Des milliers de maliens ont manifesté le vendredi dernier à Bamako pour soutenir les FAMAS et contre les forces étrangères stationnées au Mali. Parmi eux, il y avait de nombreuses veuves de soldats tombés au front au centre comme au nord du Mali. « Nous allons marcher sur Kidal. Nous sommes un peuple, aujourd’hui, qui est sorti pour faire face à la force obscure. Le peuple reproche quelque chose à la France, aux forces étrangères : la Barkhane, la Minusma.». Tels étaient quelques slogans hostiles tenus par ces citoyens très mécontents et indignés de l’apport des forces étrangères dans la lutte contre l’insécurité dans leur « Maliba ». Tout le contraire de ce que diffusent les autorités maliennes qui ne cessent de magnifier cette présence.
La démocratie moderne, dite de délégation, repose sur le principe qu’il est impossible de concevoir l’organisation du bien commun et la gouvernance des peuples par la participation de tous les citoyens à toutes les décisions et à tous les stades de celles-ci. Ce, d’autant qu’il est encore vrai qu’il existe dans nos Etats de nombreux et profonds clivages sociaux autant qu’idéologiques, de multiples conflits d’intérêts, la complexité des enjeux politiques ainsi que la nature de certaines questions qui nécessitent des arbitrages délicats et difficiles ou des décisions rapides, voire urgentes.
Le Mali est un Etat démocratique doté d’un Gouvernement (exécutif) et d’un Parlement (législatif). En raison de cela, le peuple peut-il se substituer aux autorités pour remplir leurs missions constitutionnelles ? Est-il vraiment dans son rôle de dénoncer l’inefficacité des forces étrangères dans notre pays ? Où bien, existe-t-il actuellement un déphasage entre le peuple malien qui ne comprend pas les nombreux dérapages sécuritaires dans son pays et sa gouvernance apathique ? Une chose est évidente, c’est que les maliens commencent à se lasser de s’accommoder de la présence des forces étrangères. Ils veulent ainsi, à travers leurs marches de soutien à l’armée, forcer les autorités à décider sans délai de changer de cap.
Dans certains Etats, en raison du respect de la doctrine démocratique qui veut que le peuple soit souverain et qu’il gouverne ses propres affaires, très souvent les élus ont recours au référendum. Dans d’autres, comme la Suisse ou certains Etats des USA, la Constitution accorde aux citoyens, le droit d’amorcer eux-mêmes des référendums sur plusieurs questions, y compris la révocation de mandats électifs et le blocage de lois adoptées par le Parlement.
Ce qui est loin d’être le cas dans les démocraties africaines en l’occurrence au Mali. Lesquelles sont, pour la plupart, dans leurs phases transitionnelles. Où il existe généralement une véritable accointance entre le Parlement, l’exécutif et le judiciaire. Ce, au détriment de l’intérêt général. Une situation qui suscite aujourd’hui tant de frustration, de cynisme et de désintérêt parmi la population par rapport aux affaires publiques. Ainsi, les électeurs vont de moins en moins voter lors des différents scrutins électoraux cruciaux. Ce qui enlève toute légitimé aux mandataires des institutions.
Toutefois, ces mêmes électeurs (le peuple) qui boudent les urnes ne sont pas totalement déconnectés des affaires publiques. D’autant que la capacité de résilience du peuple reste intacte quoi que l’on puisse croire. Ainsi, face à des questions d’intérêt national cruciales, le peuple n’hésite pas à revêtir son costume de combattant pour une citoyenneté populaire. A travers l’influence de la Société civile ou de leaders d’opinion, les populations vont participer en masse aux mouvements spontanés ou élaborés pour faire valoir leurs positions qui sont le plus souvent contraires à celles de la gouvernance. C’est certainement le cas des marcheurs maliens du 08 novembre.
Gaoussou Madani Traoré
Source : Le Pélican