Dicko au Monument de l’indépendance: ‘‘je ne vais jamais me taire…’’

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L’imam Mahmoud Dicko
L’imam Mahmoud Dicko

À l’appel du Mouvement du 5 juin- Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP), des milliers de personnes se sont mobilisées pour fêter la chute du président Ibrahim Boubacar Kéïta ce 21 Août 2020, à la Place de l`indépendance. Vedette de ce rassemblement, l’imam Mahmoud DICKO, l’autorité morale du M5-RFP, a prêché pour la paix et la réconciliation.

« Je vous demande d’aller vers la paix entre les Maliens. Nous sommes tous les mêmes, nous venons de la même famille », a-t-il conseillé. En outre, l’autorité morale du M5-RFP a demandé au peuple malien de pardonner à “son grand” frère, Ibrahim Boubacar KEITA, arrêté depuis le 18 août 2020 par la junte militaire au pouvoir.

Je rends grâce à Allah, paix et salut sur le Prophète (PSL). Je salue tous ceux qui ont fait le déplacement cet après-midi sur la place de l’Indépendance. Que la paix d’Allah soit sur vous tous.

Permettez-moi de m’acquitter d’un devoir religieux. J’avais promis à Allah qu’à mon arrivée ici que je ferais un « Soudjoud » (prière front contre le sol) pour lui remercier du fait qu’il a exaucé nos vœux et prières dans le cadre de ce combat. Nous prions encore une fois pour cette lutte soit couronnée de succès et de bonheur.

Chers musulmans, cher public, j’ai entendu beaucoup de propos une fois arrivé ici. Je demande pardon à ce public. Je tiens à rappeler, comme d’habitude d’ailleurs ; que je suis un imam. Et prie Dieu pour que je reste à cette fonction jusqu’à la fin de ma vie. Cette fonction m’oblige à vous dire certaines vérités ici. Je dois vous prodiguer certains conseils avant de formuler des prières.

Ce que je voudrais vous demander, je le dis et je le répète, c’est vrai que nous sommes un peuple digne, un peuple debout. Ça, il n’y a pas de doute sur cela. Mais cela doit nous conduire à avoir un comportement vertueux à la hauteur de nos valeurs sociétales.

Je n’ai pas apprécié certains actes qui ont eu lieu ces derniers temps. Non, je vous en prie de ne pas vous en prendre aux domiciles des gens, n’agresser pas les gens, ne violer pas les droits des gens. On ne combat pas l’injustice par l’injustice.

 

Point de vengeance, plus de réconciliation

Je crois que les gens ont agi sous l’effet de la colère, ce qui n’est pas normal. Je ne souhaite pas que mes enfants que vous êtes agissent sous l’effet de la colère, mais avec la raison. Ne cassez pas les édifices, ne mettez pas le feu, n’agressez pas ou n’insultez pas les gens. Il faut éviter de tomber dans la vengeance, cela n’est pas un comportement digne de notre peuple.

Il y a des valeurs que nous devons respecter en tant que Maliens. Ici, chez nous, il y a le pardon, la tolérance et l’entente mutuelle. C’est ça notre pays, il y a des lignes rouges qu’il faut respecter. Ceux qui ont franchi ces lignes rouges l’ont l’appris à leur dépens.

Ce que je souhaite, en ma qualité d’imam, c’est de vous inviter à laisser de côté le bâton de la vengeance. Je vous exhorte, cependant, à prendre le bâton de la réconciliation, de la fraternité, de la solidarité. Nous avons l’obligation de nous réconcilier dans ce pays. N’oubliez jamais cela.

Si les choses se stabilisent, que Dieu le fasse, nous allons voir ce qui doit être à la lumière de la vérité et du respect de la loi. Il faut faire ce travail avec sérénité et méthode.

Car, après tout, nous sommes tous des frères et sœurs dans ce pays, nous ne devons jamais oublier cela dans le cadre de nos entreprises.

Du haut de cette tribune, je lance un appel pressant à nos frères du nord et du centre qui doivent comprendre que notre seul ennemi, c’est la mauvaise gouvernance, c’est l’injustice. Nous devons nous donner la main pour que ces mauvaises pratiques cessent dans ce pays.

Faire taire les armes et les rancœurs

Ici, je lance un appel à la communauté peule du Mali, tous les peuls qui ont pris les armes pour quelque raison que ce soit, à faire taire les armes. Ce message s’adresse particulièrement à Amadou KOUFFA pour qu’il regagne la République.

De même, j’invite les Dogons, ce sont mes enfants (cousinage), que leur ‘’père’’ leur demande de laisser les armes pour que la réconciliation se fasse.

Je lance le même appel à la Plateforme, à la CMA. Je leur rappelle qu’il y a un accord entre eux et le peuple malien. Nous sommes du même pays, et rien de mieux ne se fera dans ce pays sans qu’on se mette ensemble pour le faire.

J’estime que j’ai joué mon rôle ici sur cette tribune, et je pense que j’ai été à la hauteur de vos attentes. Dès à présent, j’ai décidé de retourner dans ma mosquée. Mais, cela veut dire beaucoup de choses.

