Nous avons nourri l’espoir que la visite tant attendue de la CEDEAO aboutirait à un compromis salutaire et permettrait une levée de l’embargo dont les effets pèsent lourdement sur le commerce intra-communautaire. A notre grand regret, on a pu constater un échec des pourparlers en raison du cramponnement des uns et des autres à leurs positions respectives. Aussi se pose la question de la bonne foi des parties prenantes. A-t-on réellement voulu trouver un terrain d’entente pour sortir de cette situation ?
Du côté de la CEDEAO, l’émissaire envoyé devait se douter que les autorités maliennes avaient défini une posture inflexible. Ces dernières ambitionnent l’idée d’une application des conclusions des ANR et sont disposées à en tirer le maximum de profit. C’est en effet, une occasion de justifier le nouveau délai et de légitimer les institutions mises en place. Du côté des autorités maliennes de transition, il fallait s’attendre à ce que l’organisation sous régionale s’oppose à une prorogation abusive (plus 18 mois). En effet, les pays membres ne peuvent accepter qu’un régime imposé par les armes et qui plus est, n’est qu’une Transition, vienne s’octroyer un quinquennat en contournant les urnes. On ne peut confisquer le pouvoir du peuple, fut- il en partie d’accord avec le principe dune prorogation de la Transition. Par nature et par définition, le Mali l’a déjà prouvé, une transition est un pouvoir intermédiaire qui ne saurait se pérenniser.
A l’évidence, les deux parties ont des arguments à faire valoir au soutien de leurs prétentions. Mais, compte tenu de la situation socio-économique des pays impliqués dans cette crise, n’aurait-il pas fallu mettre un peu d’eau dans leur « gnamakoudji” et privilégier la voie de la raison ? On aurait pu, en effet dans la perspective d’une résolution à court terme de cette crise, retenir une prorogation de 12 à 18 mois. Ce laps de temps aurait suffi pour mettre en place les actions visant à sécuriser le pays et à organiser un retour de l’ordre constitutionnel. Il fallait donc des concessions de part et d’autre en privilégiant l’Intérêt Supérieur d’une nation en proie à des crises multidimensionnelles.
Cet échec de la négociation entre la CEDEAO et les autorités de la Transition est fort regrettable et ne s’explique pas compte tenu des circonstances actuelles. Les parties n’ont fait que retarder l’inévitable. En effet, à moins que le Mali ne se retire définitivement de l’organisation sous-régionale et ne frappe sa propre monnaie, il devra proposer un plan de retour à l’ordre constitutionnel acceptable. Et à moins que la CEDEAO ne soit décidée à maintenir indéfiniment son embargo, au risque d’étouffer certains pays membres, elle devra infléchir sa position en bénissant un délai supplémentaire mais raisonnable.
Dans les prochains mois, l’armée malienne pourrait accentuer sa montée en puissance et sécuriser d’avantage de zones pour permettre l’organisation des élections. Douze à dix-huit mois, pour coordonner les actions de nos autorités et celles des partenaires de la sous-région dans la lutte contre le terrorisme, c’est raisonnable. Douze à dix-huit mois, pour permettre aux nouveaux alliés de circonstance de prouver leur efficacité, c’est raisonnable.
Les choix raisonnables sont ceux que nous pouvons cautionner, à défaut de solutions parfaites. Et pour l’heure aucune des alternatives proposées n’est parfaite. Ce conflit au nord a duré plus de 30 ans. Les pouvoirs civils et militaires se sont succédés sans pouvoir y mettre fin. Bien au contraire, avec le temps qui passe, il a pris une autre dimension. Une Transition militaire de 5 ans, ne ferait que retarder le retour de l’ordre constitutionnel et provoquer d’autres émois. La porte de la diplomatie étant toujours ouverte, il y a fort à parier que les parties, soucieuses à leur façon du bien-être du peuple malien, concluront un accord raisonnable.
Dr DOUGOUNÉ Moussa
Source: Le Pélican