La transcription du dernier prêche du chérif de Nioro marque une vraie rupture dans sa relation avec IBK. Comme dans toute séparation, Bouyé visse le bonnet de l’ingrat sur le crâne de Boua qui n’a eu ni la reconnaissance du ventre pour les nombreuses libéralités que le marabout lui a faites en temps de crise financière, ni la gratitude envers celui qui l’a sorti de mauvais pas à chaque fois que la trappe de ses adversaires a failli se refermer sur lui. Mais on connaît un rayon du ressentiment et de la colère du chérif contre “Ibrahim” et sa famille.
Mais ce que l’on découvre de surprenant et même de stupéfiant, c’est l’activisme débridé de Manassa Danioko pour accéder à la présidence de la Cour constitutionnelle, en allant faire des génuflexions à Nioro avant d’y retourner après avoir eu gain de cause, selon les mots prêtés au Chérif, avec une enveloppe (financière) pour dire merci. Geste que Bouyé accueillit avec magnanimité en le versant sur le compte du “hadya”, l’obole du fidèle comblé ou en quête de faveurs. On ne résiste pas à l’envie de s’interroger sur ce qui faisait courir Manassa derrière les strapontins de la République à près de 70 bornes et une longue carrière judiciaire couronnée par une retraite dans la diplomatie. Pour une commodité de l’analyse, excluons a priori (nous disons bien a priori) l’appât du gain quand on sait qu’un juge constitutionnel est convenablement salarié mais l’institution n’a ni budget ni caisse noire qui feraient fantasmer un chercheur d’or. Volonté de puissance ? Pour une magistrat, humiliée par le président Moussa Traoré, qui vint supplier à genoux ATT pour rétablir son honneur après le 26 mars 1991, il devrait persister un sentiment de revanche sur l’histoire. Et Manassa ne le sait que trop : celui qui a trop de pouvoir à tendance à en abuser. Et le drame de l’institution depuis 2013, c’est de délibérer jusque sur les questions subalternes. Les collèges précédents ont pu prendre des décisions contestables sur une élection présidentielle mais ne s’abaissaient pas à fausser des résultats des élections législatives ou municipales.
La Cour constitutionnelle sous Manassa est entrée dans du commerce électoral de détail, un appel d’air à toutes les saisines contentieuses fantaisistes dont certaines à la surprise générale trouvèrent une oreille attentive chez les juges. Le vote au Mali est devenu dès lors un exercice aléatoire. Des partenaires de premier plan de notre pays comme l’union européenne l’ont dénoncé sur tous les tons, estimant que la Cour pèse plus que de raison sur les résultats des élections au Mali. Les observateurs l’ont claironné en 2013 et 2018. Ils doivent être tombés de leur chaise à la lecture de l’arrêt de la Cour sur les résultats du second tour des élections législatives du 19 avril 2020. Et comme ces arbitrages ne se font jamais au détriment du pouvoir, la volonté de puissance peut très vite rencontrer la puissance des moyens d’ordre honorifique ou clinquant. Conséquence: personne n’a jamais vu personne de la Cour prise la main dans le sac ou le sac dans la main, et pourtant l’institution n’inspire aucun sentiment de probité à quiconque.
Mais ce qui n’est un doute pour personne, c’est l’extraordinaire discrédit que la Cour jette sur la démocratie malienne. Ses admonestations ajoutent au ridicule de la situation. La crise, qui s’amplifie, depuis le scandaleux arrêt du second tour des législatives porte la marque de la Cour et du déni de droit. Le tout n’est pas d’ânonner des articles de la loi constitutionnelle sur un ton menaçant, l’important c’est d’avoir le souci de la République et de la Démocratie. La singularité malienne, qui est en même temps une catastrophe, c’est d’avoir une Cour pyromane qui, en jouant les pompiers, fait plus fort dans le ton répressif qu’un ministère de la Sécurité oubliant que sa respectabilité n’est pas dans la peur qu’elle inspire, mais dans la reconnaissance de l’équité et de l’équilibre de ses jugements.
Bakary Diarra
In Refondation du Mali
Source : L’aube