En exécution de la décision adoptée par le Gouvernement en session extraordinaire du Conseil des ministres du 07 août 2022, les brigades de contrôle des prix ont été déployées massivement auprès des commerçants importateurs-grossistes et de demi-grossistes. Cette situation, qui intervient dans un contexte marqué par la flambée des prix des produits alimentaires, pourrait « être un début de solution » pour lutter contre la vie chère. Qu’en pensent donc la population « bénéficiaire » et les commerçants « perdants » ?
Malgré une subvention de 14 milliards de FCFA du gouvernement accordée pour amortir l’inflation des denrées de première nécessité, le prix des produits connaissent une augmentation sans précédent. Face à cette inflation des denrées de première nécessité, les autorités ont décidé de prendre la situation « à bras de corps ». Le dimanche 7 août 2022, le Président de Transition, le Colonel Assimi Goita a convoqué un Conseil des ministres extraordinaire pour prendre des mesures contre cette hausse anormale et injustifiée des prix de certains produits de première nécessité depuis la levée de l’embargo. Cette rencontre ministérielle a relevé le non-respect des prix convenus lors de la réunion du Conseil national des Prix du 06 avril 2022. Le prix du sucre importé fixé à 600 FCFA le kilogramme, est cédé aujourd’hui à 800 F CFA aux consommateurs.
Après avoir dénoncé le non-respect de la convention avec les syndicats des commerçants détaillants et des grossistes, le gouvernement a publié, en réponse, une liste du prix indicatif plafond de vente en gros et détail de certains produits alimentaires. Ainsi, le riz brisure non parfumé est cédé à 350 000FCFA la tonne au prix plafond grossiste et le kilogramme 375 FCFA au prix plafond détaillant. Des prix similaires ont été fixés pour les autres produits tels que le sucre local et importé, l’huile locale et importée, la farine de blé, le pain, les aliments bétails, le ciment local et importé.
Depuis le début de cette semaine, des brigades de contrôle des prix ont été déployées massivement auprès des commerçants importateurs-grossistes et de demi-grossistes. D’ailleurs, la population a été invitée à dénoncer systématiquement les cas de violation des prix des produits subventionnés en mettant à sa disposition un numéro vert. Cette nouvelle mesure réjouit le cœur de certaines personnes dans la capitale qui affirment que « les commerçants sont en train de vivre de leur sang avec cette flambée des prix ». Pour Seydou Keita, « la nouvelle mesure va atténuer la cherté de certains produits et peut même faire en sorte que les autres produits qui ne sont pas concernés, mais qui sont en hausse sans justification, soient baissés ». Assitan, partage également cette idée. D’ailleurs, elle a salué les efforts du gouvernement par rapport à cette mesure et les éléments déployés pour veiller à cela.
Toutefois, ils sont plus nombreux ceux qui restent pessimistes face à cette posture du gouvernement. En seulement quelques jours de la mesure prise par le gouvernement, « aucun changement n’est visible pour le moment ». He oui, les brigades font leur boulot, mais la réalité « est qu’après leur départ, les produits sont toujours vendus aux prix fixés par le commerçant ».
Bintou Coulibaly, a affirmé avoir acheté « le kilo du sucre à 800 FCFA ce mardi ». Pourquoi n’a-t-elle pas dénoncé ? Par ce qu’il se trouve que dans son quartier (kalaban coro), certains boutiquiers n’ont plus de sucre à leur disposition ou du moins ont décidé de surseoir la vente du sucre. « Elle était donc obligée d’acheter le kilo au même prix qu’avant ». Seydou Kansaye a également acheté son kilo de sucre au même prix à Magnambougou.
Pour Harouna Mariko, « le problème est ailleurs. Ce n’est pas aux petits commerçants de faire les frais, car ils n’ont pas le monopole du sucre dans le pays.» Quant à Zan Traoré, il conseille aux brigades de contrôle des prix de se déguiser comme simples clients « sinon le travail sera difficile et les commerçants continueront de vendre aux prix élevés ». Sekou Diallo, va plus loin en affirmant que « la subvention profite à quelques cadres de l’Etat et quelques commerçants, mais pas au peuple ».
«Il serait très inutile de faire des descentes chez un pauvre commerçant dans le but de procéder à la vérification du respect des prix plafond. N’oublions pas qu’il vend ses marchandises en tenant compte de la façon dont elles lui ont été vendues par les grossistes » s’exclamait un vieux.
Du côté des commerçants, la fameuse phrase est sur toutes les lèvres : « Les prix des marchandises n’ont pas baissé, pour le moment, nous les vendons au même prix que la semaine dernière ». Certains n’ont pas manqué de montrer leur colère vis-à-vis de cette nouvelle mesure « musclée » alors qu’ils ne sont pas « instigateurs ». Bakary Sacko, commerçant détaillant avoue que cette mesure ne l’arrange pas pour le moment, car il a des marchandises stockées qui doivent être écoulées aux mêmes prix pour qu’il puisse avoir un peu de bénéfice. «Actuellement, les choses goûtent chers, quelque chose que moi-même, j’ai été à 500 F par exemple, je ne peux pas le revendre à 500 F ou 450 F. Il faut d’abord que j’écoule ces marchandises comparativement aux prix d’achat chez mon grossiste pour gagner un peu. Après, quand j’irai au marché et que je verrai que les prix ont baissé, je vais baisser pour moi aussi, par ce que tout dépend de comment on prend ses marchandises. C’est en fonction de cela qu’on voit si le prix doit augmenter ou baisser ». De son côté, Nouhoum Coulibaly, soulève un point également « rien n’est fait pour le carburant alors qu’on ne peut pas transporter ces marchandises sans carburant. Donc les produits seront toujours chers par ce que les commerçants vont calculer le prix de transport.»
Cependant, Lassana Sidibé a été catégorique : «Le gouvernement n’a pas à me dire comment je dois vendre les produits dans mes boutiques. Je vais vendre mes sucres comme je veux.»
Ainsi dit, la population est partagée entre l’espoir de réduction des prix des produits alimentaires et les plaintes des commerçants. Quant aux commerçants, surtout les détaillants, ils se « disent être bousculés par une mesure qui ne les arrange pas ».
AFANOU KADIA DOUMBIA/Malijet.com
Source: Malijet