Edito : la presse malienne à l’article de la mort

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Moustapha-Diawara
Moustapha-Diawara

Ce n’est plus qu’un secret de polichinelle, la presse malienne est de nos jours négligée, piétinée et divisée en plusieurs morceaux. Des courants constitués de laudateurs de Kati, aux amplificateurs de la politique-spectacle. S’y ajoutent les nostalgiques des temps passés, les amis des anciens dignitaires. Les premiers sont des privilégiés embarqués dans le bateau des protagonistes, des mouvements associatifs ” débout sur les remparts.”

Ces derniers ont pignon sur rue et n’obéissent à aucune règle, ne payent aucun kopeck aux fiscs et tirent leur légitimité de leur accointance avec les princes du jour. Les deuxièmes, venus dans les bagages du M5-RFP sont des invités spéciaux de la Primature chargés d’amplifier sur les réseaux sociaux les moindres déclarations du gourou de la cité ministérielle et de démonter par pièce la longue séquence des scandales supposés, collés à sa personne et ses bonnes relations avec le président de la Transition. Quant aux derniers, ils font allégeance à des organisations qui sanctionnent ou calomnient le pays. Ils s’allient avec des anciens dignitaires, pour la plupart en fuite dans des paradis dorée des pays voisins. Ils s’imposent en bons défenseurs de la cause des acquis démocratiques et n’hésitent point à fermer les yeux sur la montée en puissance des Fama, au risque de ne pas heurter la sensibilité de ceux qui étaient aux affaires ces vingt dernières années.

C’est dans cette embrouillamini que la Maison de la Presse, mère de toutes les faitières de la presse au Mali, tente de surfer pour tirer son épingle du jeu avec un agenda en porte à faux avec toutes les règles de la déontologie et de l’éthique de la profession. Ce faisant, la grande masse de la population, désemparée, n’a d’autre choix que de s’abonner à des chroniqueurs, tels ‘’le politologue de New York’’, ‘’Djobala’’, ‘’Mandé Princesse’’ ou ‘’Général Chico’’. Ce faisant, l’actualité dominant devient des sujets de ‘’chiens écrasés’’ comme ‘’Biguni et Palmer’’ ou ‘’ la pompe détruite d’une membre du CNT’’.Ce qui intrigue dans tout cela est le sort même de la corporation. Les vrais maux des maliens sont relégués au second plan, le pouvoir n’a aucun égard pour l’avenir du secteur des medias et la mère des faitières joue à l’enfant de chœur. Vivant dans la précarité, ceux qui n’ont pas encore trépassé et qui pourront donner à ce secteur ses lettres de noblesse, cherchent à joindre les deux bouts. Pour que la marmite familiale puisse bouillir au moins une fois dans la journée. De quoi doucher l’optimisme des plus coriaces et assombrir l’avenir de la presse malienne. Or, avec le vent du changement opéré en août 2020, on était gonflé à bloc dans l’espoir de pouvoir introduire, dans le classeur de la refondation annoncée, les reformes longtemps rêvées et nécessaires au secteur des medias au Mali.

Après 20 mois d’une Transition chahutée, toutes ces préoccupations ont été zappées. On interdit même la livraison des journaux dans certains services publics, on barre la route de la HAC au président de la plus importante des faitières de la presse et on invite la presse locale à soutenir la transition, le ventre creux, la convocation des créanciers sous l’oreiller. Dormez en paix valeureux journalistes qui n’ont pas vécu ces moments. Ces vœux sont de ceux qui attendent leur tour, car le secteur est à l’article de la mort.

Moustapha Diawara

Source : Le Sursaut

 

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