Le Parquet a ouvert, en fin d’année 2020, une information judiciaire contre Boubou Cissé, l’ancien Premier Ministre, et six autres personnalités. La Justice les accuse de tentative présumée de déstabilisation des institutions de la transition, selon leurs Avocats. Il reste difficile de démêler les fils de cette nouvelle affaire qui secoue jusqu’au plus haut sommet de l’Etat.
Tout a commencé le lundi 21 décembre 2020, avec une série d’interpellations menées par la Direction Générale de la sécurité d’État (DGSE). Une semaine plus tard, alors que les arrestations se poursuivaient, le Procureur Général a, enfin, apporté des réponses dans cette affaire particulière au regard de la personnalité des mis en cause et du contexte où l’on peut s’étonner d’une telle possibilité alors que les militaires, très forts dans cette transition, sont au cœur du pouvoir. « À la suite d’une dénonciation des Services de sécurité faisant état de fait d’atteinte à la sûreté de l’État, une enquête préliminaire a été ouverte au niveau du Service d’Investigations Judiciaires (SIJ) de la Gendarmerie nationale », avait fait savoir le Procureur Général, Mamadou Kassogué.
Ainsi, l’ancien Premier Ministre, Dr Boubou Cissé, est accusé d’avoir organisé des réunions secrètes ; notamment, à son domicile, avec ses complices. Ensemble, ils auraient mobilisé plus de 200 millions de francs CFA, pour financer les actions de contestation devant être organisées par des meneurs d’associations et de syndicats.
Quant à Sékou Traoré, Secrétaire Général de la Présidence, depuis limogé, il lui reproché d’avoir fomenté des actes de sabotages. Il aurait été à Ségou, pour effectuer des consultations occultes chez Lassina Kane, un puissant marabout et introduit au Palais de la viande de sacrifices. Sékou Traoré est aussi soupçonné d’avoir « restreint de sa propre initiative les rendez-vous de la Présidence […] s’érigeant en obstacle entre elle et certaines couches sociales ».
« Quant à Youssouf Mohamed Bathily, dit Ras Bath, il lui est confié le rôle d’incitateur de l’opinion publique contre les Autorités de la Transition ». Le Procureur de la République lui reproche, en effet, d’avoir critiqué « ouvertement les Autorités de la Transition ». C’est, notamment, au sujet du climat d’insécurité régnant à Farabougou et de leur gestion de la crise sanitaire ou encore de la nomination des Gouverneurs militaires.
Les quatre (4) autres coaccusés sont le Directeur Général du Pari mutuel urbain (PMU-Mali), le jeune Vital Robert Diop ; Mamadou Koné et Souleymane Kansaye du Trésor national et Aguibou Tall, d’AGEFAU, une société de télécommunication de la place.
Dans son communiqué de presse, le PG Mamadou Kassogué évoque également « la possibilité de liens entre les suspects et certaines associations, organisations et personnalités influentes du monde médiatique ».
Les Avocats des mis en causes réfutent catégoriquement ces accusations.
En effet, lors d’une conférence de presse la semaine dernière, ils (les Avocats) ont tous rejeté les arguments du Procureur de la République : « Le Procureur a requis l’ouverture d’une information en se basant sur un Rapport des Services secrets que nous n’avons pas », explique Maître Kassoum Tapo, l’Avocat d’Aguibou Macky Tall. Et il ajoute que : « C’est complètement illégal ».
Selon son Conseil, Maître Kassoum Tapo, des Hommes armés et cagoulés se sont introduits à son domicile fin décembre en son absence. « Boubou Cissé a fait l’objet d’une tentative d’agression », déclare-t-il. Et d’ajouter : « Il n’a jamais reçu aucune convocation, je suis formel, ni du Procureur, ni de la Gendarmerie, ni du Juge d’instruction ; donc, il n’est pas en fuite, c’est sa vie qui est en danger ».
Face à une procédure qu’ils jugent arbitraire, les Avocats des prévenus réclament la libération de leurs clients tout en évoquant la possibilité de saisir la Cour de justice de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest dans cette affaire.
L’ancien Premier Ministre, Boubou Cissé, demeure la figure centrale de cette affaire rocambolesque. Pour le Procureur Général, Mamadou Kassogué, il serait le principal instigateur du projet de déstabilisation des Autorités de transition : « L’ancien Premier Ministre, qui nourrit des ambitions présidentielles […] a entrepris des actes de nature subversive tendant à jeter le discrédit sur les actions des Autorités de la Transition», déclare le Procureur Général dans son réquisitoire.
Pour sa part, l’ancien Premier Ministre nie farouchement toute implication, dénonçant une cabale contre lui : « C’est une odieuse tentative de jeter le discrédit sur moi, je ne suis ni directement, ni indirectement, de quelque manière que ce soit, associé à aucun projet de déstabilisation des Institutions ». Ses partisans affirment que cette affaire est une volonté de la part des Autorités de la Transition de lui disqualifier pour les prochaines élections présidentielles prévues à l’issue de l’actuelle période de transition.
Mémé Sanogo
Source : L’Aube