Dr. Fatoumata M. Sidibé, oncologue au CHU Point-G, a profité de la journée mondiale contre le cancer qui a été célébrée le jeudi 04 février 2021 à l’hôtel Salam, pour faire l’état de la maladie au Mali, les multiples souffrances que les patients et les spécialistes de la pathologie traversent. Elle a aussi profité pour lancer un appel à l’endroit des autorités pour apporter du soutien au secteur afin qu’il puisse subvenir aux besoins des malades du cancer au Mali.
Selon Dr. Fatoumata M. Sidibé, « sur tout le territoire malien, on a que cinq oncologues médicaux et ce n’est pas suffisant. » Elle a affirmé qu’ils sont aidés par d’autres spécialistes comme les gynéco-chirurgiens, les hématologues et qu’il n’y a pas aussi assez d’infirmiers spécialisés pour administrer leurs traitements. Les deux premiers cancers les plus fréquents au Mali sont le cancer du col de l’utérus et le cancer du sein. « Donc par an, pour chaque cancer, on a 2000 cas ou plus et il faut que les femmes soient informées pour faire chuter ces chiffres », informe-t-elle. Toute la population doit être informée, certes, mais les femmes en première position, car elles sont les plus touchées, déclare-t-elle. « La tranche d’âge que nous recevons le plus au CHU Point-G varie entre 20 à 45 ans.
On enregistre des cas de cancer au delà de cette tranche d’âge, mais c’est très fréquent chez les jeunes femmes. Le cancer n’est pas un nouveau phénomène chez nous. Il y existe depuis très longtemps, mais on n’en faisait pas une maladie chez nous ; on n’avait pas assez de moyens pour diagnostiquer. On classait les cancers dans la catégorie des maladies liées au mauvais sort auparavant, ce qui faisait que dès qu’un patient en souffrait, il se rendait plus chez les tradipraticiens qu’à l’hôpital », explique-t-elle. « Le service existe au Point-G depuis les années 2000 et les spécialistes ont commencé à travailler et progressivement avec les années, les chiffres ont augmenté, car les médecins sont mieux équipés qu’avant. Maintenant, on dépiste le cancer, on le diagnostique et les chiffres ont augmenté. Pour le plateau technique, ce qu’on a déjà n’est pas mal, mais on peut dire qu’on peut, sinon, encore apporter des améliorations. Car aujourd’hui au Mali, on peut diagnostiquer tous les types de cancers au service d’Anatomopathologie, on a aussi des centres d’imagerie médicale qui font des scanners, des mammographies. Ce plateau technique dans l’ensemble permet de diagnostiquer et de confirmer un cancer quel que soit le type. Pour les prises de sang aussi, on a assez de laboratoires, développe Dr. Sidibé. Avant d’ajouter que ce qui est un peu dommage, c’est la partie traitement.
« C’est là où on a des insuffisances, par exemple pour la chimiothérapie, on a assez de problèmes parce que ce sont les anciens produits qui sont disponibles au Mali. Ils sont subventionnés en partie par l’Etat et ces produits partent en rupture parce que le nombre de malades augmente chaque jour », déplore-t-elle. « On est passé de 200 patients vers les années 2013 à plus de 2000 cas de nos jours. Rien qu’à l’hôpital du Point G, on est à 1000 cas, sans compter ceux d’autres hôpitaux, ce qui fait que les choses se compliquent, sans oublier que la plupart des produits ne sont pas répertoriés dans l’Amo. Tout est à la charge du patient et les produits de dernières générations qu’on appelle les thérapies ciblées n’existent pas au Mali. Il faut les commander et le coût est encore très élevé », précise-t-elle. Il y a d’autres traitements à la pointe comme la radiothérapie et le Mali ne possède qu’un seul appareil à l’hôpital du Mali et le délai d’attente est très long.
Souvent certains décèdent ou voit leur maladie progressée sans avoir accès à ce traitement, reconnaît-elle. « Le cancer était une maladie fatale avant, mais maintenant, si on le diagnostique tôt, on peut en guérir 7 à 8 sur 10. Avant, quand on disait cancer, tout le monde pensait à la mort, que ça soit dans les pays développés ou pas, et le Mali garde toujours cette connotation négative alors que maintenant on peut changer ça », a-t-elle dit. Il faut dépister les cancers qui sont dépistables et ceux qui ne le sont pas, il faut les diagnostiquer tôt avant qu’ils ne soient tard, conseille-t-elle. Certains cancers peuvent être prévenus comme le cancer du col de l’utérus, le cancer du foie parce qu’ils sont dus à des infections qui peuvent être prévenues par des vaccinations, a-t-elle conclu.
Moussa Samba Diallo
Source : Le Républicain