District de Bamako : Eaux usées, le cauchemar des habitants

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Le manque de canalisations adéquates par endroits n’explique pas tout. L’incivisme aussi est pour beaucoup dans le fait que des rigoles coulent en permanence dans certaines rues. La saison des pluies qui s’installe progressivement, n’est pas pour arranger la situation.

Dans certains quartiers de Bamako, les eaux usées des ménages, des unités artisanales (celles des teinturières) envahissent les rues. Contribuant ainsi à la dégradation de l’environnement et à la reproduction des agents pathogènes (moustiques, mouches, cafards) qui sont à la base de certaines maladies comme le paludisme, la diarrhée, etc. Comme pour ne rien arranger à la situation, les caniveaux, conçus pour drainer les eaux de pluies, sont utilisés comme système d’évacuation des eaux usées domestiques, quand ils ne servent pas de dépotoirs de déchets solides et liquides.

Dans les rues de certains quartiers de la capitale, les passants sont obligés de se boucher le nez à cause de l’odeur nauséabonde que dégagent les eaux usées stagnantes. C’est le cas par exemple à Bagadadji. Dans ce vieux quartier, situé en plein cœur de la ville, la teinture traditionnelle semble avoir un essor particulier. Mais les braves et talentueuses teinturières déversent directement les eaux usées dans les caniveaux ou les laissent couler dans les rues.

Il faut dire que très souvent les canalisations d’eau sont devenues des dépotoirs d’ordures par manque de moyen d’évacuation adéquat, se justifient certains citoyens. Mais l’incivisme n’est pas étranger à ce comportement.
Mohamed Diarra fait partie des habitants de Bagadadji qui sont agacés par cette situation insupportable. Rencontré sur son lieu de travail, le tailleur pense que la seule alternative est de quitter son quartier pour aller s’installer ailleurs. «Sinon je risque de perdre toute la clientèle. Malgré mes plaintes, ces teinturières continuent de nous polluer la vie», fulmine-t-il.

Balkissa Diallo semble, elle aussi, plutôt résignée face à la situation. Cette habitante de Niamakoro-Koko côtoie des eaux polluantes depuis des années. Ses nombreuses plaintes et propositions de solutions à l’amiable n’ont pas suffi pour que ses voisines arrêtent de déverser des eaux souillées devant sa porte. Rendant toute la rue impraticable. «Les odeurs fétides que nous respirons même en mangeant, nous rendent la vie difficile. C’est devenu notre quotidien», se lamente Balkissa Diallo.

La juriste de formation Fatoumata Haïdara estime pour sa part que le gouvernement se doit de mettre les moyens adéquats pour garantir un cadre de vie décent aux populations. Elle reconnaît tout de même que la quantité d’eaux usées est telle que les services en charge de l’assainissement et les autres acteurs chargés de la gestion de la ville éprouvent davantage de difficultés à gérer la situation.Pour avoir la paix, la ménagère menace de porter l’affaire à la justice. Une des voisines mises en cause dit n’avoir pas d’autre solution. «Il n’y a ni caniveaux ni fosses septiques permettant l’évacuation de nos eaux usées », argumente Aminata Diarra. Oumou Coulibaly abonde dans le même sens. Cette teinturière accuse les services d’assainissement de n’avoir pas réalisé suffisamment de caniveaux pour recevoir les eaux usées. Ce qui aurait permis d’éviter ces désagréments. L’activité d’Oumou Coulibaly étouffe le voisinage qui n’en peut plus. «Malgré nos multiples plaintes à la mairie, rien n’a été fait. L’odeur continue de nous incommoder ici», dit une voisine. «Je reconnais que mon activité dérange les voisins et je compte y remédier», promet Oumou Coulibaly, visiblement mal à l’aise.

Conséquences de cette situation : la pollution des ressources naturelles (eau et sol), le développement des maladies hydriques, la dégradation du patrimoine urbain (réseau de drainage, voirie). Or, l’un des objectifs de la Politique nationale de protection de l’environnement (PNPE), en matière de protection de l’environnement en milieu urbain, est le renforcement de la lutte contre toute forme de nuisance et de pollution, notamment à travers la création de stations d’épuration ou de dépollution des rejets liquides, solides et gazeux des unités industrielles et artisanales.

Dans le cadre de la mise en œuvre de cette politique, l’État, à travers le ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable, a créé l’Agence nationale de gestion des stations d’épuration du Mali (Angesem). Elle promeut et veille à la gestion des ouvrages d’assainissement suivant les normes établies en la matière. Et s’occupe aussi de la gestion collective des eaux usées.

Selon la directrice, Mme Touré Assian Sima, l’Angesem reçoit toutes sortes d’eaux usées et les traite pour les débarrasser des impuretés avant de les rejeter dans le fleuve. L’Agence a construit, à cet effet, plusieurs stations de traitement des eaux usées. En plus de la station d’épuration des eaux usées industrielles et de teinturerie à Sotuba, il existe des stations d’épuration dans quatre hôpitaux : Point G, hôpital de Sikasso, Centre national d’appui à la lutte contre la maladie (CNAM) et Hôpital du Mali. Des stations d’épuration ont été également installées dans les villes de Mopti, de Tombouctou et à la Cité administrative.

En dépit de ces efforts, les dysfonctionnements persistent, reconnaît-elle. Pour la directrice, la nature et la complexité des actions à entreprendre en matière de restauration et de conservation des ressources environnementales exigent l’implication et la mobilisation des acteurs aux niveaux national, régional et local.

Anne-Marie KEÏTA

Source : Essor

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