responsable de la mauvaise gouvernance dénoncée en son temps par le M5-RFP n’est autre que l’ancien président Keïta qui n’a montré aucune capacité morale et intellectuelle à faire face aux urgences et aux préoccupations de ses compatriotes. Il ne fait aucun doute que la situation dans laquelle le Mali se trouve aujourd’hui est imputable à la gestion de la famille présidentielle avec à sa tête IBK.

Pour cela, il est responsable durant ses sept ans de présidence de l’aggravation des crises et des maux qui minent notre pays: assassinats des populations civiles et incendies de leurs villages dans la région de Mopti, achat de l’équipement militaire obsolète dont les conséquences sont les morts enregistrés dans les rangs des Forces de défense et de sécurité (FDS), mort de l’école, signature de l’accord d’Alger qui contient les germes de la partition du Mali, népotisme, corruption, affairisme, accaparement des terres des paysans.

L’ancien président IBK a été aidé dans cette sale besogne par les membres de sa famille qui ne juraient que par l’argent facile. À commencer par son fils, Karim Keïta en fuite. Ils n’ont épargné aucun secteur de la vie économique de notre pays dans leur boulimie de constituer leur oligarchie à l’instar des deux autres anciens présidents de la République: Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré (ATT).

Ainsi, la famille présidentielle, avec l’aide des fonctionnaires véreux et cupides, s’est faite une place au soleil à travers des exonérations, du trafic d’influence. Et aussi, en complicité avec des opérateurs économiques sans dignité et  sans honneur, elle est devenue leader dans les domaines  des carburants, des mines, des transports, des Bâtiments, travaux publics (BTP)…

Élu en 2013 député de la Commune II du district de Bamako et en 2020, Karim Keïta a été choisi par ses collègues pour diriger la Commission de défense et de sécurité de l’Assemblée nationale, devenue désormais la plus prestigieuse des commissions du Parlement malien. Mais sa présidence, en 2020, à ladite commission a été de courte durée. Il jeta l’éponge sous la pression des manifestations du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces patriotiques (M5- RFP) qui réclamaient le départ de son père président de Koulouba. À la tête de cette commission stratégique, le fils du président déchu est parvenu à exercer une influence sur certains officiers de l’armée malienne qui ont vite mordu à l’hameçon du gain facile. Et le tour est joué avec le vote de la Loi de programmation militaire censée procéder à des réformes de notre armée et la doter d’équipements militaires capables de faire face à toutes sortes de menaces.

La Loi de programmation militaire, pour retrouver la fierté d’antan de notre armée, a été dotée de plus de mille milliards de F CFA. Mais hélas ! Au lieu d’écrire la belle de notre armée, elle est devenue le haut de la corruption et de la délinquance financière avec deux gros scandales politico-financiers dans lesquels étaient impliqués les membres de la famille présidentielle : l’affaire de surfacturation des équipements militaires et l’affaire des avions cloués au sol. Et  maintenant Bonjour les dégâts. Cet argent, sorti du Trésor public malien, a été dilapidé en un temps record dans l’achat d’armes datant du Moyen Âge, conduisant nos braves soldats sur les théâtres d’opération à la boucherie.

Karim Keïta et les officiers félons qu’il a aidés à accéder au grade d’officiers généraux sans aucun mérite ont procédé à des surfacturations sur les équipements militaires devenant ainsi des généraux milliardaires et au même moment leurs frères d’armes au front tombaient sous les balles des ennemis du fait de l’achat d’armes d’un autre âge pour sécuriser le pays. Et si cet homme n’est pas arrêté et traduit devant les juridictions compétentes, le combat du peuple malien n’a servi à rien.

La fuite du fils du président Keïta est une mascarade qui ne dit pas son nom. S’il a échappé à l’arrestation, il y a anguille sous roche. Et le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) est interpellé pour faire la lumière sur cette affaire. L’ancien député de la Commune II et ses ‘‘généraux’’ auront toujours sur leur conscience, s’ils ont un grain d’humain dans leur sang, la mort des soldats engagés au front pour la défense de la patrie, des blessés et des mutilés de guerre.

Et si aucune action judiciaire n’est engagée contre IBK, on parlera aussi de trahison. Donc, il est clair que le coup d’État a été perpétré pour protéger la famille présidentielle aux dépens des intérêts supérieurs de la nation malienne. Ils se sont tous sauvés, les sangsues qui ont pillé notre Trésor public au vu et au su des militaires du CNSP.

À titre de rappel, suite au coup d’État du 26 mars 1991 contre le général Moussa Traoré, tous ceux qui ont été arrêtés et avant que certains ne soient libérés sont passés devant les juges. Mais avec celui du 18 août, on amuse la galerie en libérant IBK qui a déjà ses mains souillées du sang des enfants du Mali. Si on a reproché à Moussa Traoré d’avoir tué les manifestants, IBK aussi est passé par là. Il est accusé de la mort de vingt-trois (23) manifestants, lors de la manifestation des 10, 11 et 12 juillet dernier. Certains même ont été tués dans la même mosquée. Même la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), son protecteur de quelques jours,  a dit de faire la lumière sur les morts de la manifestation des 10, 11 et 12 juillet. Pour cela, il doit répondre de ses actes pour que le combat du peuple malien ne soit pas un vain mot. Sinon, on ne dira pas que l’œuvre du peuple malien a été parachevée mais plutôt on parlera de la protection de la famille d’Ibrahim Boubacar Kéita et des généraux milliardaires qui se sont enrichis sur le dos des militaires morts et blessés.

Yoro SOW

Source : Inter de Bamako

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