Le Dialogue national inclusif a connu son épilogue après neuf jours de débats houleux et passionnés, le 22 décembre au Palais de la culture Amadou Hampaté Ba. Comme à l’ouverture, la cérémonie de clôture était placée sous l’égide du président IBK. Elle a été étoffée par la présence de l’ancien président Amadou Toumani Touré fraîchement rentré au bercail après 7 ans d’absence forcée. D’anciens Premiers ministres comme Soumeylou Boubèye Maïga, Moussa Mara et Ahmed Mohamed Ag Hamani ont également fait le déplacement. Le premier ministre Boubou Cissé et les mêmes de son gouvernement, les présidents des institutions et des diplomates accrédités au Mali ont rehaussé de leur présence l’éclat de la cérémonie. Considéré comme une opportunité pour le retour de la paix et de la sécurité au Mali, l’événement a mobilisé dans les rangs des forces politiques, des leaders religieux et traditionnels, des chefs culturelles et de cultes.
Ce dialogue a été sanctionné par des centaines de recommandations et de résolutions. De grands défis de l’heure ont notamment attiré l’attention du président qui s’est d’ailleurs engagé à faire tout ce qui est de son pouvoir pour leur application. Il s’agit de l’organisation des élections législatives, le redéploiement de l’administration sur l’étendue du territoire national et la relecture de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, précisément de son article 65 et la révision de la Constitution du 25 février 1992. Devant l’opinion publique nationale et internationale, IBK s’est engagé à appliquer ces recommandations et résolutions validées au cours des travaux. Malheureusement, cette volonté manifeste du locataire de Koulouba ne relève pas seulement de son seul pouvoir.
C’est dire qu’IBK s’est fait prendre au piège dans un cercle vicieux avec des recommandations presque inapplicables.
En effet, pour ce qui concerne la révision constitutionnelle, il n’est pas à écarter que la crème de la plate-forme An Tè A bana soit ressuscitée pour contrer à nouveau le projet référendaire. Et même aujourd’hui la posture d’Amadou Thiam et Ras Bath reste confuse ; des ténors comme Mme Sy Kadiatou Sow restent imperturbables comme en atteste leur refus de participer au dialogue national inclusif.
Quant au chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, a annoncé lors du 4ème congrès de son parti qu’il reste vigilant en ce qui concerne l’application des résolutions et recommandations du DNI. Il vaut mieux le dire et tout de suite. Elle sera au cœur de la contestation contre cette nouvelle tentative. Et pour cause, les motifs qui ont mobilisé les manifestants restent d’actualité. Tous les maliens y compris le président IBK sont unanimes sur le fait que « le pays est en guerre ». Un pays en guerre ne touche pas à sa constitution.
S’agissant des élections législatives qui, selon le DNI, doivent se tenir d’ici le 2 mai, date de la fin du mandat prorogé de la 5ème législature, une question se pose : Comment IBK compte venir à bout de l’insécurité pour aller à ces élections ?
En effet au sortir des urnes, la loi recommande obligatoirement 147 députés à l’Assemblée Nationale. Comme le projet référendaire de 2017, le contexte ayant motivé les deux dernières prorogations du mandat des députés reste d’actualité. Ce que l’Etat n’a pas pu faire en 7 ans, il pourra difficilement l’atteindre en six mois. Comme une nouvelle prorogation est inévitable pour éviter au Mali un vide constitutionnel.
Quant à la relecture de l’accord d’Alger, le Mali ne semble pas être en position d’imposer quoi que ce soit aux ex-rebelles comme en témoigne la situation actuelle de Kidal. Au-delà des beaux discours de certains membres de la Coordination des mouvements de l’Azawad CMA et de la plateforme présents au Dialogue, d’aucuns pensent que les ex-rebelles ont tout simplement l’intention de profiter de cette éventuelle modification pour monter les enchères en proposant la fédération de l’Etat malien. En tout état de cause, Moussa Ag Assarid l’a préconisé lors des débats même si sa proposition n’a pas été prise en compte dans les résolutions. C’est dire qu’une chose est de vouloir réviser l’Accord d’Alger et une autre de pouvoir le pratiquer.
Il s’agit, en définitive, des indices qui laissent penser que le chef de l’Etat est pris au piège de ses opposants qui l’ont poussé à la tenue d’un dialogue qu’ils ont boudé.
Amidou Kéita
Source : Le Témoin