L’Avocat général près la Cour suprême, Cheick Mohamed Cherif Koné, n’aura finalement pas survécu à son audacieuse de fustiger l’attitude de son institution dans le traitement du dossier dit «des équipements militaires». On l’attendait devant le Conseil Supérieur de la Magistrature comme annoncé par les syndicats rivaux au sien, la Référence Syndicale des Magistrats, il lui a été plutôt infligé une sévère mesure administrative avec à la clé un limogeage pur et simple du poste qu’il occupe depuis moins d’une année. Le feuilleton n’a toutefois pas encore livré l’ensemble de ses épisodes, au regard des conséquences et rebondissements judiciaires dans l’air.
Intervenu quelques jours seulement après sa dénonciation d’une violation des principes de droit dans la poursuite de Soumeylou Boubèye Maïga et de Mme Bouaré Fily Sissoko, le décret 0585 abrogatif de sa nomination n’est apparemment pas plus irréprochable que l’action judiciaire l’ayant provoqué. Après un round d’observation et mure hésitation, le désormais ex-avocat général semble déterminé à se lancer dans un nouveau bras-de-fer distinct de celui qu’il avait naguère entamé contre ses collègues pour forfaiture. De source bien introduite, en effet, Cheick Cherif Koné, initialement peu enclin à contester la mesure de son limogeage, a finalement tourné casaque avec les nombreuses pressions à l’échelle internationale et les considérations de principe. En clair, le président de l’Association des Procureurs et Poursuivants, explique notre source, n’est plus disposé à faire l’économie du combat pour une responsabilité qu’il n’a peut-être certes plus envie d’exercer, au regard des obstacles auxquels le heurtent les divergences d’approches avec des collègues beaucoup moins à cheval sur les principes du droit. Et pour cause, il semble que c’est au nom de ces mêmes principes – en plus de la vocation de son association à l’échelle internationale – qu’il compte se dépenser sans ménagement pour démontrer sa raison dans le contentieux qui l’oppose désormais aux plus hautes autorités de la Transition.
C’est dire qu’Assimi Goita, président du Conseil Supérieur de la Magistrat, connaîtra son premier contentieux administratif avec une affaire susceptible de retentir au-delà des juridictions nationales. En attendant, le plaignant putatif est convaincu et le dit à qui veut l’entendre que les failles du décret de son limogeage résident dans des motivations d’autant plus spécieuses que «l’obligation de réserve» en la matière ne saurait être exigible de la fonction au point et l’emporter sur sa vocation à veiller à une conformité des actes de justice aux principes du droit. À cela pourraient s’ajouter d’éventuelles récriminations quant à la forme d’un décret de limogeage qui n’a vraisemblablement pas respecté la procédure appropriée. Il reviendrait, en clair, au Conseil supérieur – dont ils émanent – d’apprécier la gravité des fautes qu’on reproche aux magistrats et non au Bureau de la Cour Suprême visée dans ledit décret. Autant de réserves dont la pertinence risque de conforter la position de l’avocat-général dans la bataille juridique l’ayant opposé à la haute institution judiciaire dans le dossier Boubèye et qui avait débouché sur un premier bras-de-fer judiciaire avec la dénonciation de son procureur général pour forfaiture.
La nouvelle querelle annoncée autour du décret de son limogeage marque en définitive un nouvel épisode du dossier des équipements militaires, dont la substance et les enjeux se noient progressivement dans les tiraillements au sein de la famille judiciaire, par-delà les relents politiques qu’il dégage.
A KEÏTA
Source : Maliweb.net