Entre ‘’suspendre’’ et ‘’interdire’’, le choix a semblé aisé ; d’autant plus qu’il existe une parfaite synonymie entre les deux termes. Il l’a été également, dans la mesure où l’un paraît moins contraignant que l’autre. Alors le Gouvernement de la République du Mali, dans sa gestion de la crise du coronavirus, a fait le choix moins risqué, dans un premier temps, de ‘’suspendre’’ les regroupements.
Plus tard, dans le Communiqué de la session extraordinaire du conseil supérieur de la défense nationale du 17 mars 2020, dont l’ordre du jour unique a porté sur les mesures relatives à la Pandémie du coronavirus au Mali, il alterne ‘’suspendre’’ et ‘’interdire’’ avec des omissions politiquement stratégiques.
Ainsi, si la mesure n°3 est : ‘’la SUSPENSION jusqu’à nouvel ordre, de tous les regroupements publics y compris les ateliers, les colloques, les séminaires, les meetings populaires’’ ; la mesure n° 4 porte, elle, sur ‘’l’INTERDICTION jusqu’à nouvel ordre, des regroupements à caractère social, sportif, culturel et politique de plus de cinquante (50) personnes, sous réserve du respect des gestes-barrières. Il s’agit des mariages, des baptêmes, des funérailles’’. Le hic dans cette mesure n°4, c’est au niveau de l’énumération, du moins la spécification des événements concernés. En effet, si les regroupements à caractère politique sont mentionnés dans la phrase précédente, dans la dernière (celle qui détaille), ces regroupements disparaissent comme par enchantement. Or il se trouve qu’au moment de l’édiction de ces mesures de sécurité sanitaire, le Mali était de plain-pied dans la campagne électorale en vue des législatives maintenues à la date annoncée. Les candidats qui n’en demandaient pas mieux s’engouffrent dans cette brèche et multiplient les regroupements.
Néanmoins, quelques-uns d’entre eux, rompus dans l’art de transformer les situations les plus délicates en opportunité, consacrent une partie de leur temps de campagne à la sensibilisation sur la crise du coronavirus. Ceux-là mériteraient peut-être une plage de félicitations, même s’ils sont davantage mus par les dividendes politiques de leur ‘’altruisme’’ que par la santé de la population.
Il y a des questions qui se posent.
Les autorités nationales ont-elles manqué du courage nécessaire ? En tout cas elles slaloment entre les termes. Pis, elles interdisent sans annoncer des sanctions à infliger aux contrevenants. Or, c’est connu qu’interdiction va de pair avec sanction ; sinon à quoi bon ? En appeler au ‘’civisme collectif’’ ? Cela ressemblerait à battre la breloque dans un contexte d’incivisme caractérisé.
Est-on dans un marché de dupes ? D’évidence les décideurs (politiques) ont laissé un vide permettant aux candidats (politiques) de battre campagne sans véritable contrainte.
Une certitude : le scrutin de ce 29 mars sera fortement infecté par le Covid-19.
PAR BERTIN DAKOUO
Source : Info-Matin