Au Mali, une année après la chute du président Ibrahim Boubacar Kéïta et l’arrivée des militaires au pouvoir, on dresse le bilan. Une occasion pour la Synergie 22, regroupant 36 Organisations Non Gouvernementales (ONG) et Associations de la société civile, d’interpeller les autorités de la transition sur la nécessité d’accélérer les réformes nécessaires de fin de transition. « Il faut aller à l’essentiel et sortir rapidement de la transition », explique Dr. Ibrahim Sangho, l’un des responsables de la Synergie 22.
Le samedi 21 août 2021, devant un parterre de journalistes à la maison de la presse, les responsables de la Synergie 22, Dr. Ibrahima Sangho, Adam Dicko…, ont attiré l’attention des actuelles autorités du pays sur le respect des engagements pris devant le peuple malien et la communauté internationale, notamment la sécurité des personnes et de leurs biens ainsi que la protection des droits de l’Homme, le respect de la durée de la transition à travers l’organisation d’élections transparentes, crédibles et inclusives, la promotion d’une gouvernance vertueuse.
Pour la Synergie 22, une année après le début de la transition, il y a eu deux avancées majeures : la mise en place des organes de la transition conformément à la charte et la présentation du Plan d’Action du Gouvernement de l’ancien Premier ministre Moctar Ouane, le 19 février 2021, ainsi que l’adoption par le Conseil National de Transition de celui de l’actuel chef du gouvernement, Choguel Kokalla Maïga, le lundi 02 août 2021. Cependant, des défis alarmants demeurent conformément à l’article 2 de la Charte dans le délai restant , s’inquiète Dr. Ibrahima Sangho. Il s’agit entre autres, énumère-t-il, du rétablissement et le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national ; du redressement de l’État et la création des conditions de base pour sa refondation ; de la promotion de la bonne gouvernance ; de la refonte du système éducatif ; de l’adoption d’un pacte de stabilité sociale ; du lancement du chantier des réformes politiques, institutionnelles, électorales et administratives et de l’organisation des élections générales et la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger.
La Synergie 22 a déploré les lenteurs accusées dans la mise en œuvre des réformes annoncées, notamment les réformes électorales. « Il faut aller à l’essentiel et sortir rapidement de la transition », a recommandé Dr. Ibrahim Sangho. Pour la Synergie 22, elle est aussi inquiète des violations des droits de l’Homme, singulièrement la séquestration de l’ancien Président et de l’ancien Premier ministre de la transition suite au second coup d’État du 24 mai 2021. « Face à ces constats, la Synergie 22 s’interroge sur la volonté manifeste des autorités pour un retour à l’ordre constitutionnel dans le délai prescrit. A ce sujet, la Synergie rappelle que, suivant l’article 22 de la Charte de la Transition : « la durée de la transition est fixée à dix-huit (18) mois à compter de la date d’investiture du Président de la Transition ». Il ne reste plus que sept (07) mois pour sortir de la Transition.»
La Synergie 22 a finalement attiré l’attention des autorités de la Transition sur « l’impérieuse nécessité d’accélérer le processus des réformes et de recentrer les actions prioritaires autour du rétablissement de la sécurité, de l’organisation des élections nécessaires de fin de transition et de la protection des droits de l’Homme. »
- K. Diakité
Les recommandations de la Synergie 22 aux autorités de la transition
- Pour une transition apaisée et inclusive
- Que les réformes politiques, institutionnelles, électorales et administratives et l’organisation des élections générales annoncées soient accélérées ;
- Que les missions de la Transition soient axées principalement sur les actions de fin de Transition, à savoir l’organisation des élections présidentielle et législatives ;
- Que les autorités de la Transition réactivent les cadres de concertations afin de créer une plus grande inclusivité ;
- Que la Société civile, les Partis politiques et les Autorités de la transition développent et mettent en œuvre une stratégie d’éducation civique afin d’informer et de sensibiliser les citoyens et citoyennes sur les réformes à entreprendre et les étapes de la transition démocratique ;
- Que les Partenaires bi et multilatéraux accompagnent fortement l’ensemble des acteurs qui œuvrent pour une transition réussie au Mali.
- Pour des élections transparentes, inclusives et apaisées
- D’intégrer, dans la Loi électorale, la publication en ligne des résultats des scrutins par centres et bureaux de vote, au fur et à mesure de la proclamation des résultats ;
- De revoir à la hausse le nombre actuel de 147 députés déterminés suivant le recensement administratif de 1996, en prenant en compte les chiffres du dernier recensement de la population ;
- De changer le mode de scrutin actuel (majoritaire uninominal ou plurinominal à deux tours) pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale en un mode de scrutin proportionnel ;
- De créer les circonscriptions électorales des nouvelles régions pour leur permettre de prendre part aux élections de fin de transition;
- De consacrer la création d’un organe indépendant et unique de gestion des élections (OGE) dans la Constitution et la Loi électorale, dans un souci de cohérence et d’efficacité technique et financière ;
- De revoir le délai entre les deux tours de l’élection présidentielle afin de permettre que le contentieux électoral soit vidé et aux candidats du second tour de faire campagne ;
- D’intégrer les débats entre les candidats lors du premier et du deuxième tour de l’élection présidentielle, pour permettre aux électeurs de mieux connaître les contenus des projets de société des candidats ;
- De mettre en œuvre une stratégie d’éducation civique afin d’informer et de sensibiliser les citoyens et citoyennes sur le couplage des élections présidentielle et législatives et les opérations de vote multiples ;
- De pérenniser les opérations liées au RAVEC en République du Mali.
- Pour une meilleure gouvernance
- D’accélérer l’audit des services publics annoncés dans le cadre de la lutte contre la fraude, la délinquance financière et la corruption ;
- D’accélérer les procédures judiciaires contre les présumés auteurs et leurs complices pour des faits de mauvaise gouvernance et d’atteintes aux deniers publics ;
- D’assainir l’accès aux hautes fonctions de l’État par une enquête publique ou parlementaire de moralité des candidats aux différents postes de responsabilités ;
- De faire de la déclaration publique des biens des hauts fonctionnaires de l’État, dans le Journal Officiel, une obligation ;
- De revoir les attributions de la Cour constitutionnelle en lui enlevant la proclamation des résultats définitifs des élections présidentielle et législatives ;
- De revoir les modalités de désignation des membres de la Cour Constitutionnelle afin de réduire les risques de contrôle des membres par le Pouvoir Exécutif comme c’est le cas en ce moment ;
- De relire les attributions de la Cour constitutionnelle ;
- De mettre les verrous pour l’appréciation des coups d’État ou putschs pour empêcher des problèmes de qualification et empêcher toute amnistie aux putschistes.
- De supprimer la simple participation (15%) aux élections dans les critères de l’aide publique aux partis politiques, pour les inciter à faire face à leurs objectifs de création à savoir la conquête et l’exercice du pouvoir.
- Pour une meilleure protection des droits de l’Homme
- Que les mesures restrictives concernant les personnalités séquestrées soient levées ;
- Que les citoyens soient informés des procédures en cours concernant les graves violations des droits de l’Homme, notamment les atteintes à la vie des 10, 11 et 12 juillet et de celle de Lafiabougou survenue le 22 juillet 2021 ; sans entraver le secret de l’instruction.
Fidèle à sa mission de veille citoyenne et d’alerte, la Synergie 22 reste engagée pour une transition réussie dans le délai prescrit.
Fait à Bamako, le 21 Août 2021
Source : Lerepublicainmali