Crise sécuritaire et administration territoriale : L’Etat a-t-il intérêt à laisser la main aux religieux ?

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Le village de Farabougou
Le village de Farabougou

Dans la perspective de la refondation de l’Etat malien, il urge de s’interroger sur le récent rôle joué par le Haut conseil islamique du Mali (HCIM) dans le retour de la paix à Farabougou et ses environs, dans le cercle de Niono.

Pour freiner un tant soit peu l’extrémisme rampant, faut-il se réjouir de l’implication forte d’organisations religieuses dans le processus de pacification et de sécurisation du pays ? La réponse négative semble s’imposer à nous.

Le blocus de Farabougou, selon des sources concordantes, a été levé, la semaine dernière, grâce à la médiation du Haut conseil islamique du Mali (HCIM). C’est-à-dire qu’il a fallu qu’une délégation de leaders religieux du HCIM vienne supplier des hordes de jihadistes pour que ceux-ci acceptent desserrer l’étau autour de la localité de Farabougou, une partie du territoire national. Ceci, pour que l’Etat du Mali puisse y rétablir sa souveraineté. Un précédent fâcheux. Comment en est-on arrivé là ?

En effet, au même moment où l’opinion publique, dans sa grande majorité, s’interroge sur le rôle croissant des leaders religieux dans la sphère politique, l’on peut s’offusquer que le HCIM soit porteur d’engagement  devant apporter la paix et la sécurité dans le pays. Quel discours ces religieux ont-ils tenu aux jihadistes preneurs d’otages de Farabougou, pour qu’ils entendent raison et laissent les populations jouir de leurs libertés fondamentales ?Sur quelles bases les chefs terroristes qui avaient isolé Farabougou depuis le mois d’octobre 2020, persécutant, malmenant et tuant les paisibles populations ont finalement accepté de lever le siège de la localité ? Pourquoi les premières missions de paix de l’Armée avaient-elles échoué ?

En intervenant de la sorte, le HCIM a aidé l’Etat en lui sortant une épine du pied, mais que sera le prix à payer pour  la libération visiblement sous condition ? Quid de promesses d’islamisation par contrainte dans la zone ? Que vaut la laïcité ou la liberté de conscience religieuse dans Farabougou et ses environs aujourd’hui ? Quel sort pour les habitants de Farabougou contraints de changer leurs habitudes et croyances vestimentaires et comportements ?

Comme on le voit l’Etat, censé protéger tous les citoyens, s’est davantage affaibli en acceptant que des citoyens soient contraints à adopter des attitudes imposées par un fanatisme qui ne dit pas son nom. Inutile de signaler, par exemple, que les citoyens de la localité qui refusent de laisser pousser leurs barbes, de couper leurs pantalons,de payer des redevances sur les produits champêtres se sont définitivement éloignés de la zone. D’où un exode ou des déplacements forcés de nombreux habitants…

L’on comprend alors que le retour de la paix décrété dans la localité est une sinécure, car il aura été question d’une paix arrachée aux forceps. L’Etat devant perdre une partie de son droit régalien de protéger tous ses fils et de leur assurer un minimum de sécurité et/ou de libertés.

Quand on sait que cette compromission de Farabougou s’est étendu à Dogofry et pourrait étendre ses tentacules vers d’autres horizons, il y a lieu de réfléchir par deux fois avant d’applaudir le travail du HCIM.

Boubou SIDIBE

Source : Maliweb.net

 

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