Il n’est un secret pour tout Dogono ayant vécu une partie de sa vie consciente au Pays Dogon que celui-ci regorge de beaucoup de lieux sacrés placés un peu partout dans ou autour du village. Parmi les innombrables lieux sacrés occultes, on peut citer le «Lèbè», le «Moro», le «Binou», le «Nommo», la «Case des femmes en règle» et bien sûr le «Toguna».
Tos ces lieux sacrés cités ne sont pas les seuls qui interviennent dans la vie et les activités du village. Bien que chacun de ces lieux sacrés mérite à lui seul tout un livre, je me permets aujourd’hui de me limiter au «Toguna», ce somptueux palais de justice au Pays Dogon. Cela, pour parler de la place centrale qu’occupe cet édifice dans le processus de règlement des conflits et litiges entre les habitants d’un même village mais aussi entre villages. En effet, on y règle parfois même des problèmes qui touchent toute une contrée. Généralement situé sur une place de choix, le Toguna est aussi vieux que le village. Très souvent, il se trouve dans le quartier des fondateurs du village comme beaucoup d’autres lieux sacrés cités. Sa construction depuis la nuit des temps a été accompagnée de beaucoup de sacrifices et de rituels. Généralement composé de grosses pierres et de tiges posés sur des troncs d’arbres, sa conception est source de sagesses. Et pas les moindres. D’abord le Toguna a un plafond bas, moins haut que la taille d’un homme moyen. Si bien que pour avoir accès à l’intérieur du Toguna, on doit obligatoirement s’accroupir comme en guise de respect à ce lieu et rappeler à tout homme qui y pénètre que quelle que soit sa taille, le Toguna est plus grand que lui. Aussi, il arrive des fois, lors des jugements, que des rivaux se mettent en colère. Si par maladresse, emporté par sa colère, un individu se lève soudainement pour attaquer à son adversaire, alors le plafond du Toguna armé de troncs d’arbres est là. Un coup sec sur sa tête que les troncs du plafond vont l’administrer lui ramènera le calme nécessaire à garder dans ce lieu saint. Aussi, lui dire que le Toguna cherche la vérité et non la guerre.
Souvent, selon les villages, des grosses statuettes avec des motifs différents reflétant des éléments de la culture Dogon peuvent servir de piliers à cet édifice. Les pailles généralement en tiges de mil servent de toit et peuvent atteindre plusieurs mètres de hauteur. Ce palais ainsi conçu intervient dans la vie et les activités du village.
Il est interdit aux femmes et même aux enfants, selon les villages. Peut-être pour protéger certaines paroles qui s’y disent des oreilles de ces derniers.
Plusieurs cérémonies funéraires ainsi que des danses de masques peuvent se passer aux alentours du Toguna.
Mais le Toguna est surtout considéré comme le lieu de la vérité et de la sincérité. Pour discuter et régler des problèmes du village ou encore entre villages on s’y réunit. Aussi, les femmes ainsi que les enfants, jusqu’à la circoncision ne participent pas à ces assemblées. C’est un véritable jugement qui se passe dans ce palais avec des procureurs, des accusés, des témoins. Généralement, c’est les sages qui jouent le rôle de juges et sans partie prise car encadrés par le serment sacré de la vérité qu’ils ont pris en communion. Selon la position qu’occupe le village dans la contrée la sentence d’un Toguna peut être révocable ou irrévocable. En cas de recours à une instance supérieure, justice sera rendue et si possible.
Néanmoins chez beaucoup de Dogon, la décision du jugement dans le Toguna n’est pourtant pas la finale.
En cas de recours la décision finale revient au culte du « Binou ». Ici ce n’est plus une assemblée mais une cérémonie sacrée. Les antagonistes doivent alors boire l’eau du Binou en prêtant ce serment : «si jamais j’ai tort alors que le « Binou » face de telle sorte que je meure avant l’année prochaine».
Alors les sages et la société attendent la décision sacrée du culte «Binou». Si d’un côté des rivaux, des décès successifs surtout d’hommes se produisent alors les prêtres du Binou, les sages et les parties concernées se consultent pour conclure une clause afin de stopper les décès de ceux qui ont tort et donner raison à qui de droit.
En somme, le Toguna ou case à palabres est une construction ouverte érigée en général au centre des villages dogons se trouvant le long de la falaise de Bandiagara. Elles sont d’une hauteur insuffisante pour se tenir en position debout de façon à obliger les participants à s’asseoir. C’est le lieu où les sages des villages débattent des problèmes de la communauté. Il peut servir également de lieu pour la justice coutumière. C’est aussi et surtout une zone centrale du village, ombragée, où les vieux du village passent les heures chaudes de la journée en parlant les uns avec les autres.
Seguemo Kassogué
Source: L’Evènement