La décharge de Médina-Coura constitue une véritable menace pour la vie de la population. Elle est symptomatique de la problématique de l’assainissement de la ville de Bamako confrontée à une absence de décharge finale des ordures.
Des mouches pullulent partout. Les charrettes et les camions se succèdent sur la décharge de Médina-Coura pour déverser des ordures. En 2007, elle était destinée à n’être qu’un dépôt de transit. Elle est devenue une décharge finale et n’a pas connu d’évacuation depuis plus de six mois. Avec l’accumulation des déchets, les murs de 3,5 m qui servent de clôture sont débordés. Les ordures débordent sur la route.
Pourtant, les autorités s’y étaient engagées à assurer l’évacuation des déchets. Située en plein cœur de la ville de Bamako entre 02 écoles, non loin d’un centre de santé et en face du stade Modibo Kéïta, la décharge de Médina-Coura est un véritable dépotoir à ciel ouvert où des détritus de toutes sortes s’amoncellent.
Au contraire de l’Europe, ici, les ménages ne font pas de tri sélectif des déchets. À l’aide d’un morceau de ferraille, les chiffonniers trient les déchets afin de récupérer des bidons, des morceaux de fer, etc., qui seront revendus sur le marché. « L’argent issu de la vente des matériaux permet de subvenir à nos besoins », affirme Maïmouna Coulibaly, assise sur le tas d’ordures et allaitant son nourrisson dont le visage efflanqué semble souffrir de malnutrition.
Âgée d’une trentaine d’années, elle affirme gagner au moins 1000 Fcfa par jour. Comme elle, la vente des objets issus du tri des déchets est une source de revenu pour de nombreux chiffonniers. Ne portant aucun matériel de protection (bavette, gants ou même de chaussures) pour se prémunir, les chiffonniers ne sont pas effrayés par les dangers du travail même s’ils en restent conscients. « C’est une question de survie », répond Drissa Samaké (voir son portrait dans l’encadré ci-dessous).
La responsabilité de l’Etat
La présence de la décharge dans le quartier suscite des tensions entre la population et les autorités communales. En 2019, mécontents de la situation, les riverains ont bloqué toutes les voies menant à la décharge. Ils sont revenus sur leur décision après que les autorités eurent pris l’engagement d’évacuer le déchet. « La présence de la décharge dérange beaucoup les habitants. Elle est à l’origine de nombreuses maladies », s’insurge, Alpha Boubacar Famanta, riverain, qui pointe du doigt la responsabilité de l’Etat. Il dit s’appuyer sur des données provenant du centre de santé du quartier.
Le groupe scolaire du quartier est adossé à la décharge et en est séparé par une ruelle obstruée par des tas d’ordures. Dans cet établissement public où étudient des centaines d’enfants, les cours sont perturbés par des odeurs nauséeuses. « On peut perdre 15 à 20 minutes de cours par jour. Ce qui joue sur notre temps d’apprentissage », déplore le directeur et coordinateur du groupe scolaire, Abdoul Kader Traoré.
Avec l’insalubrité du cadre de vie, l’école voit son effectif chuter d’année en année. Les parents préfèrent envoyer leurs enfants dans une autre école dont l’environnement est beaucoup plus sain. Le coordinateur n’a toutefois pas donné de chiffres attestant la baisse de l’effectif.
Il soutient comme d’autres que la décharge est à l’origine de nombreuses maladies. La preuve, assure-t-il, deux de ses collègues, qui étaient constamment malades, ont, sur conseil de leur médecin, quitté l’école. Ceux-ci sont aujourd’hui bien-portants, a-t-il dit. Souffrant de rhume depuis plusieurs mois, l’homme rapporte le cas de maladies de nombreux enfants.
Des informations que nous n’avons pas pu vérifier. Le médecin- chef, Dr. Louckman Tellou, du centre de santé communautaire de Médina-Coura (CSCOM), situé non loin de l’école, n’a pas souhaité répondre à nos questions. Même le fait de lui garantir l’anonymat ne lui a pas fait changer d’avis. Toutefois, un agent de santé hors micro confirme l’information sans pour autant donner de précisions.
La responsabilité de l’évacuation des déchets vers la décharge finale revient à la mairie du district de Bamako à travers sa direction des services d’urbanisme, de voirie et d’assainissement (DSUVA). La municipalité déplore une absence de décharge finale. Celle de Noumoubougou, située à 35 km de Bamako, n’est pas encore prête. Le 2e adjoint au Maire, Ibrahim Koné, déplore l’absence de structure pérenne et pointe la responsabilité de l’Etat.
Sur les 04 décharges finales prévues par le schéma d’assainissement de la ville de Bamako, une seule a pu être réalisée, selon Marga Dulé Dembélé, chef de division à la direction nationale de l’assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances (DNCPN). La réalisation des 03 autres est butée à des problèmes d’acquisition foncière.
En 2017, pour faute de parcelles, le Mali a perdu 21 milliards FCFA de la Banque africaine de développement (BAD) destinés à la construction d’une décharge finale.
Abdrahamane SISSOKO
Source : Le Wagadu