Dans le souci d’amener la Cour Constitutionnelle du Mali à plus de professionnalisme et d’impartialité, j’ai, au nom du CNID – FYT, récemment, dénoncé de nombreux errements de la haute juridiction dont certains frisent l’incompétence voire le déni de justice.
La Cour elle-même, vient de nous donner raison en faisant aveu de grossières erreurs.
Nous avions en effet indiqué que la Cour avait rendu deux (02) arrêts en matière électorale en totale méconnaissance de la dernière modification de la Loi électorale intervenue en 2018.
En clair, la Cour ignorait que la loi sur laquelle elle devait se fonder pour rendre ses décisions avait été modifiée. Elle a donc rendu ses décisions sur la base d’un texte inexistant.
En effet, selon la Cour « Considérant que les assesseurs sont des agents électoraux désignés exclusivement par l’administration ; qu’ils ne doivent nullement être confondus avec les délégués qui représentent les partis ou les candidats dans l’ensemble des bureaux de vote » ;
Nous avons critiqué et dénoncé cette aberration juridique qui, sous d’autres cieux aurait entraîné la démission de la structure. La Cour s’est vengée en rejetant notre requête.
Mais ne pouvant décemment laisser les choses en l’état, elle a donc essayé de se rattraper sans perdre la face par une pirouette portant sur une « DELIBERATION No 2020-01_CC-EL DU 06 MARS 2020 PORTANT RECTIFICATION DE L’ARRET N°2020-01_CC-EL DU 29 FEVRIER 2020 ».
Mais à l’examen, le remède est pire que le mal car la maladresse juridique voire le parjure sont évidents.
La Cour, en effet, dans son arrêt du 29 février 2020 se fonde sur l’article 10 de son Règlement intérieur qui lui permet juste de rectifier des erreurs matérielles pour changer le soubassement juridique même d’une décision.
Cet article 10 est ainsi libellé « Les arrêts, les avis et les constats de la Cour constitutionnelle peuvent faire l’objet de rectification en cas d’erreur matérielle dans leur rédaction.
Cette rectification est décidée après délibération des membres de la Cour constitutionnelle, soit d’office soit à la demande de toute personne intéressée ».
Partant de cette fausse bouée de sauvetage, la Cour a espéré corrigé sa faute en ces termes
« Considérant que l’article 83 (nouveau) de la Loi électorale tel que visé dans l’Arrêt n°2020-01/CC-EL du 29 février 2020 a été modifié par la Loi n°2018-014 du 23 avril 2018 portant modification de la Loi n°2016- 048 du 17 octobre 2016 portant Loi électorale et reformulé comme suit : « Le bureau de vote comprend un président et quatre (4) assesseurs dont un désigné par la Majorité et un désigné par l’Opposition. Ils sont nommés, quinze (15) jours au moins avant la date du scrutin, par décision du représentant de l’Etat dans le Cercle et dans le District, dans l’Ambassade et dans le Consulat.
En cas de non-désignation d’un (1) ou des deux (2) assesseurs de la Majorité ou de l’Opposition, le représentant de l’Etat désigne leurs remplaçants sans délai, parmi les électeurs inscrits sur la liste électorale de la commune sans tenir compte de leur appartenance politique…
Qu’il s’agit d’une erreur matérielle ; »
Mais peine perdue et motif supplémentaire de risée publique : un étudiant en 1ère année de droit et n’importe quelle personne douée d’un minimum de bon sens saurait définir « une erreur matérielle. ». Et celle-ci n’en est absolument pas une.
Nous savons qu’au Mali, contrairement à certains autres pays, un juge constitutionnel en désaccord avec une décision ne peut publier et argumenter une opinion dissidente. C’est pourquoi nous gardons intact notre respect et notre considération pour certains conseillers compétents et probes.
JUSTICE NOUS EST RENDUE !
DIEU MERCI !
Bamako, le 16 mars 2020
Me Mountaga TALL
Président du CNID – FYT
Source: Lerepublicainmali