ÉCOLE CORANIQUE DES TALIBES : Enseignement religieux ou pépinière de potentiels «djihadistes» ?

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Le Mali est plongé depuis 2012 dans une crise multidimensionnelle: rébellion au nord, crise à caractère ethnique et religieuse au Centre, corruption généralisée dans l’appareil étatique. Tous ces maux n’entravent pas seulement le développement économique et social du pays, mais entraînent, déjà fort longtemps, de graves pertes en vies humaines. En partie notre pays manque aujourd’hui d’hommes réfléchissant sincèrement sur l’avenir de la nation. Cela afin de lui proposer un projet de société et de développement digne ancré surtout sur nos valeurs africaines. Peu d’intellectuels pensent vraiment du pays ; certains se livrant à la politique sans conviction.

 Aujourd’hui, notre pays a plus que jamais besoin d’une refondation de sa société. Et toute refondation, d’une société, a besoin de citoyen de type nouveau. Beaucoup d’ingrédients entrent, alors, dans la formation de ce nouveau malien. L’enseignement y occupe une place de choix.

Le décollage économique et social de toutes les grandes sociétés a commencé par la connaissance nécessaire qu’elles ont pu donner à leurs populations.

Aujourd’hui, nous consacrons notre maigre et modeste réflexion sur l’enseignement coranique, notamment des talibés et son impact surtout négatif sur le développement économique et social de notre pays.

Il n’est un secret pour personne de voir un peu partout des talibés errant dans les rues et ruelles des villes et villages du pays à la quête de nourriture pour eux mais aussi d’argent pour leur maître. Celui-ci est sans exagérer leur Dieu sur terre, souvent plus «vénéré» que leurs propres parents.

Rendons nous d’abord à l’école des talibés. Approchant ce sanctuaire, nous sommes tout d’abord abasourdis par le brouhaha des élèves coraniques, des talibés criant à tue-tête des versets du Saint Coran sans savoir leur moindre signification. Tenant des longues ardoises en bois sur lesquelles sont écrits les versets du Saint Coran. Leur presque seule mission est de  bûcher le plus rapidement possible le Coran sous le regard menaçant de leur maître, souvent un marabout. Ils apprennent généralement plus vite à réciter le Coran que d’écrire ou de lire ce qui est écrit sur leur ardoise, car leur regard est plus dirigé vers le maitre qui peut à tout moment abattre sa colère sur eux. Toute leur vie et éducation sont presque canalisées par un seul homme, le marabout. Alors, leur comportement social et leur vie spirituelle dépendent de la qualité ou du défaut de leur maitre, d’où le risque d’être contaminés à vie par les comportements de ce dernier. Mais aussi l’influence notable et à vie que ce maitre marabout  peut avoir sur eux. Surtout que toute la mission de ce dernier est de faire d’eux ses semblables pour très souvent d’une manière ou d’une autre profiter d’eux pour essayer d’étendre son influence dans  telle ou telle contrée.

Il serait bien idéal, si ce grand maître pour  eux, avait toutes les nobles vertus humaines. Mais tel n’est pas souvent le cas et très souvent les talibés sont victimes du fanatisme et de l’obscurantisme.

 

«Qui sème du vent récolte la tempête»

Alors le grand adage intervient: «qui sème du vent récolte la tempête». Rappelons aussi que ces talibés n’ont appris aucun métier les permettant de mener une vie digne sans dépendance. Tous ces ingrédients peuvent se conjuguer alors pour faire d’eux de potentiels djihadistes qui infecteront un peu partout notre patrie.

Ce n’est pas un fait de hasard que malheureusement le puissant djihadiste, Amadou Koufa a posé ses premiers jalons dans le Macina. Il est à noter aussi que le Macina et une bonne partie de la région de Mopti où sévit actuellement une catastrophe sans précédent, sont des zones par excellence des talibés. Toute éducation ou religion, tant qu’elle n’admet pas l’existence d’autres variétés est potentiellement dangereuse. L’apprentissage de la religion dans des écoles dirigées par des marabouts à compétence douteuse peut conduire vers le fanatisme. Or comme le disait Voltaire «tout fanatisme religieux est plus dangereux que l’athéisme philosophique».

Il revient, à l’Etat d’avoir un regard particulier sur ce type de formation religieuse qui conduit à diverses interprétations du Coran. Cela aura comme conséquence l’apparition de plusieurs branches de l’islam souvent radicales qui menacent la laïcité du pays. Surtout que certaines branches «radicales» commencent à se politiser. Il est donc nécessaire aussi que l’éducation religieuse des talibés soit accompagnée d’éducation professionnelle qui les permettra d’avoir un métier.

Beaucoup de pays musulmans adaptent l’Islam à leurs cultures et coutumes. L’exemple de la Malaisie ou de l’Indonésie doit inspirer aujourd’hui le Mali. Cela en mettant en place une politique d’Islam moderne qui exclut tout fanatisme. Imaginez, un talibé en fin de formation, plongé dans le fanatisme sans métier et totalement voué à la cause de son maître. Il serait prêt à exécuter tout ordre du maître même le plus criminel.

Alors contrôlons notre enseignement religieux. Faisons de telle sorte que l’école coranique ne soit pas une pépinière de potentiels djihadistes. Luttons aussi contre toute aversion, surtout à caractère religieux. N’est-il pas plus facile d’étouffer les serpents dans les œufs avant l’éclosion que de pourchasser les cobras de Boko Haram ou les vipères d’Amadou Koufa et bien d’autres qui infectent le Sahel jadis paisible ?

Seguemo Kassogué depuis Moscou

 Source: L’Evènement

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