À la faveur de la Constitution du 25 février 1992, des associations communautaires, régionales et religieuses ont proliféré en république du Mali. Ainsi, chaque communauté ethnique ou régionale du pays s’est dotée de son association. Nous nous abstenons de les citer. Mais avec le recul de trente ans de multipartisme intégral, de liberté d’associations et de culte, le bilan du communautarisme est loin d’être positif dans notre pays. Il est même devenu un frein à la réalisation de l’unité nationale. Au lieu de permettre le développement des communautés, en réalité, ces diverses associations se sont plutôt servies d’elles en les manipulant à souhait au profit des intérêts sociopolitiques et économiques (avoués ou pas) des leaders. Ce sont notamment les cas des communautarismes religieux et ethniques.
Par définition, le terme de communautarisme désigne toute forme d’auto centrisme d’un groupe religieux ou ethnique valorisant ses différences avec le reste de la société. Le communautarisme conduit forcément au repli identitaire. Puisque les membres d’une communauté (ethnique, religieuse, géographique, etc.), vont naturellement se replier sur eux-mêmes, en vivant entre eux, et s’isoler au lieu de s’intégrer au sein du groupe plus large auquel ils appartiennent : c’est-à-dire la Communauté nationale. C’est ce danger du repli communautaire que craignaient les pères de l’indépendance du Mali.
Ainsi même si elles existaient en privée (parce qu’il est quasiment impossible d’empêcher à une communauté de vivre sa spécificité), le régime socialiste de Modibo Keïta avait strictement interdit l’officialisation des associations ethniques et régionales. Cette dynamique a continué sous le régime militaire de Moussa Traoré. En ces moments, les maliens, d’où qu’ils viennent (nord, sud, centre, ouest…), se sentaient d’abord comme un citoyen tout court, intégré dans une même communauté nationale de destin. Mais qu’est ce qui se passe actuellement ? La prolifération exponentielle des associations communautaires, régionales et religieuses. Chacune d’elles s’isolent par rapport à l’intérêt national.
Pourtant la société malienne est par tradition, une société multicommunautaire d’intégration. La jeune république du Mali, construite sur les vestiges de trois grands empires médiévaux de l’Afrique de l’ouest : Le Ghana, le Mali et le Songhoï, est multicommunautaire. Mais les populations jusqu’en 1991, étaient transcommunautaires et défendaient en priorité l’intérêt national. C’était ainsi. D’ailleurs l’histoire de ces glorieux empires, dont le Mali hérite, nous apprend que chaque empire avait en sa tête une communauté prédominante. Mais pour autant, aucune des communautés impériales n’était marginalisée. Cette même riche histoire nous apprend également à suffisance que les communautés(ou ethnies) avaient toujours vécu en bonne intelligence.
C’est ce riche patrimoine immatériel que nos aïeux nous ont légué. Un riche modèle d’intégration nationale. Où la citoyenneté nationale se basait, non pas sur l’intégration collective ou communautaire, mais plutôt individuelle. Il va donc s’en dire que l’individu dans notre pays était bien valorisé à l’époque des grands empires jusque dans la fin des années 90. Alors, pourquoi les hommes politiques actuels ont désormais préféré la dimension communautariste pour évoluer?
De toute façon, l’intérêt national exige que les maliens s’unissent autour d’un idéal commun afin que l’Hymne national ne demeure pas un vain mot. Pour cela, il faut que les hommes politiques comprennent et acceptent un changement de paradigme sociopolitique. Où la communauté va désormais cesser de prendre l’individu en otage au profit d’un quelconque intérêt communautaire. Qu’Allah nous en garde!
Gaoussou Madani Traoré
Source: Le Pélican