Je vous jure que je n’ai pas d’arrière-pensée en faisant ce combat. Mon seul souci est que les Maliens se réconcilient du nord au sud. Pour ce faire, je vais prendre mon bâton de rassembleur, accompagné de certains de mes frères. Car, je suis convaincu que je ne peux pas réussir tout seul cette mission. Il y a mon jeune-frère, mon collaborateur, je veux parler du Chérif Ousmane Madani HAÏDARA. Je vais aussi joindre à nous, le Cardinal Jean ZERBO, à qui je rends un hommage. Je le salue pour la fraternité, la solidarité, la collaboration avérée à mon égard.

Je vais aussi associer à cette mission, mon cadet ; je le connais depuis notre jeune enfance à Tombouctou ; le Pasteur Nouhou Ag Noch. Cette équipe ira sous les bénédictions de Achorofou Choroffa, le Cheick Bouyé HAÏDARA. Vous savez, il y a de ces hommes, dès qu’il formule une prière et un vœu, il est tout de suite accepté auprès d’Allah. La première personnalité qui a juré sur la fin de ce régime, c’est bien lui.

Dans les moments à venir, mes frères et moi-même, allons faire le tour de ce pays pour tenter de réconcilier les communautés, pour que la paix et la quiétude reviennent dans ce pays.

Avant d’aller au nord, nous allons voir le Soufi Lassana KANE à Ségou. Il nous a aidés dans ce combat avec des prières. Il est temps et il est grand temps de chasser les démons de la division et de la haine.

 

Respect aux hôtes qui nous aident

Ce que je vous demande, c’est de laisser les hôtes qui le souhaitent venir dans notre pays. Nous avons une longue tradition de Diatiguya dans ce pays. De ce fait, il faut bien accueillir nos hôtes. Beaucoup de ces présidents de la sous-région ont leur origine au Mali. Donc, ils sont les bienvenus.

En arrivant ici, j’ai vu des pancartes où il est écrit, à bas X, à bas Y ; moi je réponds, à bas personne. Je salue ici tous les amis du Mali.

Il faut qu’on sorte de ces genres d’accusations. Nous souhaitons la bienvenue à tous ceux qui veulent nous aider de bonne foi. Mais, il faut que la jeunesse reste debout sur les remparts. Restez vigilants, ce pays vous appartient.

Pardonnez à IBK

Il faut bannir les insultes, les actes de vengeance et d’accusations gratuites, nous sommes tous les mêmes. En cas de faute, le linge sale se lave en famille. Il faut se pardonner mutuellement. Et ce pardon doit concerner mon grand-frère (IBK). Je vous demande de lui pardonner. Je ne souhaitais pas que ça se termine comme ça. Faisons preuve de retenue, car nous sommes entre nous. La raison doit prévaloir. Je suis venue ici pour vous saluer et féliciter de la plus belle des manières.

Mais, je ne saurais quitter cette tribune sans rendre hommage aux gens qui m’ont défendu au prix de leur vie. Pour le respect de leur mémoire, je serais dans la mosquée, mais mon esprit sera toujours ici.

Je ne vais jamais me taire tant que je vois qu’il y a des choses qui se passent en mal dans ce pays. Car, en gardant le silence face à la nation en péril, je n’aurai pas de mots pour répondre ces jeunes dans l’au-delà. Je prends cet engagement devant Dieu. Je prie pour le repos éternel de leurs âmes. Dans les jours à venir, je vais faire des sacrifices en leur mémoire. La date et le lieu vous seront communiqués ultérieurement.

Message à l’armée et à la CEDEAO

C’est vrai, je dois le dire ici et lancer appel pressant. J’ai un message à l’endroit de nos enfants porteurs d’uniforme, je les remercie pour l’œuvre qu’ils ont eu à accomplir. Mais leur demander aussi d’être digne que le peuple du Mali les observe. C’est l’Afrique qui les observe. Il faut qu’ils respectent leur serment et leur engagement devant le peuple souverain du Mali. En tout cas, pour le moment, ils nous donnent une bonne impression.

Contrairement à mon cadet, Me Mohamed Ali BATHILY, je ne vais pas convoquer les chefs d’Etat de la CEDEAO à un autre tribunal que celui de Dieu.

Je les dis très sincèrement et je veux que le message les arrive. Ceux qui s’apprêtent à sanctionner le peuple martyr du Mali, ceux qui le feront seront châtiés par le Bon Dieu.

J’ai la ferme conviction que ceux qui feront subir des misères à ce peuple martyr du Mali seront châtiés par le Bon Dieu. J’aimerais que ce message leur arrive. Ceux qui prennent ce message comme de simples menaces en air n’ont qu’à tenter le coup. Je jure que tous ceux qui tenteront le coup le regretteront. Que Dieu sait que c’est un peuple martyr qui subit toutes sortes d’injustice. Alors, au lieu de le consoler, on le menace. Je les invite à la raison. De toute façon, ce sont nos frères. Il faut saluer tous les amis du Mali.

En ce jour de vendredi, sur cette place, nous prions pour le retour sain et sauf de Soumaïla CISSE dans sa famille. Prions pour que de tels événements n’arrivent plus jamais encore dans notre pays.

Nous avons appris avec beaucoup de tristesse ce qui s’est passé hier à Gao. J’invite tout un chacun à faire preuve de retenue. L’heure n’est pas à l’affrontement. Ayons pitié de ce pays !

Je prie pour le retour de a paix et de la cohésion sociale dans notre pays. Qu’Allah bénisse le Mali.

Transcription libre : Info-Matin

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