La fin des congés a été marquée par une grève de 72 heures dans bon nombre d’écoles privées catholiques au Mali. La raison ? L’Etat doit à l’enseignement catholique 1 milliard F CFA, un retard qui empêche le payement des salaires. Une seconde grève est prévue du 21 au 23 avril.
Dans les diocèses du Mali, fait rare, les écoles privées catholiques sont en grève. Cette crise scolaire tourne autour de 4 points, selon le Syndicat national des travailleurs de l’enseignement privé catholique (Syntec). Il s’agit de l’ouverture des droits de l’Assurance maladie obligatoire (Amo), le retard de paiement intégral des allocations familiales dans certains diocèses, le paiement des rappels dus au compte de l’article 39 et celui des salaires à terme échu.
L’observation des 72 heures de grève découle d’un échec de négociations entre la direction nationale du travail et le Syndicat national de l’enseignement privé catholique (Syntec). Bien avant cela, le Syntec avait circulé la lettre n°20-07, le 26 septembre 2020, pour tirer la sonnette d’alarme sur le retard des salaires et non-paiement des indemnités d’équipement et de résidence.
Lassine Diarra est un membre du Syntec de Ségou. Il déplore la situation actuelle des enseignants de l’enseignement catholique. « Si vous voyez que nous sommes partis en grève, cela veut dire que nous avons trop encaissé. A Ségou, nous sommes à 20 mois sans nos allocations familiales », regrette M. Diarra.
Il affirme qu’au cours des dialogues, la partie gouvernementale a refusé un moratoire d’où l’échec des négociations. Notre interlocuteur informe également que relativement à l’article 39, le gouvernement leur avait promis de donner la moitié des 6 mois de retard sur l’année 2019, 6 mois pour 2020 en plus des primes de résidences.
« Les rappels sur les primes de résidence ont plus d’un an de retard. Nous leur avons demandé la totalité c’est-à-dire des six derniers mois de 2019, et six mois de 2020. Nous leur avons dit que sans la totalité, nous ne regagnerons pas les classes. Ils avaient promis que les dossiers sont déjà dans le circuit de traitement. Maintenant le gouvernement a débloqué les premiers 6 mois de 2020 et les primes de résidences. Mais tous les diocèses ont bénéficié de cela sauf celui de Ségou. L’argent est déjà disponible à Ségou, mais le comptable dit qu’on ne donne pas de l’argent à un gréviste », a relaté M. Diarra.
Koundya Joseph Guindo, directeur national de l’Enseignement catholique, reconnait parfaitement la légitimité de la grève des personnels enseignants, car conscient des difficultés financières pesantes sur sa structure. Il justifie que l’Etat leur doit de l’argent. C’est-à-dire, explique-t-il, en 2019 et 2020, le gouvernement n’a pas payé la totalité des 80 % du fonds qu’il leur doit. « Le cumul fait que nous avons 1 milliard F CFA avec l’Etat ».
« J’ai reçu un préavis de grève du syndicat. Nous avons été convoqués par la direction nationale du travail pour une conciliation. Là-bas les conciliations n’ont pas abouti. Il y avait 4 points de revendications dont un point accordé. Ce point est relatif au paiement des salaires à terme échu. Avec la Covid-19 et l’insécurité, pendant un moment, il y a eu des retards de salaires. Mais pendant leur première grève ce point n’était plus à l’ordre du jour parce qu’il avait été accordé pendant la négociation du 25 mars 2020. Les 3 points restants font l’objet d’un désaccord », explique M. Guindo.
L’Etat traîne les pieds
« L’église du Mali a une convention avec l’Etat qui s’engage à payer une subvention de 80 % des salaires des enseignants des écoles catholiques. Tous les avantages qui sont attribués aux enseignants de la fonction publique, leurs sont dus. Mais les procédures de paiement diffèrent chez nous par rapport aux enseignants des écoles publiques. Il faut faire une demande spéciale et le processus est très lent », révèle M. Guindo. « Nous n’avons pas les fonds de l’Etat à temps ».
Le Mali compte 6 diocèses à Bamako, San, Mopti, Ségou, Sikasso et Kayes. L’Enseignement catholique est un élément important du témoignage de la foi dans la vie sociale. C’est pourquoi, de façon générale, l’Église a toujours attaché beaucoup d’importance à l’éducation, moyen de promotion de tout homme.
Les écoles catholiques ont pour mission d’aider la personne humaine à percevoir sa vocation comme service de Dieu et de l’humanité et de la préparer à la réaliser pleinement. « Entre tous les moyens d’éducation, l’école revêt une importance particulière. Elle est spécialement, en vertu de sa mission, le lieu de développement assidu des facultés intellectuelles, en même temps elle exerce le jugement. Elle introduit au patrimoine culturel hérité des générations passées. Elle promeut le sens des valeurs, prépare à la vie professionnelle, fait naître entre les élèves de caractère et d’origine sociale différents un esprit de camaraderie qui forme à la compréhension mutuelle», (Gravissimum educationis momentum – Déclaration sur l’éducation chrétienne, n°5, Vatican II, 28 octobre 1965)
Au Mali, les premières écoles privées ont ouvert leurs portes entre 1889 et 1904. Il s’agit de l’école de Kita, créée le 15 mai 1889 par les Pères du Saint Esprit, celles créées par les Missionnaires d’Afrique (les Pères Blancs), l’école de Tombouctou le 21 mai 1895 et l’école de Ségou le 12 janvier 1896.
L’État malien a signé avec l’église, une convention le 8 août 1972. Aux termes de cette convention, l’Etat prend en charge 80 % du salaire des enseignants et l’église, 20 %. Ainsi, cela permet d’ouvrir des écoles en milieux rural surtout.
Fatoumata Kané
Source : Mali Tribune